Avis 20205506 Séance du 21/01/2021
Communication des documents suivants :
1) les constats de dommage ayant donné lieu à indemnisation en 2019 pour l'ours brun ;
2) la synthèse du nombre de bêtes indemnisées pour chaque estive, en précisant celles considérées « imputables » à l’ours et celles indemnisées au « bénéfice du doute ».
Monsieur X, pour X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 décembre 2020, à la suite du refus opposé par le directeur départemental des territoires de l'Ariège à sa demande de communication des documents suivants :
1) les constats de dommage ayant donné lieu à indemnisation en 2019 pour l'ours brun ;
2) la synthèse du nombre de bêtes indemnisées pour chaque estive, en précisant celles considérées « imputables » à l’ours et celles indemnisées au « bénéfice du doute ».
En l’absence de réponse du directeur départemental des territoires de l'Ariège à la date de sa séance, la commission rappelle, d'une part, qu’en vertu des 1°) et 3°) de l’article L124-2 du code de l’environnement, sont notamment considérées comme étant relatives à l’environnement, les informations qui ont pour objet l’état de la diversité biologique ainsi que celles se rapportant aux conditions de vie des personnes lorsqu’elles sont ou peuvent être altérées par les éléments de l’environnement. Elle relève, par ailleurs, que le loup, l'ours et le lynx font partie de la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire national, qui a été établie par arrêté du 23 avril 2007, pris en application des dispositions des articles L411-1 et suivants du code de l’environnement.
Elle rappelle, d'autre part, que la liste des bénéficiaires d'aides versées par une personne publique et comportant le montant de ces aides, dès lors qu'elle existe ou peut être établie par un traitement automatisé d'usage courant, constitue un document administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Pour les aides versées en considération de la situation d'une personne physique ou dont le calcul est fonction de celle-ci, par exemple une bourse ou un secours, la commission estime que le secret de la vie privée fait obstacle à la communication de la liste des bénéficiaires de telles aides et du montant des aides perçues par chacun. En revanche, lorsqu'il s'agit d'aides versées pour l'exercice d'une activité économique ou culturelle ou encore pour améliorer l'état de l'environnement, indépendamment de la situation personnelle d'une personne physique, la commission estime que le nom des bénéficiaires de ces aides, que ce soient des personnes physiques ou des personnes morales, n'est pas couvert par le secret de la vie privée ni par le secret des affaires. Il en va de même du montant de l'aide perçue, sous réserve que la révélation de ce montant ne permette pas d'en déduire une information couverte par le secret des affaires telle que le montant du chiffre d'affaires ou celui d'un investissement. (avis n° 20055081).
S'agissant du caractère communicable de l'intégralité d'un dossier d'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par l’ours, la commission relève qu’il résulte de l’article 1er du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019, qu’un régime d’aide d’État spécifique a été mis en place pour remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France. Dans ce cadre, les personnes physiques ou morales exerçant une activité agricole au sens de l'article L311-1 du code rural et de la pêche maritime peuvent déposer auprès du préfet de département du lieu de survenance du dommage une demande d'indemnisation. Cette demande est instruite sur la base d’un constat dressé par un agent de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) à partir d’un formulaire-type permettant de relever l'ensemble des éléments factuels nécessaires à l'appréciation de la responsabilité du prédateur dans le dommage et à l'indemnisation. Enfin, le préfet décide de l’indemnisation d’une attaque en fonction des éléments techniques figurant dans ce constat, l’évaluation de l’indemnité étant déterminée selon des montants forfaitaires fixés par l’arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l’application du décret du même jour.
La commission déduit de ce dispositif d’aide publique que le dossier de demande d’indemnisation déposé par une personne physique ou morale constitue un document administratif soumis au droit d'accès prévu par l’article L124-1 du code de l’environnement, sous réserve de la protection des intérêts énoncés au I de l’article L124-4 du même code.
A ce titre, la commission estime que les constatations opérées par l’ONCFS (notamment les causes des dommages et le nombre d’animaux ouvrant droit à indemnisation), alors même que celles-ci figureraient dans des dossiers individuels constitués pour chaque éleveur victime, le décompte de l’indemnité notifié aux éleveurs comme les ordres de paiement, sont communicables, sous réserve toutefois de l’occultation, en application du 1°) du I de l’article L124-4 du code de l’environnement, des mentions dont la communication porterait atteinte à la vie privée des éleveurs concernés ou au secret en matière commerciale et industrielle devenu secret des affaires (adresse, numéro de téléphone de l’éleveur, taille du troupeau, relevé d’identité bancaire).
En revanche, la commission, revenant partiellement sur sa position antérieure (avis n° 20134403), estime que ces dispositions ne font pas obstacle à la communication des mentions relatives au numéro du cheptel ou des boucles des animaux concernés par l’attaque.
Elle précise également que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, les informations à communiquer sont susceptibles de permettre la localisation précise d’une espèce protégée dont la réintroduction récente est intervenue dans un contexte particulièrement conflictuel, il appartient à l'autorité administrative saisie de mettre en balance l'intérêt de cette communication au regard de la protection de l'environnement, et notamment la sauvegarde de la diversité biologique et la protection d'une espèce protégée.
Au regard de ce qui précède, la commission émet un avis favorable à la demande en application des dispositions L311-1 du code des relations entre le public et l'administration et L124-1 et suivants du code de l'environnement, sous les réserves qui viennent d'être rappelées.