Avis 20192372 Séance du 28/11/2019

Communication, sous format électronique par courriel ou à défaut sous format papier, des documents relatifs à la décision de recours aux forces armées Sentinelle le samedi 23 mars 2019 à Paris en soutien aux forces de police et de gendarmerie réprimant les manifestations prévues : 1) les réquisitions écrites du ministre de l’intérieur et du préfet de police à l’autorité militaire définissant de manière très précise l’usage demandé des forces armées et l’usage des armes pour ce samedi 23 mars 2019 ; 2) la confirmation écrite de l’autorité militaire ; 3) les instructions du Premier ministre, du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur, du préfet de police de Paris, régissant le dispositif Sentinelle et son utilisation pour les années 2018 et 2019, et pour le samedi 23 mars 2019 ; 4) la convocation et l'ordre du jour du conseil de défense et de sécurité nationale et la décision du chef des armées de mise en œuvre de la force armée Sentinelle le samedi 23 mars 2019 à Paris.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 mai 2019, à la suite du refus opposé par le Premier ministre à sa demande de communication, sous format électronique par courriel ou à défaut sous format papier, des documents relatifs à la décision de recours aux forces armées Sentinelle le samedi 23 mars 2019 à Paris en soutien aux forces de police et de gendarmerie réprimant les manifestations prévues : 1) les réquisitions écrites du ministre de l’intérieur et du préfet de police à l’autorité militaire définissant de manière très précise l’usage demandé des forces armées et l’usage des armes pour ce samedi 23 mars 2019 ; 2) la confirmation écrite de l’autorité militaire ; 3) les instructions du Premier ministre, du ministre de la défense, du ministre de l’intérieur, du préfet de police de Paris, régissant le dispositif Sentinelle et son utilisation pour les années 2018 et 2019, et pour le samedi 23 mars 2019 ; 4) la convocation et l'ordre du jour du conseil de défense et de sécurité nationale et la décision du chef des armées de mise en œuvre de la force armée Sentinelle le samedi 23 mars 2019 à Paris. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le secrétaire général du Gouvernement a informé la commission, d'une part, que l'instruction interministérielle n° 10100/SGDSN/PSE/PSN/NP du 14 novembre 2017 relative à l'engagement des armées sur le territoire national lorsqu'elles interviennent sur réquisition de l'autorité civile fait l'objet d'une publication en ligne sur le site internet circulaires.gouv.fr et, d'autre part, que le document sollicité au point 2) n'existait pas, la réquisition, qui est exécutoire dès réception, n'appelant aucune réponse matérielle. La commission rappelle qu'en application du quatrième alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, « Le droit à communication ne s'exerce plus lorsque les documents font l'objet d'une diffusion publique ». Elle considère, par suite, que la demande est, en son point 3) dans cette mesure, irrecevable et qu'elle est sans objet en ce qu'elle porte sur le point 2). S'agissant, ensuite, des réquisitions de l'autorité civile adressées à l'autorité militaire relatives à la mise à disposition des forces armées, mentionnées au point 1) de la demande, le secrétaire général du Gouvernement a indiqué à la commission que ces réquisitions identifiaient notamment la zone nécessitant un renfort des forces militaires et précisaient la nature et l'effectif des moyens à employer et que ces mentions relevaient du secret de la défense nationale et de celui de la sécurité publique en précisant que l'opération Sentinelle est étroitement liée au plan Vigipirate. Il a également précisé que la convocation et l'ordre du jour du conseil de défense et de sécurité nationale, la décision du chef des armées de mise en œuvre de la force armée Sentinelle le samedi 23 mars 2019 à Paris, ainsi que les ordres d'opération émis par l'autorité militaire, relevaient des mêmes secrets. La commission rappelle qu'aux termes de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables les documents dont la communication porteraient atteinte « (...) b) Au secret de la défense nationale ; (...) d) A la sûreté de l’État, à la sécurité publique (...) ». La commission précise qu’aux termes de l’article L340-1 du code des relations entre le public et l’administration, elle est « chargée de veiller au respect de la liberté d'accès aux documents administratifs et aux archives publiques » . Elle est ainsi compétente pour rendre un avis, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sur la communication de documents administratifs couverts par le secret de la défense nationale (CE, 20 février 2012, Min. de la défense, n° 350382, Rec. Lebon p. 54). L'article R343-2 du code prévoit, par ailleurs, que « l'administration mise en cause est tenue, dans le délai prescrit par le président de la commission, de communiquer à celle-ci tous documents et informations utiles et de lui apporter les concours nécessaires. (...) ». La commission rappelle, en premier lieu, ainsi qu’elle l'a indiqué dans son avis n° 20153938 du 19 novembre 2015, qu'à moins que les informations dont elle dispose ne fassent apparaître que la communication du document, quelle que soit sa classification, porterait en tout état de cause atteinte au secret de la défense nationale, il lui appartient dans ce cadre de vérifier qu'avant que ne soit refusée la communication du document sollicité, qui ne serait possible qu'après déclassification par l'autorité compétente, celle-ci s'est assurée que le maintien de la classification est justifié et en particulier qu’une déclassification partielle du document ne peut être réalisée. La commission rappelle, en second lieu, qu’elle a précisé dans son avis n° 20124117 du 10 janvier 2013, qu’elle se prononce alors au vu, notamment, de tout élément d'information que l'administration destinataire de la demande lui communique dans des formes préservant le secret de la défense nationale, de façon à lui permettre d'émettre son avis en connaissance de cause sans porter directement ou indirectement atteinte à ce secret. Dans le cas où, estimant que la communication d'un document classifié ne porterait atteinte ni au secret de la défense nationale, ni à un autre intérêt protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la commission émettrait un avis favorable à la demande, il appartiendrait à cette administration d’engager les procédures nécessaires en vue de la déclassification, totale ou partielle, de ce document par l'autorité compétente. En l'espèce, la commission estime qu'eu égard à leur objet, les documents sollicités aux points 3), autres que l'instruction ministérielle publiée s'ils existent, et 4) sont en tout état de cause couverts par le secret de la défense nationale ainsi que le cas échéant, de la sécurité publique, et qu'ils ne sont donc communicables qu'à l'expiration d'un délai de cinquante ou cent ans fixé au 3° du I de l'article L213-2 du code du patrimoine et au deuxième alinéa du 5° de ce I. Elle émet par suite un avis défavorable sur ces points.