Avis 20221601 Séance du 21/04/2022
Maître X, et Maître X, conseils de la société X, ont saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 mars 2022, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire à sa demande de copie, par courrier électronique, des documents suivants relatifs à l’exécution du marché public de travaux conclu avec la société X, portant sur des prestations d’hydro-projection sur les routes départementales, notamment :
1) les bordereaux de suivi des déchets industriels (BSDI) fournis par le titulaire à la suite de chaque intervention ;
2) le relevé d’exécution de chaque chantier/campagne de ressuage, sans occultations excessives, indiquant :
a) le nombre de m² traités (par chantier/campagne de ressuage) ;
b) la durée d’exécution (par chantier/campagne de ressuage).
La Commission rappelle, en premier lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, "Centre hospitalier de Perpignan" (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières…).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la Commission a également précisé dans son Conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La Commission précise enfin que les documents relatifs à l’exécution des marchés publics ont également un caractère administratif et que leur caractère communicable s’apprécie selon les mêmes principes que les autres documents relatifs à la procédure de passation, c’est-à-dire principalement sous la réserve du respect du secret des affaires.
En application de ces principes, la Commission estime que le relevé d'exécution mentionné au point 2) est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sous réserve de l'occultation des informations protégées par le secret des affaires, notamment celles qui laisseraient apparaitre les rendements des travaux de la société, c'est-à-dire le rapport entre la durée des travaux et le volume traité. La Commission émet, sous cette réserve, un avis favorable à la demande de communication sur ce point.
La Commission précise, en second lieu, que selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement, le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par l'administration s'exerce dans les conditions définies par le titre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 de ce code énumèrent limitativement les hypothèses dans lesquelles l'autorité administrative peut rejeter une demande tendant à la communication d'informations relatives à l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations.
La Commission estime que les documents sollicités au point 1) sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et, pour les informations relatives à l'environnement qu'ils contiennent, en application des articles L124-1 et suivants du code de l’environnement, sous réserve de l'occultation des informations protégées par le secret des affaires.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental d'Indre-et-Loire a indiqué à la Commission que les documents sollicités avaient déjà été communiqués à Maître X, par courrier du 24 janvier 2022, occultés des éléments permettant de calculer les rendements de la société X. Dès lors que ces éléments sont protégés par le secret des affaires, la Commission estime que le refus de communication allégué n'étant pas établi, elle ne peut que déclarer irrecevable la demande d'avis