Conseil 20183664 Séance du 25/10/2018

Un patient placé sous curatelle pour les actes administratifs mais responsable quant aux décisions thérapeutiques et de soins, peut-il mandater une autre personne que son curateur pour accéder à son dossier médical.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 25 octobre 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable à un tiers, justifiant d'un mandat, du dossier médical d'une personne majeure, placée sous curatelle, mais restant capable de prendre des décisions en matière médicale. La commission relève, d'une part, que le premier alinéa l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé détenues par des professionnels ou des établissements de santé, « directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne ». La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L1111-7 , issue de l’article 189 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, précise, afin de mieux prendre en compte la situation des majeurs protégés, que : « Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique, la personne en charge de l'exercice de la mesure, lorsqu'elle est habilitée à représenter ou à assister l'intéressé dans les conditions prévues à l'article 459 du code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions. ». Aux termes de l'article 459 du code civil : « Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet./ Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l'intéressé./Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée./ La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l'intéressé. Elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué ». La commission rappelle, d'autre part, que l’article L1111-2 du code de la santé publique autorise l'exercice par le tuteur du droit à l’information médicale garanti, ce qu'elle a interprété comme permettant au tuteur d’accéder au dossier médical de la personne sous tutelle (conseil n° 20053559 du 6 octobre 2005). Dès lors, toutefois, que le même code ne comportait aucun droit d'accès à l’information médicale ou au dossier médical au profit du curateur, la commission a considéré, lors de l’examen de la même demande de conseil, que le curateur ne pouvait pas prétendre exercer de plein droit le droit d'accès de sa pupille à son dossier médical, sauf si cette dernière lui a délivré un mandat exprès en ce sens. Le Conseil d’État (CE 26 septembre 2005 Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, mentionné aux Tables) a en effet interprété les dispositions des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique comme n'excluant pas la possibilité pour le patient de recourir à un mandataire pour accéder à ces informations, dès lors que ce dernier peut justifier de son identité et dispose d'un mandat exprès, c'est-à-dire dûment justifié. La commission a considéré, dans son conseil n° 20163641 du 15 septembre 2016, que, si les dispositions de l’article 459 du code civil visent à la fois des mesures de tutelle et de curatelle, la loi du 26 janvier 2016 n’est pas venue modifier les dispositions de l’article L1111-2 du code de la santé publique afin que le droit d'accès garanti au patient sous curatelle soit exercé par le curateur dans les mêmes conditions que pour les tuteurs concernant les personnes sous tutelle. Elle en a déduit que les nouvelles dispositions de l'article L1111-7 du code de la santé publique résultant de la loi du 26 janvier 2016 n’instauraient pas au profit du curateur du majeur protégé un nouveau droit d’accès au dossier médical de sa pupille, sauf mandat exprès, le dossier médical n’étant communicable qu'au seul majeur protégé sous curatelle en application du II de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et de l'article L1111-7 du code de la santé publique. Dans son conseil n° 20174995 du 14 décembre 2017, la commission a relevé que l’article 211 de la loi 26 janvier 2016 avait habilité le gouvernement à adopter, par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de cette loi, les mesures législatives permettant de mieux articuler les dispositions du code civil et du code de la santé publique relatives aux conditions dans lesquelles peut s'exprimer la volonté des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection juridique pour toute décision relative à un acte médical. La commission constate qu'aucune ordonnance n'a été prise dans ce délai. Dès lors, la commission estime que le curateur ne bénéficie ni d'un accès exclusif, ni même d'un accès de plein droit au dossier médical de la personne majeure qu'il a reçu pour mission de protéger en l'absence d'une décision du juge ou du conseil de famille en ce sens. Elle considère en revanche qu'une personne majeure faisant l'objet d'une mesure de curatelle conserve la faculté de donner mandat à un tiers, dans les conditions de droit commun, pour prendre connaissance des informations médicales en rapport avec ce mandat. La commission souligne qu'il appartient à l'autorité administrative saisie sur le fondement des articles L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, L1111-2 du code de la santé publique et L1111-7 du même code de s'assurer que ce tiers justifie de ce mandat et de sélectionner, en application du principe de proportionnalité, les informations du dossier médical susceptibles de lui être communiquées.