Avis 20200230 Séance du 25/06/2020

Copie de l'intégralité de son dossier administratif, notamment le rapport d'évaluation de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ayant entraîné la fin de sa prise en charge à compter du 19 juillet 2019.
MonsieurX a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 janvier 2020, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme à sa demande de copie de l'intégralité de son dossier administratif, notamment le rapport d'évaluation de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ayant entraîné la fin de sa prise en charge à compter du 19 juillet 2019. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil département du Puy-de-Dôme a informé la commission de ce que : - il considère que les documents sollicités revêtent la nature de documents judiciaires dès lors qu'il ont fait l'objet d'une transmission au procureur de la République, au sens de l'article R221-11 du code de l'action sociale et des familles ; - en conséquence il s'estime incompétent pour connaître de la demande ; - le demandeur se serait déjà vu communiquer le dossier sollicité par les services du procureur de la République. Dans ces circonstances, la commission rappelle les points suivants : Sur les dispositions applicables : La commission rappelle qu’aux termes de l’article L222-5 du code l’action sociale et des familles (CASF) : « sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / 1° Les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, modulable selon leurs besoins, en particulier de stabilité affective, ainsi que les mineurs rencontrant des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou dans un service tel que prévu au 12° du I de l'article L. 312-1 ; (…) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil, des articles 375-5, 377, 377-1, 380, 411 du même code ou du 4° de l'article 10 et du 4° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ; / (…) Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants. (…) » Elle souligne qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil : « Lorsqu'un service de l'aide sociale à l'enfance signale la situation d'un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, selon le cas, le procureur de la République ou le juge des enfants demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l'orientation du mineur concerné. » Elle rappelle qu’aux termes de l’article R221-11 du code de l’action sociale et des familles : « I.-Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II.-Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. / (…) / IV.-Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin. » La commission considère qu’il résulte de ces dispositions que le président du conseil départemental, chargé du service de l’aide sociale à l’enfance, procède, au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation d’une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Au terme de cette évaluation, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vue de l’orientation du mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, en application du quatrième alinéa de l’article L223-2 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, auquel il renvoie. Si au terme de l’évaluation, le président du conseil départemental estime que la situation de la personne en cause ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il lui notifie une décision de refus de prise en charge. Sur le caractère communicable d'un rapport d'évaluation de la situation d'une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille : La commission rappelle en premier lieu que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées. En deuxième lieu, elle considère que l’ensemble des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. En troisième lieu, elle souligne que lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles, relatif au mineur en danger au sens de l’article 375 du code civil, et de l’article 375-5 de ce code, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration, à l’égard desquels elle n’est pas compétente pour se prononcer. La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission estime qu'il en est de même du rapport d’évaluation réalisé en application de l’article R221-11 du code de l’action sociale et des familles qui a pour objet d’évaluer la minorité de la personne concernée, en vue d’une éventuelle prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance au titre des articles L223-2 de ce code et 375-5 du code civil. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. Dès lors, en reprise de ces principes, la commission estime que le rapport d'évaluation sollicité est un document administratif qui a fait l'objet d'une transmission au procureur de la République, lequel a pris la décision de classer la procédure en estimant que le demandeur était adulte. La commission en déduit que ce rapport n'est pas susceptible d'empiéter sur les prérogatives de l'autorité judiciaire. Elle émet par suite à un avis favorable à la demande ainsi qu'à la communication de l’ensemble des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance de Monsieur X avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé dans la mesure où ces pièces revêtent la nature de documents administratifs communicables à l'intéressé en application de l'article L311-6 du code précité.