Avis 20224299 Séance du 08/09/2022

Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 juillet 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche universitaire concernant la création des deux associations de personnes originaires du Portugal à Vitry‐sur‐Seine en 1980‐1981, des documents conservés aux Archives nationales sous la cote : Archives de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) 1) 19840083/114, dossier 6082 : Demande d'autorisation de l'association étrangèreX (1980-1981) ; 2) 19840083/120, dossier 6480 : Demande d'autorisation de l'association étrangère X (1980-1981). 1. Rappel du cadre juridique La commission, qui a pris connaissance des observations du directeur général des patrimoines, rappelle que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, selon le 3° du I de cet article, les documents qui comportent des informations dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier. La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné. La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. Conformément à sa doctrine traditionnelle (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. Dans un avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021, la commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n°s 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’Etat a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger. L’intérêt légitime du demandeur doit être apprécié au vu de la démarche qu’il entreprend et du but qu’il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d’archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu’ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d’une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l’un et des autres s’effectue en tenant compte notamment de l’effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l’écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l’objet d’une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics. 2. Application au cas d’espèce En l’espèce, la commission comprend de la réponse du directeur général des patrimoines que les documents demandés sont couverts par un délai de cinquante ans au titre de la protection de la vie privée des personnes et ne sont, à ce stade, pas encore librement communicables. Toutefois, la commission constate, d’une part, que le ministre de l’intérieur a implicitement rejeté la demande d'autorisation d’accès par dérogation qui lui a été adressée sans expliciter son motif de refus. Elle relève, d’autre part, que Madame X inscrit sa demande dans le cadre d’un travail de recherche universitaire et constate en outre que les documents demandés sont en lien direct avec ses travaux. La commission note également que cette dernière a signé un engagement de réserve. Elle constate, enfin, que ni les Archives nationales, où sont conservés les documents, ni le directeur général des patrimoines n’ont émis de réserve quant à leur consultation par dérogation. Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime que l’intérêt légitime de Madame X est en l’espèce de nature à justifier la consultation anticipée des fonds d’archives demandés, sans qu’il soit porté une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi, en particulier à la protection de la vie privée. Elle émet, par suite, un avis favorable à la demande.