Avis 20201113 Séance du 24/09/2020

Communication des documents listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges, ainsi que celui des CM2 qui en découle pour chacune des écoles.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 17 décembre 2019, à la suite du refus opposé par le ministre de l'éducation nationale, de la Jeunesse et des sports à sa demande de communication de copies des documents listant les indices de position sociale (IPS) de chacun des collèges, ainsi que celui des CM2 qui en découle pour chacune des écoles. La commission rappelle qu’en application des dispositions de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration, « sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat (…) ». Aux termes de l’article L311-1 du même code, les administrations mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du même code. Ainsi, ne sont pas communicables aux tiers, en application de ce dernier article, les mentions ou documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée ou qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable. La commission relève que l'indice de position sociale est un indicateur créé en 2016 par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale de la situation sociale des élèves face aux apprentissages dans les établissements scolaires français. Cet indice résulte d’une modélisation construite à partir de variables familiales ayant été identifiées comme ayant un effet sur la réussite scolaire des élèves à l’issue d’une enquête menée en 2007 auprès de 30 000 élèves : le diplôme des parents (mère et père), les conditions matérielles (revenus, nombre de pièces du logement, partage de chambre, ordinateur au domicile, accès à Internet), le capital culturel (nombre de livres à la maison, présence d'une télévision dans la chambre, le temps passé devant la télévision), l'ambition et l'implication des parents (aspirations, conversations sur la scolarité, l'avenir scolaire), les pratiques culturelles (sport, concert, théâtre, cinéma, musée, activités extra-scolaires), pondérées selon leur effet sur la réussite scolaire. A partir de ces variables, a été déterminé un indice de position sociale moyen par élève ne dépendant plus que des professions et catégories socioprofessionnelles des représentants légaux des élèves réparties en 34 catégories. L'indice de position sociale des élèves est entre 38 et 179. Plus l'indice est élevé, plus l'élève évolue dans un contexte familial favorable aux apprentissages. L’indice moyen par établissement est obtenu par la moyenne des IPS de chaque élève. Pour justifier leur refus de communication, les représentants du ministre de l’éducation nationale, de la Jeunesse et des sports indiquent, en premier lieu, que l’IPS constitue un outil de pilotage des politiques publiques précieux permettant une allocation des moyens en fonction des disparités sociales constatées et en favorisant la mise en place de politiques éducatives ciblées en fonction de la situation des établissements, notamment dans le cadre de la refonte de la carte scolaire ou de la lutte contre les inégalités et l'échec scolaire. Ils précisent que s’ils communiquent des indices moyens par académie ou type d'établissement, une communication des indices par établissement que ce soit au niveau national ou académique irait à l’encontre de l’intérêt général en conduisant à la publication de classements hiérarchisant les établissements scolaires selon leur composition sociale. Cette communication serait susceptible de renforcer l'évitement des établissements les moins favorisés, réduisant encore davantage la mixité sociale en leur sein alors que le ministère s’attache à promouvoir une évaluation des établissements selon leur performance (par exemple, pour les lycées, au moyen de l'indicateur de valeur ajoutée (IVAL) et non seulement de leur composition sociale. La commission est sensible à ces arguments mais rappelle que l'administration ne saurait subordonner la communication d'un document administratif à la justification d'un motif légitime, ni refuser celle-ci au motif de l’utilisation possible de ce document et que les exceptions au droit d’accès doivent être prévues par la loi ou en être la conséquence nécessaire. Or, aucune de ces préoccupations légitimes ne trouve, en l’état actuel de la réglementation, d’accroche législative. Les représentants du ministre de l’éducation nationale, de la Jeunesse et des sports font, en second lieu, valoir que la communication des IPS par élève porterait atteinte à leur vie privée ainsi qu’à celle de leurs parents et porterait une appréciation sur des personnes identifiables. La commission reconnaît que les variables et l’IPS lui-même reposent sur des caractéristiques de la cellule familiale de chaque élève. Elle estime cependant que la communication d’un indice moyen, l’IPS d’un établissement, obtenu par la moyenne des IPS de chacun des élèves, ne porte pas en elle-même atteinte à leur vie privée mais révèle une situation objectivée par le traitement statistique. Elle considère, pour le même motif, que cet indice, ne porte pas en lui-même, une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable. Enfin, si les représentants du ministre de l’éducation nationale, de la Jeunesse et des sports soutiennent que l’indice est ancien et peut s’avérer peu fiable dès lors qu’il repose sur une base déclarative, ces deux circonstances ne permettent pas de regarder la base de données des IPS des établissements comme un document inachevé au sens du premier alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne couvre que les documents en cours d’élaboration. La commission émet au regard de ce qui précède, dès lors qu’il n’est pas discuté que la liste sollicitée peut être obtenue par un traitement automatisé d’usage courant, un avis favorable à la demande.