Avis 20211896 Séance du 06/05/2021

Communication de l’intégralité de son dossier ASE et UTPAS, ainsi que des extraits la concernant contenus dans les dossiers relatifs à sa famille.
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 mars 2021, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental du Nord à sa demande de communication de l’intégralité de son dossier ASE et UTPAS, ainsi que des extraits la concernant contenus dans les dossiers relatifs à sa famille. A titre liminaire, la commission rappelle que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : 1. L’ensemble des pièces qui composent ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. 2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative...) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux. En particulier, ces documents, qui n'ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d'une procédure judiciaire et conservent, ainsi qu’il vient d’être dit, un caractère administratif même dans le cas où ils auraient été néanmoins transmis à l'autorité judiciaire, sont en principe communicables à la personne directement concernée, ou, lorsqu'il s'agit d'un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration, de la disjonction des pièces ou de l'occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée d'autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d'une personne, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice (plaintes, dénonciations...). La commission précise en outre que la divulgation du document contenant le signalement révèle le comportement de son auteur dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. La commission en déduit que lorsque ce signalement est le fait d'une personne physique, et non pas celui d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, le document est communicable à elle seule, à l'exclusion des personnes visées par l'information préoccupante, à moins que des occultations ne permettent d'interdire l'identification de son auteur. A l'inverse, elle estime que, dans l'hypothèse où une autorité administrative procède, dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, au signalement d'une personne (agent, usager, tiers), seule la personne qui est l’objet de ce signalement a la qualité d'«intéressé» au sens du texte précité. La commission en déduit qu'un tel signalement est communicable à la personne visée par lui, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des mentions faisant apparaître le comportement de personnes tierces dont la divulgation serait susceptible de leur porter préjudice. Par ailleurs, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s'y oppose l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C'est au vu des circonstances propres à chaque situation qu'il convient d'apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant. Il s'oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu'il les met gravement en cause. La commission rappelle également que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, justifiant un refus de communication. La commission note à cet égard que l'article L226-9 du même code prévoit que le secret professionnel est applicable aux agents du service d'accueil téléphonique géré par le groupement d'intérêt public prévu à l'article L226-6 du même code. Elle en déduit que les documents contenant les informations recueillies par ce service ainsi que les documents reçus par ce service et contenant un signalement ne sont pas communicables. L'article L221-6 du code de l'action sociale et des familles dispose lui-même que « Toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance est tenue au secret professionnel sous les peines et dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal ». La commission estime que les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs qui résultent de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L226-9 du code de l'action sociale et des familles ou sont inspirées par l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant couvrent, à l'égard des personnes directement concernées, la plupart des documents également susceptibles de relever du secret professionnel des agents de l'aide sociale à l'enfance. Ce secret professionnel ne trouvera donc à s'opposer de manière autonome à la communication de documents administratifs aux personnes directement concernées que dans un nombre limité de cas, qu'il convient d'apprécier, conformément à la jurisprudence pénale, en fonction des circonstances concrètes relatives tant à la teneur du document qu'aux conditions dans lesquelles les informations qu'il comporte ont été confiées aux personnes qui en sont dépositaires. Il est possible au service, en cas de doute, de demander conseil à la commission d'accès aux documents administratifs sur le caractère communicable ou non d'un document déterminé, en application des principes qui viennent d'être rappelés. Après avoir pris connaissance des observations du président du conseil départemental du Nord, la commission, qui observe que les documents en possession de Madame X sont expurgés des mentions la concernant, estime que les documents sollicités qui revêtent un caractère administratif sont, sous les réserves et conditions rappelées plus haut, communicables à l’intéressée en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article L1111-7 du code de la santé publique s’agissant des informations médicales contenues dans ces documents, notamment pour les mentions qui la concernent. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.