Avis 20220972 Séance du 12/05/2022
Madame X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 mars 2022, à la suite du refus opposé par la directrice de l'association « Passerelles vers l'emploi » à sa demande de communication des éléments suivants relatifs à l'exploitation de la délégation de service public de fourrière :
1) le règlement sanitaire en vigueur déposé auprès de la direction départementale de protection des populations (DDPP) ;
2) le nombre de personnes capacitaires responsables sanitaires déclarées, et vis-à-vis des tiers, leur statut vis-à-vis de l'entreprise ;
3) le planning des personnes capacitaires justifiant de leur présence continue sur le site de la fourrière, auprès des animaux et signataires des documents ;
4) le registre des entrées et sorties (Cerfa 50‐4510) depuis ces 5 dernières années ;
5) le livre de santé chiens et chats ou registre sanitaire (Cerfa 50‐50‐4511) depuis ces 5 dernières années ;
6) les conventions passées avec les mairies depuis ces 5 dernières années ;
7) les tarifs pratiqués, frais de garde journalier des chiens et chats, frais d'identification obligatoires, frais de convoyage des animaux, depuis ces 5 dernières années ;
8) le montant de l'amende requise pour divagation des animaux ou bien, si la collectivité l'a prévu, le montant du versement libératoire forfaitaire pour chacune d'elles ;
9) la comptabilité au regard des amendes collectées ou bien des versements libératoires par commune ;
10) le nombre de stérilisations et d'identification de chats ayant le statut « chat libre ».
La commission, qui a pris connaissance des observations de la directrice de l'association « Passerelles vers l'emploi », rappelle que pour l'application du droit à communication prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, auquel renvoie le sixième alinéa de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, l'article L300-2 du même code prévoit que sont considérés comme documents administratifs, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Selon l'article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande [...] ».
Par ailleurs, comme elle l’a indiqué dans son avis n° 20215878, la commission relève que l'association « Passerelles vers l'emploi » travaille en partenariat avec l'association « Intermédiaire Passerelles », créée en 1990, qui permet à des personnes en rupture d'emploi de mettre leur compétence à disposition des particuliers dans des domaines tels que la garde d'enfant, les travaux ménagers ou le jardinage. Si ces deux structures exercent des missions d’intérêt général en favorisant l'insertion sociale et professionnelle de publics en difficulté, elles ne sont cependant pas chargées d'une mission de service public par la loi. La commission a également relevé que l'association « Passerelles vers l'emploi » bénéficie de subventions publiques et travaille en étroite collaboration avec plusieurs partenaires institutionnels, au nombre desquels le conseil départemental de la Manche, le conseil régional de Normandie, l'Office français de l'intégration et de l'immigration, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie et Pôle emploi. Néanmoins, elle a relevé que cette association ne dispose pas, pour l’accomplissement de ses missions, de prérogatives de puissance publique et qu’elle n’est pas soumise à un contrôle particulier de la part de l’autorité administrative. Eu égard aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement et en l’absence d’obligations qui lui seraient imposées par une autorité administrative, la commission a estimé que l’administration n’a pas entendu confier à l'association « Passerelles vers l'emploi » une mission de service public, au sens des dispositions précitées de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration.
La commission rappelle toutefois qu'aux termes de l'article L211-24 du code rural et de la pêche maritime, « Chaque commune doit disposer soit d'une fourrière communale apte à l'accueil et à la garde des chiens et chats trouvés errants ou en état de divagation jusqu'au terme des délais fixés aux articles L211-25 et L211-26, soit du service d'une fourrière établie sur le territoire d'une autre commune, avec l'accord de cette commune. / Chaque fourrière doit avoir une capacité adaptée aux besoins de chacune des communes pour lesquelles elle assure le service d'accueil des animaux en application du présent code. La capacité de chaque fourrière est constatée par arrêté du maire de la commune où elle est installée. / La surveillance dans la fourrière des maladies classées parmi les dangers sanitaires de première et deuxième catégories au titre de l'article L221-1 est assurée par un vétérinaire sanitaire désigné par le gestionnaire de la fourrière, dans les conditions prévues par la section 1 du chapitre III du titre préliminaire. / Les animaux ne peuvent être restitués à leur propriétaire qu'après paiement des frais de fourrière. En cas de non-paiement, le propriétaire est passible d'une amende forfaitaire dont les modalités sont définies par décret. »
La commission estime que l'activité de fourrière animale établie pour recueillir les chiens et chats errants ou divagants est une mission de service public administratif, qu'elle soit gérée par une commune en régie ou, pour son compte, dans le cadre d'une convention de délégation de service public ou d'un marché public. Elle considère que les documents produits ou reçus dans le cadre de cette activité de service public revêtent le caractère de documents administratifs, peu importe le mode de gestion retenu.
La commission déduit de ces éléments que si l’association « Passerelles pour l’emploi » gère une activité de fourrière pour le compte de communes ou d’établissements publics de coopération intercommunale, les documents qui présenteraient un lien suffisamment direct avec l’exécution de cette mission présenteraient un caractère administratif.
A défaut, elle se déclarerait incompétente pour se prononcer sur la demande de Madame X.
Dans cette mesure, la commission estime, en premier lieu, que le règlement sanitaire en vigueur visé à l'article R214-30 du code rural et de la pêche maritime constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration.
Elle émet donc un avis favorable sur le point 1) de la demande.
La commission considère, en deuxième lieu, que le nombre et le planning des personnes capacitaires responsables sanitaires déclarées ainsi que, vis-à-vis des tiers, leur statut, constituent des informations communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception des mentions relevant du secret de la vie privée ou du secret des affaires protégés par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et à condition d’être matérialisées dans un document existant ou susceptible d’être obtenues par un traitement automatisé d'usage courant, ou de pouvoir être obtenues par une extraction de base de données sans faire peser sur l’association saisie une charge de travail déraisonnable.
Elle émet donc, dans cette mesure et sous réserve, le cas échéant, de l'occultation préalable de telles mentions, un avis favorable sur les points 2) et 3) de la demande.
La commission souligne, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R214-30-3 du code rural et de la pêche maritime, les gestionnaires de fourrière doivent tenir à jour « 1° Un registre d'entrée et de sortie des animaux, dûment renseigné, qui comporte le nom et l'adresse des propriétaires ; /2° Un registre de suivi sanitaire et de santé des animaux qui comporte notamment des informations sur les animaux malades ou blessés, les comptes rendus des visites, et les indications et les propositions du vétérinaire sanitaire en charge du règlement sanitaire. »
La commission indique, en outre, que le chapitre VI de l'annexe I de l'arrêté du 3 avril 2014 fixant les règles sanitaires et de protection animale auxquelles doivent satisfaire les activités liées aux animaux de compagnie d'espèces domestiques relevant du IV de l'article L214-6 du code rural et de la pêche maritime précise les mentions devant apparaître sur chacun de ces registres. S'agissant du registre d'entrées et de sorties, cet arrêté prévoit, pour chaque entrée d’un animal, l'indication de la date d’entrée, de la provenance et, dans le cas d’échanges ou d’importations, de la référence des documents d’accompagnement et des certificats établis. Pour chaque naissance d’un animal, le registre mentionne le jour, les données généalogiques et la date de naissance. Pour chaque animal présent, il comporte une mention permettant son identification, notamment l’espèce, la race, le sexe, la date de naissance, si elle est connue ou l’âge au moment de l’inscription, le numéro d’identification et éventuellement tout signe particulier. Pour chaque sortie d’un animal, le registre indique la date et le motif de la sortie, ainsi que l’identité et l’adresse du destinataire. Enfin, pour chaque animal mort, il est indiqué sur le registre la date et la cause de la mort, si elle est connue. Le registre de suivi sanitaire et de santé des animaux comporte quant à lui des informations relatives à l’état de santé des animaux, aux soins et aux interventions vétérinaires réalisées. Les comptes rendus des visites du vétérinaire sanitaire, ainsi que toutes propositions de modification du règlement sanitaire sont consignés sur ce registre par le vétérinaire sanitaire. Ce registre contient également les ordonnances vétérinaires correspondant aux médicaments prescrits pour l'utilisation des médicaments et il peut renvoyer à des fiches individuelles de suivi de soins pour les carnivores domestiques.
La commission relève, par ailleurs, que l’identification obligatoire des animaux carnivores domestiques, prévue par les articles L212-10 et D212-63 du code rural et de la pêche maritime poursuit des objectifs sanitaires et facilite la recherche des animaux égarés. Aux termes du troisième alinéa de l’article D212-66 de ce code : « N’ont accès au nom et à l’adresse des propriétaires des animaux que les gestionnaires du fichier ainsi que, aux seules fins de recherche d’un animal par son numéro d’identification, les fonctionnaires de police, les gendarmes, les agents des services de secours contre l’incendie, les agents des services vétérinaires, les vétérinaires praticiens et les gestionnaires des fourrières. » Par suite, la communication à des tiers autres que ces personnes qualifiées à raison de leur mission de service public, du numéro d’identification d’un animal en fourrière, n’est pas susceptible de permettre l’identification du propriétaire de cet animal avant qu’il ne soit recueilli à la fourrière, et, par suite, de porter atteinte à sa vie privée protégée par le 1° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, il appartient à l’administration de supprimer, préalablement à la communication des registres en application de l’article L311-1 de ce code, le nom, prénom, numéro et rue de résidence et coordonnées téléphoniques ou courriel de la personne à laquelle l’animal est, le cas échéant, restitué.
La commission estime en conséquence que les registres d'entrées/sorties et de suivi sanitaire tenus par une fourrière animale sont communicables à toute personne qui les demande, sous réserve d'occulter préalablement, en application du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, le nom, prénom, numéro et rue de résidence et coordonnées téléphoniques ou courriel de la personne à laquelle l'animal est, le cas échéant, restitué. Elle relève que ces occultations ne sont pas de nature, en vertu de l'article L311-7 de ce code, à priver d'intérêt toute communication de ces registres, susceptibles d'être consultés ou réutilisés notamment pour étudier l'activité des fourrières, l'état sanitaire des animaux domestiques errants ou en divagation, ou encore pour faciliter la recherche d'un tel animal par ses propriétaires, à partir de son numéro d'identification.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur les points 4) et 5) de la demande.
La commission rappelle, en quatrième lieu, qu'une fois signés, les contrats de la commande publique, y compris les délégations de service public, et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Sont notamment visées par cette réserve, les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des contrats publics. La commission estime que ces contrats sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur le point 6) de la demande.
La commission estime, en cinquième lieu, que les tarifs et frais pratiqués ainsi que le montant des amendes, mentionnés aux points 7) et 8), constituent des informations qui présentent le caractère d'un document administratif librement communicable en application de l’article L311-1 de ce code, à condition toutefois d’être matérialisées dans un document existant ou susceptible d’être obtenues par un traitement automatisé d'usage courant, ou de pouvoir être obtenues par une extraction de base de données sans faire peser sur l’association saisie une charge de travail déraisonnable.
Elle émet donc, dans cette mesure, un avis favorable sur les points 7) et 8) de la demande.
La commission précise, en sixième lieu, que les comptes d'un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public, qui retracent les conditions dans lesquelles celui-ci exerce la mission de service public qui est la sienne, présentent par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs. Ces documents sont communicables à toute personne qui en fait la demande en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions de l'article L311-6 de ce code et notamment du secret des affaires.
La commission précise, toutefois, que des documents comptables comportant des données agrégées qui se rapportent pour partie à des activités étrangères aux missions de service public d’un organisme de droit privé ne sont librement communicables que lorsque ces activités constituent l'activité principale de l’organisme. A défaut, cet organisme doit être capable, par une comptabilité analytique, de produire les seules données se rapportant à sa mission de service public.
Elle émet, sous cette réserve et dans cette mesure un avis favorable sur le point 9) de la demande.
La commission observe, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article L211-27 du code rural et de la pêche maritime : « Le maire peut, par arrêté, à son initiative ou à la demande d'une association de protection des animaux, faire procéder à la capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification conformément à l'article L212-10, préalablement à leur relâcher dans ces mêmes lieux. Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association. /La gestion, le suivi sanitaire et les conditions de la garde au sens de l'article L211-11 de ces populations sont placés sous la responsabilité du représentant de la commune et de l'association de protection des animaux mentionnée à l'alinéa précédent. »
La commission estime que le nombre de stérilisations et d'identification de chats ayant le statut « chat libre » constitue une information présentant le caractère d’un document administratif librement communicable en application de l’article L311-1 de ce code, à condition toutefois d’être matérialisée dans un document existant ou susceptible d’être obtenue par un traitement automatisé d'usage courant, ou de pouvoir être obtenue par une extraction de base de données sans faire peser sur l’autorité saisie une charge de travail déraisonnable.
Elle émet donc, sous cette réserve, un avis favorable sur le point 10) de la demande.
La commission relève qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, la directrice de l'association « Passerelles vers l'emploi a indiqué à la commission qu’elle considérait, d'une part, la demande de Madame X comme abusive.
La commission souligne cependant qu'une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu'elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d'une administration. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne de présenter plusieurs demandes à la même autorité publique ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. En l'espèce et sous réserve de ne pas faire peser sur l’association une charge de travail déraisonnable s'agissant des informations qui ne seraient pas matérialisées dans un document existant, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents et informations demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait un caractère abusif. Elle invite toutefois Madame X à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'elle fait du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
D'autre part, la directrice de l'association « Passerelles vers l'emploi » lui a indiqué qu'une procédure judiciaire est en cours pour propos diffamatoires tenus par Madame X à l'endroit de l'association sur les réseaux sociaux.
La commission rappelle, toutefois, que la seule circonstance qu’un contentieux soit en cours ne suffit pas à regarder la communication des documents sollicités comme étant de nature à porter atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, au sens du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication des documents serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives, ce qui ne paraît pas être le cas en l’espèce.
La commission estime, dès lors, que le risque d'atteinte au déroulement d’une procédure juridictionnelle n'est ainsi pas établi.