Conseil 20186188 Séance du 24/01/2019
Caractère communicable, au regard du Règlement général sur la protection des données, des documents suivants :
1) les tables annuelles et décennales d'Etat civil produite par les communes, consultables par toute personne dès leur clôture en application de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ;
2) l'entière liste des prénoms des enfants nés dans la commune dans l'année (issue de la table annuelle, respectant ainsi l'article L311-7 du CRPA).
la possibilité de publication des documents visés aux points 1) et2).
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 janvier 2019 votre demande de conseil relative :
1) au caractère communicable, au regard du Règlement général sur la protection des données (RGPD), des documents suivants :
a) les tables annuelles et décennales d'Etat civil produites par les communes, consultables par toute personne dès leur clôture en application de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives ;
b) l'entière liste des prénoms des enfants nés dans la commune dans l'année (issue de la table annuelle) ;
2) ainsi que sur la possibilité de publication en ligne des documents visés aux points 1) et 2).
I. Sur le caractère communicable des tables annuelles et décennales d'état civil
La commission rappelle que les documents concernés ont été dressés en application du décret n° 51-284 du 3 mars 1951 relatif aux tables annuelles et décennales de l'état civil, remplacé par le décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil. Le décret du 3 mars 1951 prévoit qu'il est établi, tous les ans, dans chaque commune, une table alphabétique des actes de l'état civil pour les naissances, les mariages et les divorces, ainsi que les décès. L'instruction générale relative à l'état civil, périodiquement mise à jour et complétée, précise dès sa première version datée du 21 septembre 1955, que sur le registre des actes de naissance « figurent également les actes de reconnaissance et les transcriptions des jugements relatifs à la naissance et à la filiation, ainsi que les procès-verbaux de découverte des enfants-nouveaux-nés ». A l’aide de ces tables annuelles, l’officier de l’état civil dresse ensuite, dans les six premiers mois de la onzième année, des tables alphabétiques décennales qui recensent les mêmes actes par ordre alphabétique sur toute la période. Ces tables se présentent sous la forme de registres indépendants des registres d’état civil et ne mentionnent en principe que les noms des personnes concernées et la date de l’acte.
La commission rappelle que la nature et le contenu des tables annuelles et décennales en font des documents administratifs dont la communication est régie par les dispositions du titre I du livre III du code des relations entre le public et l'administration. (conseil n° 20103032 et CE 9 février 1983, X, n° 35292). Leur communication n'est donc pas soumise à l'autorisation du procureur de la République, à la différence des actes d’état civil, qui revêtent une nature judiciaire.
Elle précise également qu'elle a estimé, à la lumière de l'exposé des motifs du projet de loi qui devait devenir la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, que le législateur avait entendu instaurer la libre communicabilité, dès leur établissement, non seulement des registres de décès, mais également des tables décennales de naissance, de mariage et de décès, et en a déduit que les tables décennales étaient librement communicables à toute personne qui en fait la demande dès leur établissement.
La commission constate que si, avant l'intervention du décret du 6 mai 2017, les tables ne devaient mentionner que la date de l’acte de naissance, et le nom de la personne, la pratique montre que la tenue de ces documents n'était pas homogène et que les services ne se limitaient pas nécessairement aux informations prévues par la réglementation. Il n'est ainsi pas rare que les services de l'état civil apposent sur les tables de naissance des mentions relatives à la filiation par une abréviation ou les noms et prénoms des parents.
La commission souligne que les mentions relatives à la filiation d'une personne relèvent de sa vie privée et qu'il ne peut être déduit des dispositions de la loi du 15 juillet 2008 que le législateur a entendu que des informations autres que celles qu'il a expressément mentionnées, à savoir le nom et la date de l'acte, soient communicables sans délai aux tiers.
La commission précise en conséquence que les tables annuelles et décennales sont, dès leur élaboration, librement communicables à toute personne qui les demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, à condition qu'elles ne comprennent pas d'autres informations personnelles que le nom des personnes concernées et la date ou le numéro de l'acte.
Les autres mentions, s'il en existe, qui relèvent de la vie privée des personnes intéressées, ne sont communicables qu'à ces dernières chacune en ce qui la concerne en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et ne deviendront librement communicables, en application du 3° de l'article L213-2 du code du patrimoine, qu'à l'issue d'un délai de 50 ans à compter du dernier acte qui y est transcrit.
