Avis 20222559 Séance du 02/06/2022
Maître X, conseil des X X, X, X, X, X, X, X, X, X,X et X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 avril 2022, à la suite du refus opposé par le président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) à sa demande de communication, par courriel, des documents suivants, établis par l’ADEME dans l’exercice de sa compétence de suivi et d’observation des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), en particulier pour le calcul de la redevance due par les X, dont il est le conseil, en contrepartie de l’exercice par l’ADEME de cette compétence (articles R131-26-1 et suivants du code de l’environnement), et ce autre titre des années 2021 et 2022 :
1) les documents contenant les sources et les bases de calcul ayant servi à l’ADEME pour le calcul du montant de cette redevance au titre des années 2021 et 2022 ;
2) l’entier dossier contenant les justifications et les autres documents adressés à la direction générale de la prévention et des risques près le ministère de la Transition écologique le 30 avril 2021 et les éléments complémentaires adressés le 17 juin suivant en vue de l’homologation de la proposition de grille tarifaire de l’ADEME, le tout tel que visé dans l’arrêté du 15 juillet 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l’article L131-3 du code de l’environnement ;
3) l’entier dossier contenant les justifications et les autres documents adressés à la direction générale de la prévention et des risques près le ministère de la Transition écologique le 31 août 2021 et les éléments complémentaires adressés le 20 octobre suivant en vue de l’homologation de la proposition de grille tarifaire de l’ADEME, le tout tel que visé dans l’arrêté du 18 novembre 2021 portant homologation des tarifs de la redevance prévue à l’article L131-3 du code de l’environnement ;
4) tout document programmatique, comptable, financier ou de toute autre nature retraçant l’ensemble des coûts anticipés par l’ADEME au titre des deux périodes tarifaires précitées et pris en compte pour le calcul de la redevance de suivi et d’observation des filières à REP pour l’année 2021 et pour l’année 2022.
La commission rappelle tout d’abord que l’article L124-2 du code de l’environnement définit comme information relative à l’environnement toute information qui a pour objet, notamment, l’état des éléments de l’environnement tels que l’eau, le sol, les terres et la diversité biologique, ainsi que les activités et les facteurs susceptibles d’avoir des incidences sur l’état de ces éléments, en particulier les substances, les déchets, les déversements et les autres rejets.
La commission relève qu’en vertu de l’article L131-3 du code de l’environnement, l’ADEME « V. – (…) assure le suivi et l'observation des filières à responsabilité élargie du producteur. Les coûts supportés par l'agence pour assurer la mission mentionnée au premier alinéa du présent V sont couverts par une redevance versée par les producteurs ou leur éco-organisme, dont le montant est fixé par décret ».
La commission estime que les éléments se rapportant aux modalités de calcul de cette redevance, dont l'assiette est fixée par l'article R131-26-3 du code de l'environnement, constituent des informations relatives à l’environnement au sens de l’article L124-2 de ce code.
Elle rappelle ensuite, que selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement, le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par l'administration s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l’environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code énumèrent limitativement les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement. Il appartient en particulier à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication et elle n'est fondée à rejeter une demande d'information relative à l'environnement que si elle porte atteinte : « 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L. 311-5 ; 2° A la protection de l'environnement auquel elle se rapporte ; (...) ».
En application de ces principes, la commission considère que les documents sollicités sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 et des articles L124-1 et suivants du code de l'environnement sous réserve, le cas échéant, des occultations nécessaires à la protection des intérêts évoqués au paragraphe précédent. Elle émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de l'ADEME a informé la commission que Maître X ayant introduit une action contentieuse devant le tribunal administratif de Nantes afin de contester le versement de la redevance due par les X dont il est le conseil, il s'en remettra à l’analyse du juge administratif concernant la communication des documents sollicités.
La commission en prend note mais rappelle toutefois, que cette circonstance ne fait pas en elle-même obstacle à ce que le demandeur se prévale du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et administration pour en obtenir communication. Elle précise notamment que les modalités selon lesquelles une juridiction communique, dans le cadre de l’instruction contradictoire d’une instance, des documents à des personnes qui ont un lien avec celle-ci et disposent, par exemple, de la qualité de partie, d’intervenant ou d’observateur, et qui sont régies par des dispositions spécifiques sur lesquelles la Commission d’accès aux documents administratifs n’est pas compétente, ne privent pas par elles-mêmes d’objet la demande de communication formée au titre du droit d’accès aux documents administratifs qu’un administré ou une administration détient en vertu des dispositions du code des relations entre le public et l’administration.
La commission précise également que la seule circonstance qu’un contentieux soit en cours ne suffit pas à regarder la communication des documents sollicités comme étant de nature à porter atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, au sens du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication des documents serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives. En revanche, la seule circonstance que des documents administratifs aient été transmis au juge ou que la communication de tels documents serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure, qu'il s'agisse d'une personne publique ou de tout autre personne, ne saurait légalement justifier un refus de communication sur ce fondement.
En application de ces principes, la commission, qui n'a pu prendre connaissance des documents sollicités, estime que leur communication, si elle est de nature à permettre au demandeur d'étayer son argumentation dans le cadre de la procédure contentieuse qu’il a engagée, n'est pas, à elle-seule, susceptible de porter atteinte au déroulement de l’instruction, de retarder le jugement de l’affaire, ni de compliquer l’office du juge, ou d’empiéter sur ses compétences et prérogatives. Elle estime, en revanche, que la communication de tout document qui aurait été rédigé dans la perspective d’un contentieux, à l’instar d’une note juridique du service, serait quant à elle de nature à porter atteinte à la procédure juridictionnelle en cours.
Sous les réserves précitées, le f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration ne fait donc pas obstacle à la divulgation des documents sollicités.