Conseil 20211291 Séance du 15/04/2021

Caractère communicable de l'intégralité du dossier médical d'une patiente décédée se disant victime de violences conjugales, à son conjoint.
La commission a examiné lors de sa séance du 15 avril 2021 votre demande de conseil relative au caractère communicable de l'intégralité du dossier médical d'une patiente décédée se disant victime de violences conjugales, à son conjoint. La commission rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. A cette fin, la commission souligne que si l’objectif relatif aux causes de la mort n’appelle, en général, pas de précisions supplémentaires de la part du demandeur, il en va différemment des deux autres objectifs. Invoqués tels quels, ils ne sauraient ouvrir droit à communication d’un document médical. Le demandeur doit ainsi préciser les circonstances qui le conduisent à défendre la mémoire du défunt ou la nature des droits qu’il souhaite faire valoir, afin de permettre à l’équipe médicale d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite de l’objectif correspondant. La commission vous précise ensuite que l’application de ces dispositions à chaque dossier d’espèce relève de l’équipe médicale qui a suivi le patient décédé, ou, à défaut, d’autres médecins compétents pour apprécier si l’ensemble du dossier médical ou seulement certaines pièces se rattachent à l’objectif invoqué, quel qu’il soit (causes du décès, mémoire du défunt, défense de droits). Il n’appartient pas aux médecins chargés de cet examen du dossier d’apprécier l’opportunité de la communication de tout ou partie du dossier, mais seulement l’adéquation des pièces communiquées aux motifs légaux de communication invoqués par le demandeur. L’établissement peut ainsi être conduit, selon les cas, à transmettre l’ensemble du dossier ou bien à se limiter à la communication des pièces répondant strictement à l’objectif poursuivi. L’équipe médicale n’est, en outre, nullement liée par une éventuelle liste de pièces réclamées par le demandeur. Vous vous interrogez plus particulièrement sur le droit de communication du dossier médical de la défunte à son époux eu égard notamment aux violences conjugales dont elle a été victime et à la circonstance que durant son hospitalisation, elle ne souhaitait plus voir son époux, ni lui parler. La commission vous précise, à cet égard, que lorsque la volonté d'une personne décédée n’a pas été clairement exprimée par écrit, un refus de communication ne peut être opposé que si la personne concernée, avant son décès, avait exprimé de façon claire et non équivoque sa volonté libre et éclairée de s’opposer à la communication à ses ayants droit des informations visées à l’article L1110-4 du code de la santé publique. En l'espèce, la commission estime que la situation de violence conjugale subie par la défunte ainsi que le refus qu'elle a exprimé, au cours de son hospitalisation, de voir ou de parler à son époux ne justifient pas par eux-mêmes, en l'absence de tout autre élément traduisant explicitement son opposition à la communication de son dossier médical à ses ayant droits, un refus de communication sur le fondement des dispositions précitées. Au regard des principes qui viennent d'être rappelés, la commission vous invite donc à répondre favorablement à la demande, sous réserve que sa formulation, qui porte sur l’intégralité du dossier médical en cause, permette d’identifier le ou les documents nécessaires à la poursuite du ou des objectifs de l'intéressé. Vous précisez enfin que des annotations du service social ont pu être apportées dans le dossier médical de la défunte. La commission estime que ces annotations, qui ne relèvent pas du dossier médical, n’ont pas à être transmises à l’ayant droit.