Avis 20200168 Séance du 25/06/2020
Copie des documents suivants dans le cadre de l'affaire X :
1) les conclusions de l'enquête de X ;
2) le recueil de témoignages concernant sa personne, lesquels ont été utilisés lors de l 'audience du 30 Octobre 2019 à Meaux par Madame la Juge à l'enfance.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 janvier 2020, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de Seine-et-Marne à sa demande de copie des documents suivants dans le cadre d'une procédure concernant le mineur X, né le X :
1) les conclusions de l'enquête de X ;
2) le recueil de témoignages le concernant, utilisés lors de l'audience du 30 octobre 2019 devant le juge des enfants de Meaux.
En l'absence de tout élément quant à la situation du mineur X, la commission rappelle que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées.
I. Les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015).
Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au Procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance.
La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493).
II. Sur les pièces relatives aux procédures engagées auprès du procureur de la République
Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, Procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire.
La commission considère en outre de manière générale que l’ensemble des documents élaborés pour les besoins et dans le cadre d’une telle procédure, y compris le courrier par lequel l’administration dénonce, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, constituent des pièces relevant de l’autorité judiciaire et sont, comme tels, soustraits au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration.
III. Sur les pièces détenues par la cellule de recueil d'informations préoccupantes
La commission rappelle que la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, établie en application de l’article L226-3 du code de l’action sociale et des familles, a pour objet de recueillir, traiter et évaluer ces informations, à tout moment et quelle qu’en soit l’origine, et que revêtent un caractère administratif les documents détenus par l’administration et qui, par leur nature, leur objet ou leur utilisation, se rattachent à l’exécution d’une activité de service public. Elle en déduit que les fiches de recueil d’informations préoccupantes établies au sein de cette cellule constituent bien des documents administratifs.
La commission rappelle qu'en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle considère que, sur ce fondement, les documents tels que les lettres de signalement ou de dénonciation, dès lors que leur auteur est identifiable, adressés à une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par le signalement ou la dénonciation en question. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant, en particulier, n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
La commission observe également qu’en vertu de l'article L311-5 du même code, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi. La commission considère que le secret professionnel auquel est tenue, par l’article L221-6 du code de l’action sociale et des familles, toute personne participant aux missions du service de l’aide sociale à l’enfance, sous les réserves prévues par cet article et par les articles L221-3, L226-2-1 et L226-2-2 du même code, est au nombre des secrets protégés par la loi. La commission en déduit que lorsque ce signalement est le fait d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, les informations que le document contient sont couvertes par le secret professionnel des personnes participant aux missions du service public de l’aide sociale à l’enfance et ne peuvent être divulguées.
En l'absence de réponse de l'administration à la date de sa séance, la commission déduit de ce qui précède qu'elle n'est pas compétente pour statuer sur le point 2) de la demande, qui porte spécifiquement sur des documents utilisés par le juge des enfants dans le cadre et pour le besoins de la procédure juridictionnelle. La commission n'est pas en mesure d'apprécier sa compétence pour donner un avis sur la communication des documents mentionnés au point 1).
En tout état de cause, la commission rappelle qu'en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs établis pendant la minorité d'une personne et qui la concernent directement ne sont communicables qu'à ses parents, s'ils n'ont pas été privés de l'autorité parentale, ou à ses autres représentants légaux, jusqu'à sa majorité, à moins que l'intérêt supérieur de l'enfant s'y oppose, conformément à l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, puis, à partir de sa majorité, uniquement à la personne concernée (cf avis CADA n°20123616 du 11 octobre 2012). En l'espèce, la commission relève que Monsieur X ne fait pas valoir ni n'établit être titulaire de l'autorité parentale, de sorte qu'il ne peut être regardé comme une personne intéressée au sens de l'article L311-6 précité.
La commission émet, en l'état des informations en sa possession, un avis défavorable sur ce point de la demande.