Il appartient, dès lors, en application de l'article L311-7 du même code, à l'administration d'occulter ces mentions avant de communiquer les tables aux tiers.
II. Sur la conciliation entre le code des relations entre le public et l'administration et le RGPD
S'agissant ensuite de la conciliation du droit d’accès aux documents administratifs avec l’obligation faite aux administrations de veiller à la protection des données personnelles que ceux-ci sont susceptibles de contenir conformément au règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit règlement général sur la protection des données « RGPD »).
La commission rappelle que la consultation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition portant sur des données à caractère personnel constituent un traitement de données au sens de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (« loi CNIL ») et de l’article 4 du RGPD. Une administration répondant à une demande d’accès à un document administratif contenant des données de cette nature doit ainsi être regardée comme un responsable de traitement. Ainsi que la CNIL l'a précisé, l'administration est toutefois dispensée de requérir, avant toute communication ou publication, le consentement préalable des personnes concernées, en principe exigé par l'article 7 de la loi CNIL et l'article 6 du RGPD, dès lors qu'il s'agit, pour elle, de respecter l'obligation légale de procéder à la communication de documents administratifs découlant du livre III du code des relations entre le public et l'administration ou, le cas échéant, d'autres dispositions législatives particulières, telles que, par exemple, l'article L2121-26 du code général des collectivités territoriales.
Ceci étant posé, l'entrée en vigueur du RGPD n'a pas entraîné de modification des dispositions du code des relations entre le public et l'administration relatives au droit d'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles, ainsi que le prévoit d'ailleurs l'article 86 du RGPD aux termes duquel : « Les données à caractère personnel figurant dans des documents officiels détenus par une autorité publique ou par un organisme public ou un organisme privé pour l'exécution d'une mission d'intérêt public peuvent être communiquées par ladite autorité ou ledit organisme conformément au droit de l'Union ou au droit de l'État membre auquel est soumis l'autorité publique ou l'organisme public, afin de concilier le droit d'accès du public aux documents officiels et le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement. ».
A cet égard, la commission rappelle le cadre juridique général applicable à l'accès aux documents administratifs comportant des données personnelles. Elle considère que si ces données relèvent de la vie privée des personnes concernées, elles ne peuvent être communiquées à des tiers et ne seront donc pas non plus publiables, en application de l'article L311-6 du CRPA, ou des principes non écrits issus de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 10 mars 2010 n° 303814 Commune de Sète.
Il résulte de ces dispositions que des documents comportant des données personnelles ne peuvent être publiés en ligne que s'ils ont fait l'objet d'un traitement permettant de rendre impossible l'identification de ces personnes, ou dans les trois hypothèses suivantes :
- si une disposition législative autorise une telle publication sans anonymisation : il résulte de ce qui a été dit plus haut qu'une disposition législative qui se bornerait à prévoir l'affichage d'un document ne permet pas de publier un document comportant des données personnelles sans anonymisation ;
- si les personnes intéressées ont donné leur accord ;
- si les documents figurent dans la liste prévue par le décret mentionné au deuxième alinéa de l'article L312-1-2 du CRPA.
Sur ce dernier point, la commission relève que le nouvel article D312-1-3 de ce code, créé par le décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018 relatif aux catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l'objet d'un processus d'anonymisation, dispose que : « Les documents et informations mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 et qui sont communicables ou accessibles à toute personne, sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 et d'autres dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, peuvent être rendus publics sans avoir fait l'objet du traitement prévu au deuxième alinéa de l'article L. 312-1-2, lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories suivantes : (...) 9° Les documents administratifs conservés par les services publics d'archives et les autres organismes chargés d'une mission de service public d'archivage : a) lorsqu'ils sont librement communicables en application des articles L. 213-1 et L. 213-2 du code du patrimoine, sauf lorsqu'ils comportent des données mentionnées au I de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ou des données relatives aux condamnations pénales, aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes au sens de l'article 9 de la même loi ; (...) ».
La commission estime donc, au vu notamment de l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans sa délibération n° 2018-101 du 15 mars 2018, que par ces dispositions, le Gouvernement a entendu exclure explicitement du champ d'application de ce décret les mentions non occultées relevant des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
Dès lors elle considère qu'il y a bien lieu d'occulter des tables annuelles et décennales d'état civil, avant leur publication en ligne, les mentions relevant de la vie privée des personnes, dans les conditions mentionnées au point I) du présent conseil.