Avis 20215843 Séance du 25/11/2021

Communication, après anonymisation, des documents relatifs aux heures supplémentaires effectuées par agent et par semaine, en maison d'arrêt, pour les années 2019 et 2020, au sein du centre pénitentiaire de Perpignan.
Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 septembre 2021, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice, à sa demande de communication, après anonymisation, des documents relatifs aux heures supplémentaires effectuées par agent et par semaine, en maison d'arrêt, pour les années 2019 et 2020, au sein du centre pénitentiaire de Perpignan. La Commission, qui a pris connaissance des observations du garde des sceaux, ministre de la justice, rappelle d'abord que la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens. Elle admet toutefois que les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées. Il en est ainsi, notamment, des arrêtés de nomination, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. La Commission estime cependant que, si les administrés doivent pouvoir accéder à certains renseignements concernant la qualité de leur interlocuteur, la protection, par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, de la vie privée impose que ces aménagements soient limités à ce qui est strictement nécessaire à leur information légitime. Ainsi, s'agissant des éléments de rémunération, la Commission est défavorable à la communication des informations liées, soit à la situation familiale et personnelle (supplément familial), soit à l'appréciation ou au jugement de valeur porté sur la manière de servir de l'agent (primes pour travaux supplémentaires, primes de rendement), ou encore de celles relatives aux horaires de travail, aux indemnités et heures supplémentaires. Il en va de même, pour le cas où la rémunération comporterait une part variable, du montant total des primes versées ou du montant total de la rémunération, dès lors que ces données, combinées avec les composantes fixes, communicables, de cette rémunération, permettraient de déduire le sens de l'appréciation ou du jugement de valeur porté sur l'agent. La Commission précise en outre que dans un avis n° 20210741 du 11 février 2021, elle a fait évoluer sa position, ancienne (conseils n° 20101148 du 29 mars 2010 et n° 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procéderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée. La Commission estime, de manière constante (avis n° 20123844 ; conseil n° 20165591 par exemple) que les heures supplémentaires effectuées par un agent public ne sont pas communicables aux tiers. Ainsi, elle considère que la communication de l'état des heures supplémentaires réalisées par les agents ne peut donc intervenir qu'après occultation des éléments permettant d'identifier individuellement les agents concernés. En réponse à la demande qui lui a été adressée, l'administration a informé la Commission que le document sollicité n'existait pas en l'état, les heures supplémentaires effectuées par agent étant calculées au mois et non à la semaine sur le logiciel X. La Commission rappelle à cet égard que le droit de communication prévu à l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s'applique qu'à des documents existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant. En revanche, et sous cette dernière réserve, cette loi ne fait pas obligation à l’administration saisie d’une demande de communication de procéder à des recherches en vue de collecter l'ensemble des documents éventuellement détenus (CE, 27 septembre 1985, Ordres des avocats de Lyon c/ X, recueil page 267), ou d'établir un document en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 30 janvier 1995, Min. d'État, min. éduc. nat. c/ Mme X et CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection). La Commission prend note qu'il ne paraît matériellement pas possible de satisfaire la demande et la déclare donc sans objet. Elle précise néanmoins que si l'administration était en mesure, par un traitement automatisé d'usage courant, d'éditer un document incluant les informations sollicitées, celui-ci serait communicable au demandeur dans les conditions rappelées ci-dessus.