Avis 20221421 Séance du 12/05/2022
Monsieur X a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 février 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l’économie, des finances et de la relance à sa demande de communication, dans un format numérique ouvert et réutilisable, par téléchargement ou par envoi électronique, du registre des déports des membres des cabinets des ministres, ministres délégués et secrétaires d’État du ministère.
La Commission relève, à titre liminaire, que la présente demande s’inscrit dans le cadre d’une série de demandes portant sur des documents de même nature et ayant le même objet, adressées par le même demandeur à quatorze ministères. En application de l’article 8 quater C de son règlement intérieur, cette demande a été choisie par la commission pour être examinée lors de sa séance du 12 mai 2022 en partie II, afin de dégager les principes de communication communs aux documents demandés et de procéder à une appréciation des données de fait susceptibles de varier d’un dossier à l’autre. La solution adoptée dans cet avis sera ensuite reprise dans les autres dossiers de la série donnant lieu à un avis de partie III inscrit à la même séance.
En premier lieu, la Commission rappelle qu’une demande de communication de documents administratifs qui lui est adressée est déclarée sans objet lorsque l'autorité saisie communique spontanément le document demandé postérieurement à l’enregistrement de la demande ou lorsqu'il résulte des indications fournies par cette autorité que le document demandé n'a jamais existé, a été détruit ou a été égaré.
Elle précise également, à toutes fins utiles, que le refus de communication n’est pas établi et la demande d’avis est déclarée irrecevable, lorsque l’administration saisie d’une demande de communication, communique spontanément dans les délais qui lui sont impartis le document demandé au demandeur.
En second lieu, la Commission relève que les articles 3 et 6 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique font obligation aux assemblées parlementaires ainsi qu’au Gouvernement de tenir un registre des déports. Ces registres doivent recenser les cas dans lesquels un parlementaire ou un membre du Gouvernement a estimé devoir ne pas pouvoir participer aux travaux du Parlement ou exercer ses attributions ministérielles en raison d’une situation de conflits d’intérêts. Il est également prévu que ces registres doivent être publiés par voie électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
La Commission relève également qu’aux termes de la loi ce registre ne s’étend pas aux membres des cabinets des ministres, ministres délégués et secrétaires d’État du ministère.
Elle note, toutefois, que le rapport de conformité du cinquième cycle d’évaluation sur la France, portant sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs, adopté par le GRECO (« groupe d’Etats contre la corruption » créé en 1999 par le Conseil de l’Europe), lors de sa 89ème réunion plénière tenue entre le 29 novembre et 3 décembre 2021, et publié sur le site du Conseil de l’Europe (https://rm.coe.int/grecorc5-2021-12-final-fr-rapport-de-conformite-france-public/1680a50f5a), précise que : « 45. Les autorités françaises indiquent qu’outre l’existence d’un contrôle de pré-nomination confié à la HATVP pour certains d’entre eux (voir par. 8-10) et le dépôt d’une déclaration d’intérêts après leur nomination, les membres des cabinets ministériels et des services de la présidence sont soumis à des obligations de déport similaires à celles des membres du Gouvernement, recensés dans un registre des déports. Il existe un registre des déports propre à la présidence de la République. (…). / 46. Le GRECO note le fait que des registres de déports existent pour les membres des cabinets et des services de la présidence ».
En réponse à la demande d’observations qui leur a été adressée, douze ministères ont justifié leur refus de communication des documents sollicités en se fondant sur la décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013 aux termes de laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que la publication des déclarations d’intérêts des agents publics portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Les ministères font en effet valoir que, lorsqu’il existe, le registre des déports des membres d’un cabinet est constitué par le regroupement des lettres de déport de ses membres, lesquelles ne constitueraient qu’une traduction matérielle des déclaration d’intérêts des agents concernés.
La Commission relève cependant que le contenu des déclarations d’intérêts est précisé à l’article 7 du décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 relatif à l'obligation de transmission d'une déclaration d'intérêts prévue à l'article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Les éléments contenus dans les déclarations d’intérêts sont ainsi très précis et retracent l’ensemble des activités exercées par le déclarant à la date de sa nomination et parfois jusqu’à la cinquième année précédant cette nomination.
Or, il ressort des éléments portés à la connaissance de la Commission que les mentions figurant dans les registres des déports sont, quant à elles, plus générales. Y figurent en effet des informations portant principalement sur le nom et les fonctions de l’agent concerné, ainsi que les dossiers ou documents sur lesquels il a entendu se déporter, sans pour autant préciser les motifs ayant conduits les agents concernés à se déporter, ni détailler les intérêts visés.
La Commission estime, par suite, en l’état des informations ainsi portées à sa connaissance, que les registres de déports des membres des cabinets ministériels, s’ils se bornent à faire état des déports et non de la cause de ces-derniers, ne peuvent être assimilés à des déclarations d’intérêts. Elle considère, dès lors, que ces documents sont, lorsqu’ils existent, des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
En revanche, dans l’hypothèse où le motif des déports apparaîtrait dans le registre, de telles mentions devraient être occultées en tant que couvertes par le secret de la vie privée.
Elle émet donc un avis favorable à la demande, sous ces réserves.