Conseil 20220156 Séance du 17/02/2022

Demande de conseil s’inscrivant dans un projet où la caisse des dépôts et consignations (CDC) serait positionnée en tant que « ré-utilisateur » des données : 1) dans quelle mesure la CDC peut exiger de l’administration concernée que les données d’un même thème soient regroupées dans des jeux de données (question n°1) ? 2) dans quelle mesure la CDC peut identifier si les réutilisations qu'elle envisage d’opérer doivent faire l’objet d’une « demande de réutilisation » (question n°2.a)) ? 3) quelles sont les conditions de réutilisation qui lui sont applicables lorsqu’il existe une licence ou à tout le moins des conditions contractuelles sur le site internet de l’administration concernée mais qui ne sont pas homologuées (question 2.b)) ? 4) l’administration concernée pourrait-elle lui opposer des droits d’auteur ou d’autres droits de propriété intellectuelle pour limiter ou empêcher l’exercice du droit de réutilisation (question 2.c)) ?
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 17 février 2022 votre demande de conseil relative à l’hypothèse dans laquelle la caisse des dépôts et consignations (CDC) serait positionnée en tant que « réutilisateur » des données provenant d'une autre administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : 1) dans quelle mesure la CDC peut exiger de l’administration concernée que les données d’un même thème soient regroupées dans des jeux de données ? 2) dans quelle mesure la CDC peut identifier si les réutilisations qu'elle envisage d’opérer doivent faire l’objet d’une « demande de réutilisation » ? 3) quelles sont les conditions de réutilisation qui lui sont applicables lorsqu’il existe une licence ou à tout le moins des conditions contractuelles sur le site internet de l’administration concernée mais qui ne sont pas homologuées ? 4) l’administration concernée pourrait-elle lui opposer des droits d’auteur ou d’autres droits de propriété intellectuelle pour limiter ou empêcher l’exercice du droit de réutilisation ? La Commission constate, à titre liminaire, que, malgré une demande en ce sens de son secrétariat général, vous ne lui avez communiqué aucune information précise quant à la nature des documents ou informations sur lesquels vous la sollicitez ni sur le contexte dans lequel s'inscrit la réutilisation des données sur laquelle vous vous interrogez. Dès lors, la Commission se bornera à des rappels de principes sur les droits à communication et à réutilisation entre administrations. La Commission rappelle qu’en application de l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et sans préjudice de l'article L114-8 du même code, les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public. Par ailleurs, les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés peuvent être utilisées par toute administration mentionnée audit premier alinéa de l'article L300-2 qui le souhaite à des fins d'accomplissement de missions de service public autres que celle pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. Enfin, ce même article précise qu'à compter du 1er janvier 2017, l'échange d'informations publiques entre les administrations de l’État, entre les administrations de l’État et ses établissements publics administratifs et entre les établissements publics précités, aux fins de l'exercice de leurs missions de service public, ne peut donner lieu au versement d'une redevance. Le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration est applicable aux demandes de communication des documents administratifs exercées en application du I du présent article. La Commission relève par ailleurs qu'en application des dispositions du 22° de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration, la Commission est compétente pour connaître des questions relatives, notamment, à l'article 1er de la loi du 7 octobre 2016. Au cas d'espèce, s'agissant de votre première interrogation, la Commission rappelle que l’article 1er de la loi du 7 octobre 2016 ainsi que les articles L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'imposent pas à l'administration d'élaborer un document dont elle ne disposerait pas pour faire droit à une demande de communication. En revanche, constituent des documents administratifs communicables au sens de ces dispositions, les documents qui, même s'ils n'ont pas d'existence matérielle, peuvent être établis au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant, c'est-à-dire notamment par extraction des bases de données dont l'administration dispose, si cela ne fait pas peser sur elle une charge de travail déraisonnable (CE, 13 novembre 2020, M. X, n° 432832, T.). Il en résulte que, dans l'exercice de son droit de communication entre administrations, la CDC ne saurait exiger de l'administration détentrice des informations sollicitées que les données d’un même thème soient regroupées dans des jeux de données, sauf à ce que le document existe en l'état ou puisse être établi au moyen d'un traitement automatisé d'usage courant. En ce qui concerne vos trois autres interrogations, la Commission rappelle qu’il résulte des dispositions du dernier alinéa de l’article L321-2 du code des relations entre le public et l’administration que « l'échange d'informations publiques entre les administrations, aux fins de l'exercice de leur mission de service public, ne constitue pas une réutilisation au sens du présent titre ». Il s'en déduit que les dispositions du titre II du livre III du code des relations entre le public et l’administration ne sont pas applicables à la communication et à la réutilisation de documents administratifs entre administrations agissant dans le cadre de leurs missions de service public, seules les dispositions de l'article 1er de la loi du 7 octobre 2016 étant alors applicables. Par suite, elle considère qu'en tant qu'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, la CDC, agissant dans le cadre de ses missions de service public, n'est pas soumise aux règles générales de réutilisation prévues aux articles L322-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et n'est, dès lors, pas tributaire d'une demande de réutilisation pour utiliser les informations figurant dans des documents administratifs communiqués ou publiés par une autre administration. Cette dernière ne saurait, en outre, subordonner la communication des informations demandées par la CDC à la signature d’une licence et au paiement d’une redevance. Pour autant, le cas échéant, cela ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, s'agissant d'un traitement de données à caractère personnel. Enfin, en application des mêmes principes, les dispositions du dernier alinéa de l'article L321-3 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles les droits des administrations au titre des articles L342-1 et L342-2 du code de la propriété intellectuelle peuvent faire obstacle à la réutilisation du contenu des bases de données produites ou reçues par les administrations dans l'exercice d'une mission de service public à caractère industriel ou commercial soumise à la concurrence ne sont pas applicables en ce qui concerne l'hypothèse d'une réutilisation d'informations ou de documents entre administrations. Tels sont, en l'état des informations que vous avez porté à sa connaissance, les éléments de réponse que la Commission est susceptible de vous apporter.