Avis 20224041 Séance du 08/09/2022

Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 mai 2022, à la suite du refus opposé par le préfet de la Haute-Savoie à sa demande de : 1) communication par courrier électronique de l'intégralité des correspondances communicables au public intervenues depuis le 1er janvier 2019 entre la préfecture et/ou la sous‐préfecture d'une part, et la commune de Marin d'autre part, y compris toutes les correspondances directes avec le préfet et/ou le sous‐préfet (courriels et autres) ; 2) communication par publication et mise à jour régulière sur le site internet de la préfecture des documents suivants : a) toutes les délibérations, décisions prises par délégation du conseil municipal et transmises au contrôle de légalité de la préfecture ou de la sous‐préfecture depuis le 1er janvier 2014 ; b) toutes les décisions réglementaires et individuelles prises par le maire et transmises au contrôle de légalité de la préfecture ou de la sous‐préfecture depuis le 1er janvier 2014 ; c) tous les actes à caractère réglementaire pris par les autorités communales dans les domaines qui relèvent de leur compétence et transmis au contrôle de légalité de la préfecture ou de la sous‐préfecture depuis le 1er janvier 2014 ; d) toutes les conventions relatives aux emprunts, marchés, accords‐cadres, de concession ou d'affermage et contrats de partenariat transmis au contrôle de légalité de la préfecture ou de la sous‐préfecture depuis le 1er janvier 2014 ; e) toutes les décisions relevant de prérogatives de puissance publique éventuellement prises par des SEML pour le compte de la commune de Marin et transmises au contrôle de légalité de la préfecture ou de la sous‐préfecture depuis le 1er janvier 2014 ; f) tous les échanges intervenus entre les services de la préfecture ou de la sous‐préfecture et la mairie de Marin dans le cadre du contrôle de légalité (lettres d'observations, réponses éventuelles) depuis le 1er janvier 2014. La Commission, qui a pris connaissance des observations du préfet de la Haute-Savoie, rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. S'agissant du point 1), la commission rappelle que le droit d'accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne contraint pas l'administration à effectuer des recherches pour répondre à une demande et que les administrations ne sont pas tenues de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, Ordre des avocats au barreau de Lyon c/ X, n° 56543, X 267 ; CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, n° 83477). La Commission observe qu’une demande imprécise conduit à un avis d’irrecevabilité. Elle rappelle que si l'autorité saisie n'est pas tenue, sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration, d'inviter le demandeur à préciser une demande qu'elle estime imprécise, il lui est loisible de le faire dans un souci de bonne administration afin d'éviter la multiplication des demandes de communication dont elle est l'objet. Elle considère irrecevables les demandes portant sur des échanges intervenus entre une ou des administrations et une autre administration ou une personne privée, trop imprécises quant à l'objet des documents demandés (avis n° 20216781 du 16 décembre 2021), quant à leur nature (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à l'administration et/ou ses composantes en cause (avis n° 20195507 du 12 mars 2020), quant à son ou ses interlocuteurs (avis n° 20194880 du 12 mars 2020 ; n° 20213868 du 15 juin 2021), quant au cadre d'élaboration du document (avis n° 20213868 du 15 juin 2021) ou encore quant à la période de temps visée (avis n° 20213868 du 15 juin 2021). En l'espèce, la Commission constate que la demande, qui vise l'intégralité des correspondances communicables au public échangées depuis le 1er janvier 2019 entre les services préfectoraux et la commune de Marin et qui inclut l'ensemble des correspondances directes avec le préfet et/ou le sous‐préfet, par l’étendue de son libellé, ne met pas l'administration saisie en mesure d'identifier précisément et sans recherche approfondie, les documents susceptibles d'y répondre. Elle ne peut donc que déclarer cette demande irrecevable et inviter le demandeur, s'il le souhaite, à adresser à l'administration une nouvelle saisine plus circonstanciée. S'agissant du point 2), la Commission observe que la demande tend à la communication, par voie de publication en ligne et mise à jour régulière sur le site internet de la préfecture de la Haute-Savoie, de plusieurs catégories d'actes émis par la commune de Marin et transmis au représentant de l’’État dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité, depuis le 1er janvier 2014. La Commission rappelle que le droit d’accès aux documents administratifs doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Une demande peut être regardée comme abusive lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, 14 novembre 2018). La Commission relève que lorsque l’administration fait valoir que la communication des documents sollicités, en raison notamment des opérations matérielles qu’elle impliquerait, ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il lui revient de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l’intérêt qui s’attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public (CE, 17 mars 2022, n° 449620). En l'espèce, la Commission relève, d'une part, qu'eu égard au nombre et à la variété des documents demandés, compte tenu des recherches qui incomberont nécessairement à l'administration afin d'identifier et sélectionner les documents susceptibles de satisfaire la demande et des efforts nécessaires à l'occultation préalable des mentions protégées, le traitement de la demande de Monsieur X est de nature à faire peser sur la préfecture de la Haute-Savoie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La Commission relève, en particulier, que la mise en ligne des documents sollicités est subordonnée à l'occultation préalable de l'ensemble des mentions susceptibles de porter atteinte aux secrets et aux intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que, s'agissant des actes entrant dans le champ d'application de l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales, aux secrets protégés par la loi sur d'autres fondements, tels que le secret de la vie privée ou le secret industriel et commercial (CE, 17 mars 2022,n° 449620). Dans les deux cas, l'administration devra en outre s'assurer, s'agissant des documents comportant des données à caractère personnel, du respect des dispositions du deuxième alinéa de l'article L312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, il n’apparaît pas à la Commission que la publication en ligne de ces documents, dont pour la plupart l'autorité préfectorale n'est pas l'auteur, sur le site internet de cette administration présenterait un intérêt pour le demandeur et pour le public tel qu'il justifie de faire peser sur cette autorité une charge de travail de cette ampleur. La Commission considère, pour l'ensemble de ces raisons, que cette demande présente un caractère abusif et émet, en conséquence, un avis défavorable.