Avis 20194525 Séance du 12/03/2020

Communication de la copie du rapport d'évaluation d'information préoccupante relatif à son fils X, à la suite de la saisie du procureur de la République.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 septembre 2019, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône à sa demande de communication de la copie du rapport d'évaluation d'information préoccupante relatif à son fils X, à la suite de la saisie du procureur de la République. La commission comprend que la situation du fils mineur de Monsieur X a fait l'objet d'un signalement par les services de l'aide sociale à l'enfance au procureur de la République territorialement compétent le 13 août 2019, et que le document d'évaluation d'information préoccupante, produit le 17 juillet 2019, a été transmis dans ce cadre à l'autorité judiciaire. La commission relève que les services d’aide sociale à l’enfance sont chargés de trois grandes catégories de missions (article L221-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF)), en partie en lien avec le service de la protection maternelle et infantile (PMI) et le service départemental d’action sociale (article L226-1 du CASF) : - ils ont un rôle de sensibilisation et d’information des personnes pouvant être concernées par des mineurs en danger ou en risque de l’être. Le président du conseil départemental est chargé de la centralisation de toutes les informations préoccupantes relatives à la situation d’un mineur au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). L’information transmise doit permettre l’évaluation de la situation du mineur, la mise en œuvre d’éventuelles actions de protection dont lui et sa famille pourraient bénéficier, voire le signalement à l’autorité judiciaire ; - ils développent des missions préventives auprès des mineurs et de leurs familles, soit individuelles, soit collectives (prévention spécialisée) ; - ils pourvoient aux besoins des mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. À des fins de prévention individuelle et de protection, différentes prestations d’aide sociale à l’enfance sont précisément définies aux articles L222-1 à L222-7 du CASF. Elle rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le CASF et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. Au regard des informations dont elle dispose, la commission considère que le document sollicité est donc en principe communicable à la personne concernée ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-5, L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, de la disjonction des pièces ou de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente, à la protection de la vie privée d’autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La commission estime que l'identification de l'auteur d'un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu'il ne s'agit pas d'un agent d'une autorité administrative, agissant dans l'exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d'un signalement à l'un des parents de l'enfant n'est donc permise par le code des relations entre le public et l'administration que dans le cas où aucune des mentions qu'il comporte n'est susceptible de permettre d'en identifier l'auteur, s'il ne s'agit pas d'un agent d'une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d'un tiers, y compris l'autre parent. La commission rappelle également qu'en vertu du h du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables, les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi. La commission considère que le secret professionnel auquel est tenue, par l'article L221-6 du code de l'action sociale et des familles, toute personne participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance, sous les réserves prévues par cet article et par les articles L221-3, L226-2-1 et L226-2-2 du même code, est au nombre des secrets protégés par la loi. Sous ces réserves, la commission émet un avis favorable à la demande.