Conseil 20185928 Séance du 24/01/2019

Caractère communicable aux administrés et pour un usage non commercial des données sollicitées suivantes : 1) l'adresse d’une personne inscrite sur une liste électorale ; 2) les noms et adresses des propriétaires de parcelle figurant sur le cadastre.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 janvier 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable aux administrés et pour un usage non commercial des données sollicitées suivantes: 1) l'adresse d’une personne inscrite sur une liste électorale ; 2) les noms et adresses des propriétaires de parcelle figurant sur le cadastre. I. S’agissant de l’adresse d’une personne inscrite sur une liste électorale La commission rappelle, en premier lieu, que la communication intégrale des listes électorales est régie par les dispositions particulières des articles L28 et R16 du code électoral, qui prévoient que ces listes sont communicables à tout candidat, parti ou groupement politique ainsi qu’à tout électeur, quel que soit le lieu où il est inscrit. La commission rappelle, en deuxième lieu, qu'en dehors des partis, candidats et groupements politiques, seuls les électeurs peuvent se voir communiquer les listes électorales. Pour en obtenir communication, le demandeur doit donc prouver qu'il a cette qualité. La commission estime, dans le silence des textes, que la preuve de la qualité d’électeur peut se faire par tout moyen, sans qu’il y ait lieu d’exiger la production d’un titre d’identité ou de la carte d’électeur. Elle considère qu’une attestation sur l’honneur peut suffire, dès lors que le demandeur produit les éléments permettant à l’administration de vérifier l’effectivité de son inscription sur une liste électorale, à savoir ses nom et prénom(s) et le nom de la commune où il allègue être inscrit. La commission rappelle, par ailleurs, que les dispositions du troisième alinéa de l’article R16 du code électoral subordonnent la possibilité pour tout électeur de prendre copie des listes électorales à son engagement de ne pas en faire un usage purement commercial. La commission estime qu’un engagement pris par écrit suffit en principe, qu’il ait été pris dans un courriel ou dans un courrier sous format papier. La commission relève néanmoins qu'il résulte de la décision n° 388979 du Conseil d'Etat du 2 décembre 2016, que la collectivité saisie d'une telle demande dispose de la faculté de solliciter du demandeur la production d'éléments complémentaires susceptibles d'éclairer ses intentions et peut, si elle estime, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, qu'il existe des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial, opposer un refus de communication de la liste électorale. La commission rappelle, en outre, que le caractère purement commercial ou non de l’usage des listes s’apprécie au regard de l’objet de la réutilisation envisagée et de l’activité dans laquelle elle s’inscrit, de la forme juridique retenue par le réutilisateur pour poursuivre cette activité, l'existence ou l'absence de ressources tirées de cet usage constituant à cet égard de simples indices. Doivent être regardées comme purement commerciales non seulement la commercialisation des données elles-mêmes, le cas échéant après retraitement, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif. La commission relève, enfin, qu'à compter du 1er janvier 2019, les dispositions des articles L28 et R16 du code électoral seront remplacées par celles de l'article L37, issu de l'article 16 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales. L'article L37 disposera, dans sa nouvelle rédaction, que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. / Tout candidat et tout parti ou groupement politique peuvent prendre communication et obtenir copie de l'ensemble des listes électorales des communes du département auprès de la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. » La commission constate que le législateur a ainsi étendu l’exigence d’un engagement d’un usage conforme des listes électorales au code électoral aux candidats et groupements ou partis et que cet engagement porte sur l'absence d'usage « commercial », et non plus seulement d'usage « purement commercial ». La loi a également donné sa pleine portée à ce dispositif préventif en l’assortissant de mesures répressives, puisque l'usage commercial d'une liste électorale pourra désormais être puni d'une amende de 15 000 €. La commission précise que la suppression de l'adverbe « purement » n'aura pas pour effet de la conduire à infléchir ou modifier sa doctrine, dès lors qu'elle regarde déjà comme purement commerciales non seulement la commercialisation des listes elles-mêmes, le cas échéant après retraitement, mais aussi leur utilisation dans le cadre d’une activité à but lucratif, et qualifie également d’usage purement commercial, au sens de véritablement commercial, les usages mixtes qui peuvent en être faits (par exemple, pour l’organisation d’une consultation populaire sur le maintien de la licence d’armateur délivrée à une société d’exploitation de ferrys, conseil n° 20094400 du 22 décembre 2009), seules les activités non commerciales pour le tout, comme le démarchage politique (avis n° 20071983 du 24 mai 2007) ou des actions d’intérêt général (conseil n° 20064862 du 9 novembre 2006) échappant à cette qualification. La commission rappelle, par ailleurs, que la communication de ces listes au profit de personnes morales recherchant les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie en déshérence, telles que des compagnies d'assurance, n’est donc pas possible, dès lors qu'elles ne sont pas au nombre des personnes morales mentionnées à l'article L28 du code électoral (conseil n° 20160214 du 3 mars 2016). La commission considère que, dans l’hypothèse où la communication, en tout ou partie, des listes électorales serait demandée, pour le même motif et pour le compte d’une telle personne morale, par un électeur, sur le fondement de l’article L28, les dispositions de l’article R16 s’opposeraient également à cette communication, la recherche d’un bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie s’inscrivant dans le cadre de l’activité commerciale de ces entreprises et n’étant pas au nombre des utilisations de la liste électorale permises par le code électoral, en dépit de l’intérêt général qui s’attache à ce que de tels contrats ne demeurent pas en déshérence (conseil n° 20160214 du 3 mars 2016). La commission estime que les listes électorales ne peuvent pas non plus être communiquées à des généalogistes professionnels, dès lors que l’emploi des listes électorales, qui facilite la recherche des héritiers d’une succession dans le cadre des contrats de révélation conclus par les généalogistes professionnels, participe nécessairement à l’exercice de l’activité de ces derniers, qui présente un but exclusivement lucratif (conseil n° 20091074 du 2 avril 2009). En l'espèce, la commission relève que les demandes dont vous faites état, qui portent uniquement sur certaines mentions figurant sur les listes électorales, pourraient être qualifiées de demandes de renseignements, auxquelles le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre et sur lesquelles la commission n'est pas compétente pour se prononcer. Elles pourraient toutefois également s'analyser comme des demandes de communication partielle des listes électorales, à laquelle les articles L28 et R16 du code électoral n'ont pas entendu faire obstacle. II. S’agissant des noms et adresse des propriétaires de parcelle figurant sur le cadastre : La commission rappelle que les données cadastrales relatives à une commune figurent, d'une part, sur le plan cadastral, document graphique souvent décomposé en feuilles et pages sur lequel sont reportés les numéros et limites des parcelles sans aucune indication nominative, d'autre part, sur les matrices cadastrales, document littéral qui regroupe l'ensemble des relevés de propriété à savoir, pour chaque propriétaire, son adresse, la date et lieu de naissance, le cas échéant le nom de son conjoint, la liste des parcelles situées sur le territoire de la commune lui appartenant, identifiées par leur numéro et leur adresse, le cas échéant la description du bâti par unité d'évaluation, ainsi que les principaux éléments ayant concouru à l'établissement de la taxe foncière et les éventuelles causes d'exonération de cette taxe. Toute personne, qu'elle soit ou non propriétaire d'une parcelle sur le territoire de la commune, tire de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration a le droit d'obtenir communication, sous l'une des formes matériellement possibles, de tout ou partie des plans cadastraux. S'agissant plus précisément des matrices cadastrales et des relevés de propriété, l’accès des tiers aux matrices cadastrales est désormais régi par les dispositions de l’article L107 A du livre des procédures fiscales précisé par les articles R107 1-1 et suivants du même livre. Il en résulte que sont seuls communicables aux tiers les informations énumérées à cet article, à savoir les références cadastrales, l'adresse ou, le cas échéant, les autres éléments d'identification cadastrale des immeubles, la contenance cadastrale de la parcelle, la valeur locative cadastrale des immeubles, ainsi que les noms et adresses des titulaires de droits sur ces immeubles. En revanche, la date et le lieu de naissance du propriétaire, ainsi que, le cas échéant, les motifs d’exonération fiscale, doivent être occultés avant la communication. La commission note également que la communication des extraits de relevés cadastraux ne saurait être, eu égard à ces dispositions, que « ponctuelle ».