Avis 20222069 Séance du 12/05/2022

Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 avril 2022, à la suite du refus opposé par le président du syndicat mixte à vocation unique pour le transfert, l'élimination et la valorisation des ordures ménagères de Noidans-le-Perroux (SYTEVOM 70) à sa demande de communication, à la suite de précédentes transmission incomplètes, des documents suivants : 1) le fonds de roulement à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour ; 2) l'état des créances à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour ; 3) l'état des dettes à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour, avec les échéances pour les dettes au 31 décembre 2021 ; 4) l'état de la trésorerie à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour ; 5) la capacité d'autofinancement brute et nette à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour ; 6) l'état du capital des emprunts restant dû à chaque 31 décembre, depuis 2016 à ce jour ; 7) l'état des amortissements par emprunt en cours à jour avec les intérêts depuis 2016 à chaque 31 décembre ; 8) les états des comptes, 6238, 6287, 6521, 657348, 657351, 66111 de 2018, 2019 et 2020 ; 9) l'état des investissements payés par l'emprunt du 2ème four non utilisé du fait que ce 2ème four n'a pas été réalisé ; 10) l'état financier détaillé d'un prêt « COVID » de 2 millions d'euros qui a été octroyé le 5 août 2020 ainsi que l'utilisation qui a été faite de ce prêt avec tous les mandats de paiement avant remboursement ; 11) l'état financier détaillé d'un montant de 4 993 K€ en compte 76811 en 2020 ; 12) les études du suivi des biodéchets faites par le SICTOM pour le SYTEVOM, rémunérées depuis 2018 ; 13) la liste des fournisseurs actifs de 2016 à ce jour ; 14) l'analyse prospective de la situation financière depuis 2018 ; 15) les demandes faites à I'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) au titre des subventions pour l'extension du centre de tri ; 16) la présentation qui a été faite au conseil syndical dont notamment les notes de synthèses jointes aux convocations indiquant notamment le prévisionnel, les investissements, les subventions, les appels d'offres ; 17) le suivi de l'extension du centre de tri depuis 2018 à ce jour (tonnages par mois, nouveaux contrats avec les collectivités pour remplir le centre de tri, etc.) ; 18) les accords conclus avec les autres collectivités avant le nouvel investissement de 9 millions d'euros pour le centre de tri ; 19) tous les mandats de paiement relatifs à l'extension et à l'exploitation ; 20) les statuts et les fiches de paie des agents de 2016 à ce jour ; 21) les notes de frais de 2016 à ce jour ; 22) les indemnités octroyées à toutes les personnes de 2016 à ce jour (présidents, vice-présidents, etc.) ; 23) les marchés conclus entre le SYTEVOM et le cabinet X (mises en concurrence, analyse des offres, documents comptables, mandats de paiement, etc.) ; 24) le récapitulatif des diverses missions confiées au cabinet X depuis 2016 jusqu'à ce jour, ainsi que les mandats de paiement de toutes les missions ; 25) les marchés conclus entre le SYTEVOM et le cabinet X (mises en concurrence, analyse des offres, documents comptables, mandats de paiement de toutes les missions, etc.) ; 26) le coût réel annuel à la tonne de l'amortissement des travaux ; 27) le coût réel annuel à la tonne de l'exploitation (entrée et sortie) ; 28) le coût réel annuel du tri global à la tonne ; 29) les documents techniques précisant la capacité d'incinération actuelle ; 30) le coût des études d'avant-projets, le dossier de consultation des entreprises, l'analyse des offres, l'offre du candidat retenu, les documents comptables, mandats de paiement ; 31) le précédent marché conclu avec X (dossier de consultation des entreprises, analyse des offres, offre complète du candidat retenu, mandats de paiement, etc.) ; 32) le document comptable précisant un excédent de 3 577 437 euros à fin exercice 2018 ; 33) les éléments justifiant l'augmentation de tonnage de 2018 à ce jour. I. Principe de la communication : La commission rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur les droits d'information que les membres du comité syndical tirent, en cette qualité, de textes particuliers du code général des collectivités territoriales. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les élus puissent se prévaloir du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. La commission rappelle ensuite qu’il résulte de l'article L5721-6 du code général des collectivités territoriales que toute personne peut demander communication des délibérations et procès-verbaux des organes délibérants des syndicats mixtes, des arrêtés de leur président, ainsi que de leurs budgets et de leurs comptes. L’ensemble des pièces annexées à ces documents, y compris les pièces justificatives des comptes, sont communicables à toute personne qui en fait la demande, selon les modalités prévues par l’article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration. La commission précise également que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. La commission rappelle enfin que le droit d’accès doit rester compatible avec le bon fonctionnement des services et cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande peut être regardée comme abusive, au sens de ces dispositions, lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée. Relèvent de cette catégorie, les demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, que le service sollicité est dans l’incapacité matérielle de traiter, ou les demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. Par sa décision du 14 novembre 2018 ministre de la culture c/ X n° 420055, 422500, le Conseil d’État a jugé que revêt également un caractère abusif, les demandes qui auraient pour effet de faire peser sur l’autorité saisie une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. La commission précise, en outre, que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, 27 mars 2020, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupéry, n° 426623). La commission rappelle, en outre, que le droit à la communication des documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent donc, en principe, pas fonder un refus de communication. Elle relève, toutefois, que dans un avis n° 20220207, du 10 mars 2022, elle a fait évoluer sa doctrine en retenant désormais que, dans le cas particulier où l’autorité saisie fait valoir que la communication des documents sollicités ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il y a lieu de prendre en compte, pour apprécier le caractère abusif de la demande, non plus seulement le fait que la communication a objectivement perdu son intérêt, mais également l’intérêt qui s’attache à la communication pour le demandeur, ainsi que, le cas échéant, pour le public. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État (CE, 17 mars 2022, n° 449620). II. Application au cas d'espèce : En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du SYTEVOM 70 a informé la commission de ce que Madame X a présenté de nombreuses demandes de communication de documents, entre le 25 septembre 2020 et le 5 avril 2022, qui ont toutes été instruites et précise que plusieurs des documents réclamés ont déjà été communiqués à l'intéressée lors de demandes précédentes. La commission observe que les documents mentionnés aux points 1), 3), 5), 8), 21) et 22) qui portent sur les années 2018, 2020 et 2021 ont été communiqués. Ont également été communiqués, les documents mentionnés au point 6) relatifs aux années 2020, 2021 et 2022 en cours, les documents mentionnés aux point 9), 10), 19), 28) et 32), ainsi que les documents mentionnés au point 14) pour les années 2022-2026 et 2020-2023. La commission ne peut donc que déclarer irrecevable la demande d'avis en tant qu'elle vise des documents communiqués antérieurement à sa saisine et sans objet en tant qu'elle vise des documents communiqués postérieurement à celle-ci. Le président du SYTEVOM 70 a, par ailleurs, informé la commission de ce que les documents mentionnés au point 2), 4), 13), 27) sont inexistants. La commission en prend acte et ne peut, dès lors, que déclarer la demande d’avis sans objet sur ces points. S’agissant du point 16) de la demande, la commission confirme que celle-ci est trop imprécise pour permettre à l'administration d'identifier les documents souhaités. Elle ne peut donc que déclarer la demande irrecevable sur ce point et inviter le demandeur, s’il le souhaite, à préciser la nature et l’objet de ces documents à l'administration qu'il avait saisie en lui adressant une nouvelle demande. S’agissant des documents restants, ainsi que le relève le président du SYTEVOM 70, les documents mentionnés au point 33) portent en réalité sur des renseignements. Par suite, la commission ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur ce point. Quant aux documents mentionnés aux points 11), 12), 15), 17), 18), 24) et 29), et ceux, non communiqués, mentionnés aux points 1), 3), 5), 8) et 14), la commission estime qu'ils sont communicables au demandeur en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que, le cas échéant, de l'article L5721-6 du code général des collectivités territoriales et de l'article L124-1 du code de l'environnement, et prend acte de l’intention du président du SYTEVOM de les communiquer à l’intéressée. A cet égard, la commission rappelle que, hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services. La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé. Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu. S’agissant des documents mentionnés aux points 23), 25) et 31), la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.). En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Ainsi, sous ces réserves la commission émet un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 23), 25) et 31) et prend note de l’intention du président du SYTEVOM 70 de les communiquer en aménageant, le cas échéant, les modalités de communication conformément aux principes rappelés ci-avant. S'agissant des documents mentionnés au point 20), la commission estime que les « statuts » des agents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle également que, si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations de leurs bulletins de paie soient communicables à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Ce droit de communication s'exerce toutefois dans les réserves résultant de l'article L311-6 de ce même code. Ainsi, la commission considère que les composantes fixes de la rémunération (par exemple, l'indice du traitement, la nouvelle bonification indiciaire ou encore les indemnités de sujétion), sont en principe communicables mais que doivent en revanche être occultées préalablement à toute communication, les éléments figurant sur les bulletins de paie qui seraient liés à la situation familiale et personnelle de l'agent en cause (supplément familial), ceux qui seraient liés à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement) ou encore ceux qui sont relatifs à ses horaires de travail (indemnités et heures supplémentaires). Dans le cas où la rémunération comporterait une part variable, le montant total des primes versées ou le montant total de la rémunération doivent également être occultés lorsque ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. En outre, dans le cas où le montant total de la rémunération doit être occulté, les rubriques de paye qui permettraient, par une opération simple, de reconstituer ce montant, telles que les montants de cotisations sociales ou les cumuls de paie, doivent également faire l'objet d'une occultation. Elle émet donc un avis favorable, sous ces réserves, sur ce point. S'agissant des documents mentionnés aux points 21) et 22) restant à communiquer, la commission estime qu'ils sont communicables au demandeur en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L5721-6 du code général des collectivités territoriales. Elle émet donc un avis favorable à cet égard. Enfin, le président du SYTEVOM considère que la demande en tant qu’elle porte sur ces derniers documents visés aux points 20) à 22) revêt un caractère abusif. En l'état des informations dont elle dispose, la commission estime que la présente demande ne saurait présenter, dans cette seule mesure, un tel caractère dès lors qu'elle porte sur un nombre limité de documents, clairement identifiés et faisant fréquemment l'objet de demandes de communication. Elle relève que l'administration a d'ailleurs déjà communiqué certains des documents demandés. Elle prend toutefois note des nombreuses demandes de communication que la demanderesse a déjà adressées à l’autorité saisie et invite cette dernière à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qui est fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration en lui rappelant que l’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes présentant un caractère abusif. Elle invite donc l'administration à les communiquer en étalant, le cas échéant dans le temps leur communication ou en aménageant leurs modalités de communication.