Avis 20223036 Séance du 23/06/2022
Madame X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 mai 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'association départementale pour l'aide à l'enfance et aux adultes en difficulté de Haute-Normandie (ADAEA 27) à sa demande de communication, par voie dématérialisée, de la copie de l'intégralité des documents contenus dans le dossier d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) concernant ses enfants, XX et XX, notamment :
1) les rapports sociaux rédigés auprès des instances judiciaires ;
2) l'intégralité des soit transmis avec les intervenants ;
3) le document individuel de prise en charge (DIPC) ainsi que le projet pour l'enfant (PPE) concernant X ;
4) l’ensemble des courriers externes et convocations.
La commission rappelle d'abord que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées :
1. L’ensemble des pièces qui composent ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur.
2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable.
3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun.
En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre de l'assistance éducative et du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux.
En l'espèce, la commission comprend que l'ADAEA 27 a été mandatée par le juge des enfants pour la réalisation d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au bénéfice des enfants de Madame X. La commission en déduit que les rapports éducatifs et courriers transmis par l'association au juge des enfants qui l'a mandatée constituent des documents judiciaires. La commission ne peut dès lors que se déclarer incompétente pour se prononcer sur la demande dans cette mesure.
La commission rappelle ensuite que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.
En l'espèce, la commission relève que l'ADAEA 27 est une association de droit privé, créée sous le régime de la loi de 1901, qui à pour but, selon ses statuts, notamment « de créer un mouvement d’opinion en faveur de l’enfance en danger moral et inadapté », « de contribuer à l’application des dispositions légales en faveur des enfants en danger moral et inadaptés et des majeurs protégés », « de prévenir et lutter contre les violences faites aux enfants ou encore « de mettre en place, à l’usage des enfants et adultes déficients, des mineurs et des majeurs en danger moral ou en difficulté, des services et établissements qui, dans le domaine de la prévention, du diagnostic, du traitement en cure libre, de la rééducation, de la médiation, de l’hébergement et de l’encadrement, de l’organisation des loisirs, sont susceptibles de faciliter leur réadaptation sociale ». La commission ne dispose toutefois pas d'éléments quant aux conditions de sa création, ses modalités d'organisation et de fonctionnement qui permettraient de considérer qu'elle serait chargée d'une mission de service public.
Ainsi, à supposer que l'association concernée détiendrait des documents relatifs à la situation des enfants de Madame X qui n'auraient pas été élaborés à la demande d'un magistrat dans le cadre du mandat judiciaire, elle n'apparaît pas être au nombre des autorités énumérées à l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. En l'état des informations dont elle dispose, la commission doit, en conséquence, se déclarer incompétente pour se prononcer sur l'ensemble de la demande.