Avis 20216802 Séance du 21/04/2022
Maître X, conseil de la société X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 septembre 2021, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de la Vendée à sa demande de communication, sous forme électronique par voie de courrier électronique, des documents suivants relatifs à l’exécution du marché de travaux portant sur l’hydro-décapage des revêtements routiers sur le territoire du département de la Vendée pour la période 2020-2022 :
1) les rapports d’enquêtes, les constats, les procès-verbaux de constat et tout document établis dans le cadre du contrôle de l’exécution du marché dont il est fait état dans le courrier du conseil départemental de la Vendée reçu par sa cliente le 25 mai 2021 ;
2) les bons de commande correspondant à chaque opération ;
3) les constats dressés, depuis 2019, sur chaque chantier, par le contrôleur de travaux du conseil départemental ;
4) les rapports réalisés par le laboratoire, dont dispose le conseil départemental en interne, dans le cadre du contrôle technique des travaux ;
5) les actes de sous-traitance afférents à ce marché, accompagnés des déclarations et leurs annexes ;
6) les documents établis dans le cadre du contrôle de l’exécution et de l’évaluation de l’action d’insertion pour laquelle le titulaire s’est engagé ;
7) les rapports d’enquêtes, les constats, les procès-verbaux de constat et tout document établis dans le cadre du contrôle, effectué en lien avec les organismes et services spécialisés, visant à vérifier le respect, par le titulaire, de la réglementation environnementale en vigueur ;
8) les fiches de suivi de contrôle et tout document fournis par le titulaire relatifs aux mesures de macrotexture et de rugosité et les documents établis par le conseil départemental dans le cadre des contrôles des mesures de macrotexture et de rugosité ;
9) les éventuels constats, effectués par le conseil départemental, du non-respect manifeste sur les chantiers de l’offre technique et/ou environnementale contractualisée lors de la passation du marché ;
10) le plan d’assurance de la qualité ;
11) les certificats d’inscription des entreprises extérieures - ayant effectué des transports de matériaux, produits et composants liés aux travaux – aux registres des transporteurs routiers de marchandises et/ou au registre des loueurs de véhicules industriels ;
12) les comptes rendus des visites contradictoires des chantiers commandés, établis durant la période de préparation ;
13) le programme et le planning d’exécution des travaux.
La commission relève, à titre liminaire, qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental de la Vendée l'a informée de ce que les documents sollicités aux points 4), 5), 9) et 12) n’existent pas. Elle ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces points.
La commission relève ensuite qu'en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental de la Vendée lui a indiqué que ses services n'avaient pas en leur possession les certificats d’inscription mentionnés au point 11) dès lors que la vérification de l'existence de ces documents revient au titulaire du marché lorsqu'il souhaite contracter avec les entreprises en cause. A cet égard, elle indique que sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui font obligation à une autorité administrative saisie d’une demande de communication de documents qu’elle ne détient pas de transmettre cette demande à l’autorité susceptible de les détenir, aucun texte n'impose à une telle autorité de solliciter d'un tiers la remise d'un document qui n’est pas en sa possession afin de satisfaire à une demande de communication. La commission ne peut donc que déclarer sans objet ce point de la demande, qui porte sur un document inexistant.
S'agissant des documents mentionnés aux points 1), 2), 3), 6), 7), 8), 10) et 13), la commission rappelle, d'une part, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte en effet de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n°375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication..
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. Sont également communicables les pièces constitutives du dossier de consultation des entreprises (règlement de consultation, cahier des clauses administratives particulières, cahier des clauses techniques particulières, etc.).
En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité concurrentiel et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi de l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ainsi que du mémoire technique, qui ne sont, de fait, pas communicables aux tiers. Revenant sur sa doctrine antérieure, la commission a également précisé dans son conseil n° 20221455 du 21 avril 2022, qu’il en va aussi désormais ainsi des factures, bons de commande, états d’acompte, décomptes et autres pièces établies dans le cadre de l’exécution d’un marché public, en tant que ces documents mentionnent les prix unitaires.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que les documents relatifs à l’exécution des marchés publics ont également un caractère administratif et que leur caractère communicable s’apprécie selon les mêmes principes que les autres documents relatifs à la procédure de passation, c’est-à-dire principalement sous la réserve du respect du secret des affaires.
La commission rappelle, d'autre part, qu'en application de l'article L124-5 du code de l'environnement, les informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement susceptibles d'être contenues dans les documents sollicités sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L311-1 et L124-5 du code de l'environnement, sans que puisse être opposé le secret de la vie privée, le secret des affaires ou les réserves tenant à l'appréciation ou au jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable et à la révélation du comportement de personnes physiques ou morales.
Les autres informations environnementales susceptibles d'être contenues dans les documents demandés, qui ne sont pas relatives à des émissions de substances dans l'environnement, sont pour leur part communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement. Après avoir apprécié l'intérêt d'une communication, l'autorité publique peut rejeter la demande d'une information relative à l'environnement dont la consultation ou la communication porterait atteinte, notamment, aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L311-5.
La commission relève enfin qu’il incombe à l’autorité saisie de procéder au travail de disjonction ou d’occultation des mentions couvertes par un secret protégé, tel que le secret des affaires, préalablement à la communication d'un document. Elle rappelle qu’il ne lui appartient pas d’indiquer précisément et de manière exhaustive, au sein d’un document, les mentions qui doivent être occultées en application des règles rappelées ci-dessus, cette opération incombant à l'administration et qu'elle a seulement pour mission d’éclairer cette dernière sur le caractère communicable ou non de passages ou informations soulevant des difficultés particulières d’appréciation et sur lesquels elle attire son attention.
Au cas d'espèce, la commission, qui a pris connaissance du surplus des documents sollicités, constate que le président du conseil départemental de la Vendée se borne à rejeter, en bloc, la demande de communication de ces documents au motif qu'elle porterait atteinte au secret des affaires, sans proposer de disjonction ou de dissociation des seules mentions couvertes par ce secret, à l’exception d'autres mentions non couvertes, tels le lieu d'intervention des prestations par le titulaire du marché ou la désignation des travaux sur les bons de commande et sans prise en compte des informations environnementales contenues, notamment, dans la documentation technique et environnementale.
Elle émet, dès lors, un avis favorable sur ces points, selon les principes et sous les réserves qui ont été précédemment exposés et rappelle que si le président du conseil départemental de la Vendée ne détient pas l'un ou plusieurs des documents sollicités, il lui appartient, conformément au sixième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, de transmettre la demande ainsi que le présent avis à l'administration susceptible de les détenir afin qu'elle puisse y donner suite, et d'en informer le demandeur.
D'autre part, le président du conseil départemental de Vendée a indiqué à la commission qu'une procédure contentieuse est en cours devant le tribunal administratif, initiée par la société X.
La commission rappelle, toutefois, que la seule circonstance qu’un contentieux soit en cours ne suffit pas à regarder la communication des documents sollicités comme étant de nature à porter atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions, au sens du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration. Cette restriction au droit d’accès ne trouve en effet à s’appliquer que lorsque la communication des documents serait de nature à porter atteinte au déroulement de l’instruction, à retarder le jugement de l’affaire, à compliquer l’office du juge, ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives, ce qui ne paraît pas être le cas en l’espèce.
La commission estime, dès lors, que le risque d'atteinte au déroulement d’une procédure juridictionnelle n'est ainsi pas établi.