Avis 20195074 Séance du 25/06/2020

Communication du compte rendu de l’enquête sociale pour une information préoccupante déclarée le 18 décembre 2018 par l’établissement scolaire « La Chesnaie » situé à Seine-Port au sujet de ses deux enfants X, de la mère des enfants, Madame X, et de lui-même.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 octobre 2019, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de Seine-et-Marne à sa demande de communication du compte rendu de l’enquête sociale pour une information préoccupante déclarée le 18 décembre 2018 par l’établissement scolaire « La Chesnaie » situé à Seine-Port au sujet de ses deux enfants X, de la mère des enfants, Madame X, et de lui-même. En l'absence de réponse du président du conseil départemental de Seine-et-Marne à la date de sa séance, la commission relève que les services d’aide sociale à l’enfance sont chargés de trois grandes catégories de missions (art L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF)), en partie en lien avec le service de la protection maternelle et infantile (PMI) et le service départemental d’action sociale (art L. 226-1 du CASF) : - Ils ont un rôle de sensibilisation et d’information des personnes pouvant être concernées par des mineurs en danger ou en risque de l’être. Le président du conseil départemental est chargé de la centralisation de toutes les informations préoccupantes relatives à la situation d’un mineur au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). L’information transmise doit permettre l’évaluation de la situation du mineur, la mise en œuvre d’éventuelles actions de protection dont lui et sa famille pourraient bénéficier, voire le signalement à l’autorité judiciaire ; - Ils développent des missions préventives auprès des mineurs et de leurs familles, soit individuelles, soit collectives (prévention spécialisée) ; - Ils pourvoient aux besoins des mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. À des fins de prévention individuelle et de protection, différentes prestations d’aide sociale à l’enfance sont précisément définies aux articles L. 222-1 à L. 222-7 du CASF. Elle rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, "quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions." La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux. (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015) Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au Procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, Procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. Le régime de communication des documents administratifs mentionnés ci-dessus est inchangé. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître que l'enfant les met gravement en cause. Enfin, la commission rappelle que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant un refus de communication. En l'état des informations dont elle dispose, la commission comprend que la demande porte sur des documents administratifs. Elle émet, par suite, un avis favorable à la communication à Monsieur X du compte rendu sollicité, le cas échéant après occultation des mentions dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée de tiers, révèlerait le comportement de tiers d'une manière qui pourrait leur porter préjudice ou serait contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. La commission précise que la mère des enfants de Monsieur X, Madame X compte parmi les tiers visés par ces réserves. Elle précise que si l'ampleur des occultations devait priver de sens un document, sa communication pourrait dès lors être refusée.