Avis 20221764 Séance du 21/04/2022

Madame X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 mars 2022, à la suite du refus opposé par la directrice de l’Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes L'Age d'Or de Cucuron à sa demande de communication des documents suivants concernant son père, résidant au sein de l'établissement depuis juin 2020 et décédé le 20 septembre 2020 : 1) tous les documents détenus par l'établissement ; 2) son dossier médical. 1. S’agissant du dossier médical : En l'absence de réponse de la directrice de l’Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes L'Age d'Or de Cucuron à la date de sa séance, la commission rappelle tout d'abord qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4, à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. La commission précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur. A cette fin, la commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. Enfin, la commission souligne que, par l'ensemble de ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de leur qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. La commission précise que dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de pré-décès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. La commission rappelle enfin que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L.1110-4 du code civil. S’agissant des enfants du patient décédé, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante. 2. S’agissant du dossier administratif : Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. 3. Application au cas d’espèce En l’espèce, la commission observe que Madame X, dont la qualité d'ayant droit ne fait pas de doute, doit être regardée comme poursuivant un objectif conforme à la loi, à savoir connaître les causes de la mort de son père. Elle est ainsi fondée à obtenir la communication des éléments du dossier médical de son père défunt se rapportant à cet objectif. La commission estime, en outre, s’agissant du surplus, que la demanderesse ne s’est prévalue d’aucune qualité lui permettant d’être regardée comme étant titulaire d'un droit dont elle peut se prévaloir à raison des documents dont elle demande la communication. La commission émet dès lors, en l’état, un avis défavorable s’agissant du surplus et invite la demanderesse, si elle s’y croit fondée, à préciser l’objectif poursuivi tant pour ce qui concerne le dossier médical de son père décédé, à savoir défendre sa mémoire ou faire valoir ses droits, que pour ce qui concerne les autres documents sollicités.