Avis 20220966 Séance du 21/04/2022
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 4 janvier 2022, à la suite du refus opposé par le directeur général des patrimoines à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre de recherches sur un groupe politique maoïste, fondé en 1971 par X qui constituera son habilitation à diriger des recherches (HDR), des dossiers conservées aux Archives nationales sous les cotes :
Sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière
1) 19990260/23 (1 dossier)
Dossier « Surveillance et contrôle des activités politiques des étrangers en France » : Fiches nominatives, articles de presse, notes d'information et de renseignement concernant les organisations, mouvements palestiniens et pro-palestiniens, organisations, mouvements français qui les soutiennent en France et leurs militants, membres dirigeants (activistes). 1966-1979 ;
2) 19990260/34 (1 dossier)
Étrangers, dossier « Espagne » : Notes d'information, rapports, télégrammes, notes de renseignement, correspondance, coupures de presse. 1941-1976.
La commission rappelle à titre liminaire que, par principe, les documents d'archives sont communicables de plein droit, en vertu de l'article L213-1 du code du patrimoine. Néanmoins, par dérogation, certaines catégories de documents, en raison des informations qu'ils contiennent, ne sont pas immédiatement communicables et ne le deviennent qu’aux termes des délais et dans les conditions, fixés par l'article L213-2 du même code. A cet égard, les documents qui, comme en l’espèce, comportent des informations dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne deviennent librement communicables qu’à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier.
La commission précise, par ailleurs, qu'en vertu de l'article L213-3 du code du patrimoine, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut cependant être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Cette autorisation requiert l’accord préalable de l'autorité dont émanent les documents, l’administration des archives étant tenue par l’avis donné.
La commission rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
En l’espèce, la commission comprend que les dossiers demandés, qui comportent des documents dont la communication est de nature à porter atteinte à la protection de la vie priée de personnes nommément désignées, ne sont, à ce stade, pas encore librement communicables.
Elle observe que la demanderesse, chargée de recherche en sociologie politique au CNRS, travaille depuis quinze ans sur la sociologie des trajectoires des militants des années 1968. Sa recherche actuelle, qui constituera son habilitation à diriger des recherches, porte sur un groupe politique maoïste, fondé en 1971 par X. La commission relève que Madame X a déjà été autorisée à consulter, en application de l’article L213-3 du code du patrimoine, la fiche individuelle des renseignements généraux et le dossier individuel de Monsieur X. Elle constate, par ailleurs, que les documents susceptibles de l’intéresser dans les dossiers demandés ont plus de cinquante ans. Elle relève, enfin, que l’intéressée a signé un engagement de réserve.
Au termes de la mise en balance des intérêts en présence, elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande.