Conseil 20212413 Séance du 08/07/2021

Recevabilité des nombreuses demandes de communication de documents administratifs effectuées via la plateforme « Ma Dada ».
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 8 juillet 2021 votre demande de conseil relative au traitement d’un nombre important de demandes de communication de documents administratifs effectuées par l’intermédiaire de la plateforme Ma Dada, qualifiées de « massives ». La commission relève, à titre liminaire, que la plateforme Ma Dada se présente comme une plateforme citoyenne qui vise à faciliter la démarche de demandes de communication de documents administratifs librement communicables à tous. Pour ce faire, la plateforme permet aux usagers d’adresser gratuitement des demandes à plus de 50 000 autorités répertoriées et d’y obtenir les éventuels réponses et documents associés. Ces échanges sont automatiquement publiés sur la plateforme. La commission observe que certains usagers formulent, par l’intermédiaire de la plateforme Ma Dada, des demandes multiples adressées à l’identique à plusieurs autorités administratives, tendant à la communication de documents de toute nature se rapportant à un sujet particulier, à l’intitulé parfois général, susceptibles d’être détenus par ces autorités. L’attention de la commission est attirée sur la conciliation de ces pratiques avec le droit d’accès aux documents administratifs, dont procède la transparence de l'action administrative, compte tenu des difficultés auxquelles se heurtent les autorités administratives pour traiter ces demandes. A titre liminaire, la commission rappelle qu’en application du quatrième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication des documents administratifs ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique. La commission rappelle, à cet égard, qu'une diffusion publique au sens de cette loi requiert que le document soit aisément accessible techniquement, géographiquement et financièrement. Une mise en ligne pérenne sur le site d’une autorité administrative peut en particulier être considérée comme une diffusion publique. La commission considère qu’il est de bonne administration, dans ce cas, que l’autorité saisie d’une demande de communication indique au demandeur le lien lui permettant de consulter le document concerné. La commission rappelle, ensuite, que l'exercice du droit d’accès aux documents administratifs, garanti par l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, a valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2020-834, du 3 avril 2020). Le droit à la communication des documents administratifs s’exerce dans les conditions fixées aux articles L300-2 et L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration. Les autorités saisies sont ainsi tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des secrets protégés par la loi. Ces dispositions ne leur imposent en revanche pas de répondre aux demandes insuffisamment précises ou présentant un caractère abusif. Sur chacun de ces points, la commission entend apporter les précisions suivantes : I. La commission rappelle que le droit d'accès aux documents administratifs impose que les demandes dont l'administration est saisie soient suffisamment précises pour permettre à l’autorité saisie d’identifier clairement le ou les documents souhaités, sans l’obliger à procéder à des recherches. En effet, le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux administrations de répondre aux demandes trop générales ou insuffisamment précises (CE 27 sept. 1985, req. n° 56543, Lebon 267 ; CE 30 juin 1989, OPHLM de la Ville de Paris, req. n° 83477). Le régime du droit d'accès ne fait pas non plus obligation à l’administration de répondre aux demandes de renseignements. La commission rappelle, que la précision d’une demande s’apprécie au regard de sa formulation, au cas par cas. Dans un avis n° 20195507 du 12 mars 2020, de partie II, elle a estimé que l’imprécision et la généralité de la formulation d’une demande, notamment en ce qu’elle vise indistinctement l'ensemble des services et niveaux hiérarchiques du ministère et des organismes sollicités ainsi que les documents de toute nature, du courrier électronique entre collègues de bureau au sein d'un même service aux saisines officielles d'une autorité administrative à une autre, ne met pas l'administration en mesure d'identifier précisément et sans recherche approfondie, les documents susceptibles de répondre à la demande. A l’inverse, une demande est suffisamment précise lorsque les documents sollicités sont identifiables par leurs émetteurs, leur objet, leurs dates, leur forme, leur nature ou, encore, le cadre réglementaire dans lequel ils s’inscrivent. La commission observe qu’une demande imprécise conduit à un avis d’irrecevabilité. Elle rappelle que si l'administration n'est pas tenue, sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration, d'inviter le demandeur à préciser une demande qu'elle estime imprécise, il lui est loisible de le faire dans un souci de bonne administration afin d'éviter la multiplication des demandes de communication dont elle est l'objet. II. La commission ajoute que le droit d’accès doit également rester compatible avec le bon fonctionnement des services. Elle relève que vous vous interrogez sur le caractère abusif des demandes multiples formulées par l’intermédiaire de la plateforme Ma Dada. La commission rappelle, d’une part, que le droit à la communication des documents administratifs ne se confond pas avec un droit d’accès aux informations contenues dans ces documents et, d'autre part, que le droit d'accès aux documents administratifs est un droit objectif. Elle rappelle, d’autre part, que ni la qualité du demandeur, ni ses motivations ou ses intentions présumées ne peuvent constituer en soi un refus légitime de communiquer des documents librement accessibles (avis n° 20071123 du 22 mars 2007 et n° 20064816 du 9 novembre 2006). La commission indique toutefois que le droit d'accès aux documents administratifs cède devant les demandes abusives, auxquelles les administrations ne sont pas tenues de répondre, en application du dernier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration. La commission souligne que le caractère abusif doit être apprécié pour chaque demande, compte tenu d’éléments circonstanciés. Toute demande portant sur une quantité importante de documents ou le fait pour une même personne d’adresser soit plusieurs demandes à une même autorité soit des demandes multiples formulées à l’identique à plusieurs autorités, ne sont pas nécessairement assimilables à des demandes abusives. Une demande ne peut, en effet, être regardée comme abusive que lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, Ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France, 14 novembre 2018). La commission précise en outre que lorsque les éléments d'information non communicables contenus dans un document dont la communication est sollicitée sont très nombreux et qu'il est possible de se procurer les éléments communicables autrement, la communication des documents après occultation des éléments non communicables peut être légalement refusée, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour les requérants, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, n° 426623, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupery du 27 mars 2020). La commission a déjà eu l’occasion de qualifier d’abusives des demandes, lorsqu’eu égard au nombre, à la variété et à l'imprécision de l’objet des divers documents demandés, compte tenu des recherches qui incomberont nécessairement à l'administration afin d'identifier et de sélectionner les documents susceptibles de satisfaire la demande et des efforts nécessaires à l'occultation préalable des mentions dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi, celles-ci font peser sur l'administration une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (avis n° 20184783 du 17 mai 2019, de partie II ; avis n° 20193811, du 12 mars 2020, de partie II). Elle rappelle que c’est un faisceau d’indices qui permet de qualifier une demande d’abusive. Elle estime que tel peut être le cas des demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, des demandes que le service sollicité est manifestement dans l'incapacité matérielle de traiter, ou encore des demandes portant sur des documents auxquels le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent. La commission relève que cette qualification demeure, toutefois, exceptionnelle. Elle souligne qu’hormis le cas des demandes présentant un caractère abusif, le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication. En revanche, l’administration est fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration est notamment en droit d'inviter le demandeur à venir consulter ces documents sur place et à emporter copie des seuls éléments qu’il aura sélectionnés. Alternativement, elle peut convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services.