Avis 20211904 Séance du 22/07/2021

Communication, de préférence par voie dématérialisée, des documents suivants, datant probablement de 1999 : 1) l'intégralité du rapport définitif de l'IGAS consacré au régime de retraites complémentaires volontaires dénommé CREF (devenu COREM) ; 2) l'intégralité de ses éventuelles annexes ; 3) l'intégralité de la synthèse qui pourrait avoir été faite sur ce rapport et ses éventuelles annexes.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 7 juin 2021, à la suite du refus opposé par la Cheffe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) à sa demande de communication, de préférence par voie dématérialisée, des documents suivants : 1) l'intégralité du rapport définitif de l'IGAS consacré au régime de retraites complémentaires volontaires dénommé CREF (devenu COREM), établi en 1999 ; 2) l'intégralité de ses éventuelles annexes ; 3) l'intégralité de la synthèse qui pourrait avoir été faite sur ce rapport et ses éventuelles annexes. En réponse à la demande qui lui a été adressée, la cheffe de l’IGAS a informé la commission que le document mentionné au point 3) de la demande n’existe pas. La commission en prend note et déclare la demande d’avis sans objet, sur ce point. La commission relève ensuite que les documents mentionnés aux points 1) et 2) de la demande correspondent à un rapport rédigé par l’IGAS en 1999, relatif au contrôle de l’Union nationale des mutuelles retraite des instituteurs et fonctionnaires de l’Education nationale et de la fonction publique (UNMRIFEN-FP). Elle rappelle que cet organisme mutualiste, institué en 1949, proposait à ses adhérents un complément de retraite facultatif dénommé « complément de retraite de l’éducation nationale et de la fonction publique » (CREF), présentant la particularité de combiner la technique de la répartition et de la capitalisation. Elle relève que le rapport de contrôle sollicité a mis en lumière une gestion du CREF non conforme aux dispositions du code de la mutualité. La commission rappelle qu’un rapport d’enquête ou un audit réalisé par ou à la demande de l'autorité responsable d'un service public est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, communicable à toute personne qui en fait la demande en vertu de l'article L311-1 de ce code sous réserve d’une part, qu’il soit achevé, c'est-à-dire qu’il ait été remis à leur commanditaire et qu'il soit dépourvu de caractère préparatoire et, d'autre part, de l'occultation des mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6 de ce code. La cheffe de l’IGAS a justifié son refus de communiquer ce rapport en faisant valoir qu’il se rapporte à un organisme de droit privé relevant du code de la mutualité et opérant dans un champ concurrentiel, de sorte que sa communication à des tiers porterait atteinte au secret des affaires. La commission relève, d’une part, que le secret des affaires est opposable aux organismes relevant du code de la mutualité, qui sont soumis aux règles de la concurrence pour leurs activités liées à la gestion d’un régime de retraite complémentaire facultatif fonctionnant en tout ou partie par capitalisation. Elle relève, d’autre part, que dans un arrêt du 27 février 2006, le Conseil d’Etat, après avoir pris connaissance de ce rapport, a estimé que les extraits comportant une analyse détaillée du fonctionnement de l’UNMRIFEN-FP et notamment des conditions dans lesquelles elle procède à la gestion financière des produits qu’elle propose à ses adhérents et à la couverture de ses engagements, étaient couverts par le secret en matière industrielle et commerciale (CE, 27 février 2006, Comité d’information et de défense des sociétaires de la mutuelle retraite de la fonction publique, n° 265308). La commission rappelle, toutefois, qu'il lui revient de statuer sur la pertinence des occultations non à la date à laquelle les documents ont été établis mais à celle du refus de communication (CE, 20 janvier 2019, X, n° 420467, aux Tables) et que c'est ce refus qui fait l'objet d'un recours administratif préalable devant elle. Il lui appartient, par suite, de vérifier qu’à cette date, les mentions occultées au titre du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration sont susceptibles de révéler le secret des procédés ou la stratégie commerciale de l'intéressé et d'avoir une valeur commerciale effective ou potentielle pour les concurrents actuels ou potentiels en tenant compte, le cas échéant, des changements de circonstances de fait et de droit, survenus postérieurement à un premier refus. En l’espèce, la commission nourrit des doutes quant au bien-fondé des occultations mentionnées dans l’arrêt précité du Conseil d’Etat, du 27 février 2006, appréciées à la date du refus de communication, c’est-à-dire vingt-deux ans après l’élaboration du rapport sollicité. Elle observe en effet, dans ce laps de temps, une évolution du cadre juridique des organismes mutualistes, ainsi que la survenance de circonstances de fait nouvelles, notamment, la disparition de l’organisme contrôlé. Ce rapport a en particulier justifié l’adoption de mesures de redressement, l’UNMRIFEN-FP a par ailleurs été placée en liquidation judiciaire et une nouvelle structure juridique, l’Union mutualiste retraite, lui a succédé afin de reprendre la gestion du CREF, devenu COREM en 2003. La commission estime nécessaire de prendre en compte l’écoulement du temps ainsi que ces circonstances de droit et de fait nouvelles, afin d’apprécier si et dans quelle mesure les mentions du rapport d’inspection sollicité, dont elle n’a pas pu prendre connaissance, sont couvertes par le secret des affaires, à la date du refus de communication. Elle émet, dans ces conditions, un avis favorable à la demande, sous réserve de l’occultation éventuelle des mentions qui demeureraient couvertes par ce secret et elle invite la cheffe de l’IGAS à réexaminer la demande, à la lumière des principes rappelés ci-dessus.