Conseil 20223979 Séance du 13/10/2022
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 21 juillet 2022, votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un chercheur, de photographies pour lesquelles votre service des archives ne dispose pas de l’intégralité des droits.
La commission vous rappelle, à titre liminaire, qu'un grand port maritime est, en application de l’article L5312-2 du code des transports, issu de l’ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 et reprenant des dispositions insérées au code des ports maritime par la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial qui a pour objet : « (...) 1° La réalisation, l'exploitation et l'entretien des accès maritimes ; (...) 3° la gestion et la valorisation du domaine dont il est propriétaire ou qui lui est affecté ; / 4° la gestion et la préservation du domaine public naturel et des espaces naturels dont il est propriétaire ou qui lui sont affectés (...) ». Elle relève qu'en l'espèce, les documents photographiques pour lesquels vous l'interrogez et qui, aux termes de votre demande de conseil, ont été utilisés pour l'illustration de certaines plaquettes de communication, participent directement de la gestion et de la valorisation du Grand port maritime de Dunkerque et, par suite, de sa mission de service public. Ils constituent dès lors des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
La commission souligne que l’article L311-4 du même code dispose que : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. » Dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. La commission en déduit qu’il vous appartient par conséquent de déterminer, pour l’application de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, si ces photographies peuvent être considérées, en tout ou partie, comme des œuvres de l’esprit protégées par des droits d’auteur et si elles ne peuvent donc être communiquées qu’après autorisation de leur auteur.
La commission relève, à cet égard, que le contrat que vous avez conclu pour l'utilisation des documents photographiques en cause comporte peut-être des stipulations particulières en ce sens, ce que la commission encourage afin de prévenir toute difficulté.
Faute d’avoir pu prendre connaissance de ce contrat, la commission vous rappelle, dans l’hypothèse où celui-ci ne comporterait aucune stipulation de cette nature, qu'aux termes de l'article L112-2 du code de la propriété intellectuelle : « Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 9° Les œuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ; (...) ».
En outre, pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier. A titre d'exemple, le Conseil d’État, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011 qui a transféré la compétence en matière de responsabilité extracontractuelle à l'ordre judiciaire (Tribunal des conflits, 7 juill. 2014, n° 3955, X c/ Département de Meurthe-et-Moselle, publié au Recueil Lebon), a exclu l'exercice du droit au nom, composante du droit moral, s'agissant de la rénovation intérieure des ailes Est et Ouest de la préfecture du Morbihan, qui a consisté en une consolidation des charpentes et planchers et un réaménagement des bureaux, qui ne présentait pas un caractère suffisamment original pour permettre à l'architecte mandataire du groupement chargé par le département du Morbihan de la maîtrise d'œuvre de cette rénovation de se prévaloir des dispositions précitées pour exiger que son nom fût inscrit sur la façade de la préfecture (CE, 6 mai 1988, X, n° 78833, mentionné aux Tables du Recueil Lebon).
En l'espèce, la commission constate, au regard de l'échantillon que vous lui avez transmis, que la demande porte sur des photographies prises entre les années 2000 et 2022 qui, pour la plupart, illustrent des vues aériennes en format grand angle des installations du Grand port maritime de Dunkerque ainsi que du paysage maritime environnant et de navires. Elle remarque que ces photographies sont marquées par la personnalité de leur auteur, en ce qu’elles traduisent l’originalité des choix techniques et artistiques qu’il a opérés, ainsi qu'un point de vue singulier et personnel sur la mission de mise en valeur du site qui lui a été confiée, s'exprimant avec cohérence au fur à mesure des années. Elle considère, par suite, que ces documents photographiques présentent le caractère d’une œuvre de l’esprit, au sens de l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle
La commission vous recommande donc de recueillir, préalablement à toute communication, l'accord du photographe titulaire des droits d'auteur. En cas de refus opposé par ce dernier, les droits de propriété intellectuelle feraient alors obstacle à la demande de communication qui vous est soumise.
Tels sont, en l'état des informations que vous avez porté à sa connaissance, les éléments de réponse que la commission est susceptible de vous apporter.