Avis 20222249 Séance du 12/05/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 avril 2022, à la suite du refus opposé par le maire de Maffliers à sa demande de communication, par courrier électronique, en sa qualité de conseiller municipal, de la copie numérique, par export au format xlsx ou csv depuis le logiciel de gestion utilisé par la municipalité, de la liste électorale.
La Commission rappelle à titre liminaire qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les conseillers municipaux tirent, en cette qualité, de textes particuliers tel l'article L2121-13 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ». Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient.
La Commission, qui a pris connaissance des observations du maire de Maffliers, rappelle qu'aux termes de l'article L37 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial (...) ».
Elle précise également que la communication des listes électorales est subordonnée à la condition que le demandeur fasse la preuve de sa qualité d'électeur. La Commission estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit.
La Commission rappelle ensuite que le pouvoir réglementaire a subordonné l'exercice du droit d'accès aux listes électorales à l'engagement, de la part du demandeur, de ne pas en faire un usage commercial (cf. décision du Conseil d'État du 2 décembre 2016 n° 388979, au recueil) afin d'éviter toute exploitation commerciale des données personnelles. La Commission considère dès lors que l'autorité compétente est fondée à rejeter la demande de communication dont elle est saisie s'il existe, au vu des éléments dont elle dispose, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial. La Commission considère que le caractère commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie notamment au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, la forme juridique retenue par le demandeur pour poursuivre cet objectif et l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. A cet effet, la Commission estime qu'il est loisible à l'autorité compétente de solliciter du demandeur qu'il produise tout élément d'information de nature à lui permettre de s'assurer de la sincérité de son engagement, de ne faire de la liste électorale qu'un usage conforme aux dispositions de l'article L37 du code électoral. L'absence de réponse à une telle demande peut être prise en compte, parmi d'autres éléments, par l'autorité compétente afin d'apprécier, sous le contrôle du juge, les suites qu'il convient de réserver à la demande dont elle est saisie.
La Commission rappelle enfin qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction et de l’envoi du document.
La Commission rappelle en outre qu'en vertu de l'article L300-4 de ce même code, lorsque l'administration dispose d'un document sous format numérique et que le demandeur en demande la communication par courriel ou par publication en ligne, l'administration doit s'assurer que la mise à disposition se fait « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », que l'article 4 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique définit comme « tout protocole de communication, d'interconnexion ou d'échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d'accès ni de mise en œuvre.
Elle précise également que lorsqu'un demandeur sollicite la mise à disposition d'un document dans un format ouvert et réutilisable, l'administration sollicitée ne peut utilement opposer la diffusion publique de ce document, notamment par publication sur son site internet, dans un format ne répondant pas aux exigences de l'article L300-4. Dans l'hypothèse où le document sollicité est effectivement disponible sous un format répondant à ces exigences, la Commission estime que ce code n'impose pas à l'administration de transmettre le document sous un format différent de celui qu’elle utilise déjà, pour satisfaire une demande de communication (cf avis n° 20180003). En revanche, dans l'hypothèse où le document n'est pas disponible sous un format conforme aux dispositions de l'article L300-4, l'administration doit procéder aux conversions nécessaires pour répondre aux exigences de cet article, le format utilisé n'étant toutefois pas nécessairement celui souhaité par le demandeur (cf avis n° 20180003).
En l'espèce, la Commission relève que la qualité d'électeur du demandeur n'est pas contestée et que sa demande est motivée par sa mission d'élu local, notamment dans le cadre de ses missions au sein de la Commission de contrôle des listes électorales. Elle relève également que, si la commune indique n'avoir pas obtenu d'informations complémentaires sur l'usage que souhaite faire MonsieurX de ces fichiers autrement qu'un usage « pour préparer la réunion des listes électorales » alors que la réunion de révision des listes électorales s'est tenue le 17 mars, il n'est fait état d'aucun élément permettant de douter de son engagement à ne pas faire un usage commercial de la liste demandée.
Dans ces conditions, la Commission émet un avis favorable à la demande. Prenant note de l'intention de communiquer de la commune, elle l'invite à lui adresser le document demandé sous un format ouvert et réutilisable.