Conseil 20183603 Séance du 20/12/2018

Caractère communicable au fils d'une patiente décédée, de l'intégralité du dossier médical de sa mère, sachant que dans une première demande, sa motivation, à savoir « connaître les causes de la mort », avait déjà entraîné la communication d'une partie du dossier et que dans cette seconde demande c'est la motivation « défendre la mémoire du patient » qui est évoquée afin d'obtenir l'intégralité du dossier et notamment de connaître « l'identité de la personne qui a donné l'ordre de débrancher sa mère sans prévenir la famille ».
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 20 décembre 2018, votre demande de conseil relative au caractère communicable à son fils, en tant qu'ayant droit, de l’intégralité du dossier médical de son ascendant direct décédé, au motif de « défendre sa mémoire », une communication partielle ayant été effectuée à la suite de sa première demande dans le même sens, motivée par le souhait de « connaître les causes de la mort » (compte-rendu d’hospitalisation et copie de trois électro-encéphalogrammes en service de réanimation). Le demandeur indique en particulier vouloir connaître « l'identité de la personne qui a donné l'ordre de débrancher sa mère sans prévenir la famille ». D’une part, la commission relève qu’il résulte des dispositions des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 4 mars 2002 dont elles sont issues, que le législateur a entendu autoriser la communication aux ayants droit d'une personne décédée des seules informations nécessaires à la réalisation de l'objectif poursuivi par ces ayants droit, à savoir la connaissance des causes de la mort, la défense de la mémoire du défunt ou la protection de leurs droits (CE, 26 sept. 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270235). Doivent, à cet égard, être regardés comme des ayants droit au sens de ces dispositions les successeurs légaux et testamentaires du défunt, dont ses enfants. D’autre part, la commission vous rappelle qu’il résulte des dispositions des articles L1110-1, L1110-2, L1110-5, L1110-5-1, L1110-5-2 et L1111-4 du code de la santé publique, telles qu’interprétées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, que la décision du médecin d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre un traitement traduisant une obstination déraisonnable, conduisant au décès d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté, doit être notifiée à la personne de confiance désignée par celui-ci ou, à défaut, à sa famille ou ses proches, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile, ce qui implique en particulier que le médecin ne peut mettre en œuvre cette décision avant que les personnes concernées, qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un recours, n’aient pu le faire ou obtenir une décision de sa part (CE, 6 décembre 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC), n° 403944, Rec. p. 351). La commission en déduit que les ayant-droits d’une personne décédée sont fondés à demander, sur le fondement des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, et au titre de la protection de leurs droits, l’accès à des documents de nature à établir la méconnaissance éventuelle de la procédure prévue par les articles L1110-1, L1110-2, L1110-5, L1110-5-1, L1110-5-2 et L1111-4 du code de la santé publique. En l’espèce, la commission estime que les motifs tirés de la connaissance des causes de la mort ou de la défense de la mémoire du défunt, à la différence de ceux relevant de la protection des droits des ayants droit, ne permettent pas d’accéder aux informations permettant d’établir les conditions dans lesquelles ont été décidées, le cas échéant, la limitation ou la cessation des traitements médicaux, ainsi que l’interruption de l’alimentation et de l’hydratation artificielles du défunt en raison d’une situation d’obstination déraisonnable. La commission souligne que les dispositions de l’article L1110-4 du code de la santé publique subordonnent, en outre, l’accès au dossier médical à la condition que le défunt ne se soit pas opposé, de son vivant, à ce que les ayant droits aient accès à de telles informations après son décès. Lorsque l’ayant droit réunit les conditions précitées, la commission considère qu’il n’y a pas lieu de procéder à des occultations de l’identité du personnel médical concerné en vertu des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, dès lors, d’une part, que les dispositions des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique ne prévoient aucune réserve en ce sens, et, d’autre part, que ce personnel agit en tout état de cause dans l’exercice de ses missions de service public, lesquelles n’ouvrent pas droit à une protection au titre des 1° ou 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Dès lors, la commission vous suggère, au regard des deux précédentes demandes de l'intéressé et de l'objectif qu'il poursuit qui ne souffre pas d'ambiguïté, de requalifier la demande dont vous avez été saisi comme étant motivée par la protection de ses droits et, sous réserve que le défunt n’ait pas exprimé, de son vivant, d’opposition à ce que ses ayants droit accèdent aux informations relatives aux circonstances de sa mort, et notamment aux conditions dans lesquelles ont été décidées, le cas échéant la limitation ou la cessation des traitements médicaux, ainsi que l’interruption de son alimentation et de son hydratation artificielles, de lui communiquer les informations médicales en votre possession répondant à cet objectif.