Conseil 20184823 Séance du 11/10/2018

Examen du projet de décret relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires pris en application de l’article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance.
En réponse à votre saisine reçue le 14 septembre 2018, la Commission d’accès aux documents administratifs a examiné au cours de sa séance du 11 octobre 2018 le projet de décret pris pour l'application de l'article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance, dans la version qui lui a été transmise le 27 septembre 2018 et dans la limite des domaines qui relèvent de sa compétence. La commission relève que l'article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 a, d'une part, modifié l'article L312-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) afin de préciser que les instructions et circulaires qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, sont réputées abrogées si elles n’ont pas été publiées. Une telle disposition, qui était prévue à l’article R312-8 du CRPA pour les seuls actes ministériels de cette nature, sera donc désormais applicable à l’ensemble des actes de l’administration, que ce soit les administrations de l’État, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale etc. L'article 20 a, d'autre part, consacré à l'article L312-3 un droit à l’opposabilité, au profit des administrés, des circulaires émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. Toute personne pourra se prévaloir de l’interprétation, même erronée, d’une règle, opérée par ces documents administratifs, pour son application à une situation qui n’affecte pas les tiers, aussi longtemps que cette interprétation n’aura pas été modifiée. Ce droit à se prévaloir de la doctrine administrative ministérielle régulièrement publiée est écarté dans le cas où il heurte l’application de règles destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la préservation de la santé et de l’environnement. La commission approuve les orientations générales du projet, qui tendent à faciliter l’accès du public aux instructions et circulaires. Elle émet les observations et recommandations suivantes. - observations générales : La commission relève que le régime de publicité des circulaires organisé par les articles L312-2 à D312-11 du CRPA qui tend à faciliter l’accès du public à ces documents en imposant leur publication et diffusion, multiplie les supports de diffusion (site internet relevant du Premier ministre, sites ministériels de l’article R312-10, sites ministériels listés à l’article D312-11) et les effets de l’absence de publication ou de diffusion (abrogation, inapplicabilité), conférant une impression de complexité du mécanisme allant à l’encontre du but recherché. Elle suggère que les dénominations des documents concernés, les supports de diffusion et les effets liés à l’absence de publicité dans un délai de 4 mois soient harmonisés afin de rendre la lecture du dispositif plus simple. La commission observe également que, parmi les dispositions des articles R312-5 à R312-9 du CRPA, l'article R312-5 précise que la publication des circulaires émanant des administrations centrales de l'Etat s'effectue, sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6 du même code, c'est à dire sous réserve de l'occultation préalable des secrets protégés par ces dispositions. Elle s’interroge sur la pertinence de la reprise de cette mention, qui ne lui parait pas utile et pourrait donner lieu à une interprétation par « a contrario », alors que, selon l'article L312-1-2 du CRPA : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L312-1 ou L312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions. ». Or, selon la doctrine de la commission, des dispositions qui régissent les modalités de la publication de documents administratifs, sans édicter de dérogation expresse à l’article L312-1-2, ne peuvent pas être regardées comme des « dispositions contraires » au sens de cet article. Il s’en déduit que la réserve de l’ancien article R312-3 est désormais inutile. La commission suggère donc de supprimer les termes « sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6 » au nouvel article R312-5 du CRPA. - sur l'article 1er : L'article R312-4 du CRPA, dans sa rédaction issue du projet de décret, précise l'article 20 de la loi du 10 août 2018, en fixant à quatre mois à compter de leur signature, le délai au terme duquel les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées. La commission s'interroge, en premier lieu, sur la détermination de la date à partir de laquelle les circulaires et instructions des administrations autres déjà signées mais non publiées seront réputées abrogées. En comparaison, l'article 2 du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008, qui avait prévu que les circulaires et instructions émanant des administrations d'Etat déjà signées sont « réputées abrogées » si elles n’ont pas été reprises sur le site internet circulaire.gouv.fr, avait fixé aux administrations la date butoir au 1er mai 2009. Le Conseil d’État (CE 16 avril 2010 n° 279817 aux tables) a jugé qu'une circulaire ministérielle qui n’a pas été publiée sur le site www.circulaire.gouv.fr à la date du 1er mai 2009, « doit être regardée comme abrogée à compter du 1er mai 2009 » et que la remise en ligne de ce texte n’a « pas eu pour effet de la remettre en vigueur ». Si la commission relève que la notice du décret prévoit que celui-ci entre en vigueur le lendemain de sa publication, elle s’interroge sur le sort des circulaires signées plus de quatre mois avant l'entrée en vigueur du décret. La commission estime que la clarification de ce point serait de nature à sécuriser le dispositif. En second lieu, compte tenu de l'existence du mécanisme d’abrogation automatique au bout de 4 mois prévu par la loi, et de la reprise des dispositions de l’article actuel R312-8 devenant l’article R312-9 selon lequel, pour les circulaires émanant des ministres,: « Une circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n'est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun cas s'en prévaloir à l'égard des administrés. », la commission comprend que les règles en matière d’inapplicabilité, reprises de l’ancien article R312-8, ne trouvent désormais à s’appliquer que dans les quatre mois qui suivent la signature d’une circulaire. La commission observe, ce faisant, que le sens du dispositif peut ne pas être immédiatement perceptible par le lecteur du texte. - sur l'article 2 : Dans le même objectif de simplification et de meilleure accessibilité de ces documents, la commission s'interroge sur la pertinence de maintenir l'existence de sites internet particuliers prévus tant par l’arrêté mentionné à l’article R312-10 que par l’article D312-11 nouveaux. En particulier, elle s’interroge sur les conséquences qui pourraient découler de la publication sur l’un des sites mentionnés à cet article R312-10 d’une circulaire qui n’aurait pas été publiée sur l’un des sites mentionnés à l’article D312-11, situation pouvant théoriquement se produire si la liste des sites retenus par l’arrêté du Premier ministre prévu à l’article R312-10 était différente de celle de l’article D312-11.La commission mentionne également l’intérêt que présenterait la codification de l’arrêté du Premier ministre prévu à l’article 312-10, pour l’accès du public au droit.