Avis 20217275 Séance du 13/01/2022
Consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des extraits des listes électorales de Paris (18ème) conservés aux Archives de Paris sous les cotes suivantes :
Préfecture de la Seine, puis de Paris- Élections liste électorale 1973-1991
- X ;
- X ;
- X ;
- X ;
- X ;
- X.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 novembre 2021, à la suite du refus opposé par le directeur chargé des Archives de France à sa demande de consultation, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des extraits des listes électorales de Paris (18ème) conservés aux Archives de Paris sous les cotes suivantes :
Préfecture de la Seine, puis de Paris- Élections liste électorale 1973-1991
- X ;
- X ;
- X ;
- X ;
- X ;
- X.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur chargé des Archives de France a indiqué à la commission que son refus était motivé par le fait que le bureau des élections, du mécénat et de la réglementation économique de la préfecture de police de Paris n'a pas donné suite aux lettres de saisine qui lui ont été adressées. Tenu par les dispositions du décret 2014-1304 du 23 octobre 2014 relatif aux exceptions à l'application du principe « silence vaut acceptation » et par le I de l'article L213-3 du code du patrimoine, il ne pouvait qu'opposer un refus à la demande de Monsieur X.
La commission rappelle que, par dérogation aux règles définies par les articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, qui font obstacle à la communication aux tiers d’informations mettant en cause la vie privée de personnes physiques identifiables, l'article L37 du code électoral, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016, permet à tout électeur de « prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial (...). »
La commission indique ensuite, ainsi qu'elle l'a exposé dans son conseil n° 20173429 du 8 février 2018, qu’aux termes de l’article L213-1 du code du patrimoine, les listes électorales autres que celles qui servent aux opérations électorales en cours ou à venir dans l'année, qui sont des archives publiques, deviennent librement communicables, en application du 3° du I de l’article L213-2 du code du patrimoine, à l’expiration d’un délai de cinquante ans à compter de leur élaboration et que les conditions de qualité, d'intérêt et d'utilisation prévues par les dispositions de l'article L37 précédemment mentionnées, ne sont pas applicables à ces listes « archivées ».
La commission précise en outre qu'en vertu de l’article L213-3 du même code, une autorisation de consultation, par anticipation aux délais prévus par l'article L213-2 précité, peut être accordée par l’administration des archives aux personnes, physiques ou morales, qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.
Elle rappelle que pour apprécier l'opportunité d'une communication anticipée, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi.
Conformément à sa doctrine constante (avis de partie II, n° 20050939, du 31 mars 2015), cet examen la conduit à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance.
La commission a estimé opportun de compléter sa grille d’analyse afin de tenir compte de la décision d’Assemblée n° 422327 et 431026, du 12 juin 2020, par laquelle le Conseil d’État a précisé qu’afin de déterminer s'il y a lieu ou non de faire droit à une demande de consultation anticipée, il convient de mettre en balance d'une part, l'intérêt légitime du demandeur apprécié au regard du droit de demander compte à tout agent public de son administration posé par l'article 15 de la Déclaration du 26 août 1789 et de la liberté de recevoir et de communiquer des informations protégées par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, les intérêts que la loi a entendu protéger (avis de partie II, n° 20215602, du 4 novembre 2021).
La commission rappelle, à cet égard, d’une part, que l'exercice du droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020). Il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
La commission précise, d’autre part, que si l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’accorde pas un droit d’accès à toutes les informations détenues par une autorité publique ni n’obligent l’État à les communiquer, il peut en résulter un droit d’accès à des informations détenues par une autorité publique lorsque l’accès à ces informations est déterminant pour l’exercice du droit à la liberté d’expression et, en particulier, à la liberté de recevoir et de communiquer des informations, selon la nature des informations demandées, leur disponibilité, le but poursuivi par le demandeur et son rôle dans la réception et la communication au public d’informations. Dans cette hypothèse, le refus de fournir les informations demandées constitue une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression qui, pour être justifiée, doit être prévue par la loi, poursuivre un des buts légitimes mentionnés au point 2 de l’article 10 et être strictement nécessaire et proportionnée.
Comme l’a indiqué le Conseil d’État dans sa décision d’Assemblée précitée, la commission estime, en conséquence, que l'intérêt légitime du demandeur doit être apprécié à la lumière de ces deux textes, au vu de la démarche qu'il entreprend et du but qu'il poursuit en sollicitant la consultation anticipée d'archives publiques, de la nature des documents en cause et des informations qu'ils comportent. Les risques qui doivent être mis en balance sont ceux d'une atteinte excessive aux intérêts protégés par la loi. La pesée de l'un et des autres s'effectue en tenant compte notamment de l'effet, eu égard à la nature des documents en cause, de l'écoulement du temps et, le cas échéant, de la circonstance que ces documents ont déjà fait l'objet d'une autorisation de consultation anticipée ou ont été rendus publics.
En l'espèce, la commission note que les listes demandées ont déjà été librement communiquées par le passé, en application des dispositions du code électoral. Elle constate également que la direction des Archives de France a pour sa part émis un avis favorable à la demande de Monsieur X, en tenant de l’ancienneté des documents, de l’engagement de réserve signé par le demandeur et de ses mission, ce dernier agissant dans le cadre d’une recherche successorale.
Au terme de la mise en balance des intérêts en présence, la commission estime que la consultation des extraits de listes électorales sollicitées, par anticipation aux délais légaux de communicabilité, sans reproduction, n’est pas de nature à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande.