Avis 20221808 Séance du 12/05/2022
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 mars 2022, à la suite du refus opposé par le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences à sa demande de communication, afin de faire valoir ses droits, sur le fondement de l'article L1110-4 du code de la santé publique, du dossier médical de sa nièce, Madame X, décédée le X, afin de savoir si une prise de médicament ou une maladie aurait pu affecter sa capacité de discernement.
En l’absence de réponse exprimée par le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris Psychiatrie et Neurosciences à la date de sa séance, la commission rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4, à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical.
La commission précise que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur.
La commission souligne que, par l'ensemble de ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical.
Doivent, à cet égard, être regardés comme des ayants droit au sens de ces dispositions, les successeurs légaux et testamentaires du défunt.
La commission considère que sont ainsi visés, en premier lieu, les successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. La commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit qu'en l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants.
La commission considère que doivent être regardés, en second lieu, comme des ayants droit au sens et pour l'application de l'article L1110-4 du code de la santé publique, les successeurs testamentaires du défunt. La commission rappelle que cette qualité d’ayant droit, qu’il appartient à l’administration de vérifier, peut être établie par tout moyen, par exemple par un acte de notoriété ou par un certificat d'hérédité.
Par ailleurs, la désignation de légataires universels ou, lorsqu’elle épuise la quotité disponible de la succession, la désignation de légataires à titre universel ont pour effet d’exclure de la succession les personnes qui n’ont pas la qualité d’héritiers réservataires, que seuls présentent les descendants du défunt et le conjoint survivant, sous la seule réserve des legs particuliers que le testament a pu prévoir. Elle prive en principe, par conséquent, de la qualité d’ayant droit au sens de ces dispositions, les personnes qui, sans cette désignation, auraient hérité de tout ou partie de la succession en vertu de la loi. Par conséquent, dans le cas où l’intégralité de la succession ou, tout au moins, de la quotité disponible, hors legs particuliers, a été attribuée par testament à un ou plusieurs légataires universels ou à titre universel, une personne qui, sans ce testament, aurait été au nombre des héritiers du défunt, sans toutefois présenter la qualité d’héritier réservataire, ne présente donc pas elle-même, en principe, la qualité d'ayant droit, même lorsque le testament la fait bénéficier d’un legs particulier.
Toutefois, eu égard à la finalité des dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique, qui est notamment de permettre aux ayants droit de faire valoir leurs propres droits, la commission considère que les héritiers désignés par la loi qui sont exclus de l’universalité de la succession par l’effet d’un testament conservent le droit de recevoir les informations relatives à la santé de la personne décédée susceptibles de leur permettre de contester la validité de ce testament (cf avis CADA n° 20122050 du 7 juin 2012).
Au cas d'espèce, la commission comprend des documents qui lui ont été communiqués qu'en sa qualité d'oncle de Madame X, qui est décédée sans descendance et dont la mère est également décédée, le demandeur aurait été au nombre des héritiers légaux de la défunte mais a été évincé de la succession par l'effet d'un testament.
Aussi, sous réserve que Monsieur X produise les actes d'état civil ou tout autre document établissant, d'une part, sa qualité d'oncle de la défunte, d'autre part, qu'il n'existe pas de successeurs légaux le précédant dans l'ordre de succession, la commission estime qu'il est en droit de recevoir communication, conformément à sa demande, non de l'intégralité du dossier médical de Madame X, mais, si elles existent, des informations d’ordre médical identifiées par l'équipe médicale comme permettant d’apprécier les facultés et la vulnérabilité éventuelle de la testatrice.
Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable.