Conseil 20212232 Séance du 06/05/2021
Caractère communicable, à une association, d'une étude nommée « diagnostic Maison Carpeynteyre », réalisée par un architecte du patrimoine et ayant fondé la décision communale relative à la rénovation d'une maison noble.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 6 mai 2021 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à une association, d'une étude nommée « Maison Carpenteyre, diagnostic patrimonial », réalisée par un architecte du patrimoine et ayant fondé votre décision relative à la rénovation des bâtiments composant cette maison noble.
La commission vous rappelle qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. » . La commission en déduit que cette étude constitue un document administratif au sens des dispositions précitées, dès lors qu'elle vous a été remise et que vous la détenez dans le cadre de votre mission de service public de gestion de votre domaine public ou privé. Elle est donc, en principe, communicable à toute personne qui en fait la demande, sur le fondement de l’article L311-1 du même code, sous réserve qu’elle ne présente plus un caractère préparatoire à une décision que vous n’auriez pas encore prise.
La commission souligne toutefois que l’article L311-4 du même code dispose que : « Les documents administratifs sont communiqués ou publiés sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique. ». Dans sa décision du 8 novembre 2017 n° 375704, le Conseil d’État a jugé que cette disposition implique, avant de procéder à la communication de documents administratifs grevés de droits d’auteur n'ayant pas déjà fait l'objet d'une divulgation au sens de l'article L121-2 du code de la propriété intellectuelle, de recueillir l'accord de leur auteur. La commission en déduit qu’il vous appartient par conséquent de déterminer, pour l’application de l’article L311-4 du code des relations entre le public et l’administration, si cette étude peut être considérée, en toute ou partie, comme une œuvre de l’esprit protégée par des droits d’auteur et si elle ne peut donc être communiquée qu’après autorisation de son auteur.
La commission relève, à cet égard, que le contrat que vous avez conclu pour la réalisation de l’étude comporte peut-être des stipulations particulières en ce sens, ce que la commission encourage afin de prévenir toute difficulté.
Faute d’avoir pu prendre connaissance de ce contrat, la commission vous rappelle, dans l’hypothèse où celui-ci ne comporterait aucune stipulation de cette nature, qu'aux termes de l'article L112-2 du code de la propriété intellectuelle : « Sont considérés notamment comme œuvres de l'esprit au sens du présent code : 1° Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ; (...) 12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ; (…) ». Constituent ainsi une œuvre d'architecture, les plans, les dessins, les études et les bâtiments considérés comme la reproduction des plans ou des maquettes (Cass. 1ère civ., 8 janv. 1980, n° 78-12998: Bull civ. n° 17). En outre, pour être protégées par des droits de propriété intellectuelle, la jurisprudence exige que les œuvres de l’esprit se caractérisent par une certaine originalité, en ce qu’elles font apparaître l’empreinte, le style ou encore la personnalité de leur auteur, ou encore l’apport ou l’effort intellectuel de ce dernier. A titre d'exemple, le Conseil d'Etat, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2011 qui a transféré la compétence en matière de responsabilité extracontractuelle à l'ordre judiciaire (Tribunal des conflits, 7 juill. 2014, n° 3955, X c/ Département de Meurthe-et-Moselle, publié au Recueil Lebon), a exclu l'exercice du droit au nom, composante du droit moral, s'agissant de la rénovation intérieure des ailes Est et Ouest de la préfecture du Morbihan, qui a consisté en une consolidation des charpentes et planchers et un réaménagement des bureaux, qui ne présentait pas un caractère suffisamment original pour permettre à l'architecte mandataire du groupement chargé par le département du Morbihan de la maîtrise d'œuvre de cette rénovation de se prévaloir des dispositions précitées pour exiger que son nom fût inscrit sur la façade de la préfecture (CE, 6 mai 1988, X, n° 78833, mentionné aux Tables du Recueil Lebon).
En l'espèce, au vu du document que vous lui avez transmis, la commission constate que l'étude de diagnostic patrimonial, qui comprend 7 pages, est structurée autour de 4 parties : la première partie est un préambule, la deuxième est consacrée à l'état des lieux d'origine, la troisième est relative aux transformations apportées aux bâtiments et la quatrième présente les conclusions de l'étude. L'étude est complétée par des annexes (des photographies des lieux, un relevé d'état des lieux, un plan cadastral ainsi qu'un dessin réalisé par l’architecte, intitulé « essai de restitution en façade du logis principal »). La commission en déduit que cette étude ne constitue pas un œuvre de l'esprit au sens de l'article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, en ce compris l'essai de restitution, qui ne semble pas présenter d'originalité particulière, et, par suite, que les dispositions de l'article L311-4 du code des relations entre le public et l'administration ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.
La commission vous conseille, dès lors, de communiquer cette étude, sauf stipulation contraire du contrat que vous avez conclu pour la réalisation de l'étude.