Avis 20183236 Séance du 25/10/2018
Communication des rapports d'évaluation produits à la suite d'une information préoccupante relative à ses deux fils, X.
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 juin 2018, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de Seine-et-Marne à sa demande de communication des rapports d'évaluation produits à la suite d'une information préoccupante relative à ses deux fils, X.
La commission rappelle que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées :
1. L’ensemble des pièces qui composent ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur.
2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable.
3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun.
En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre de l'assistance éducative et du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le conseil départemental a indiqué que les enfants de Madame X font l’objet depuis début 2018 d’un jugement en assistance éducative et qu'une mesure d’accompagnement en milieu ouvert judiciaire (AEMO) a été mise en place. Il a également précisé que les rapports d'évaluation sont adressés au juge pour sa complète information, mais qu'ils n’ont pas été spécifiquement rédigés pour les besoins de la juridiction.
La commission en déduit que les documents n’ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d’une procédure judiciaire et qu'ils conservent donc un caractère administratif alors même qu’ils ont été transmis à l’autorité judiciaire. Ils sont donc en principe communicables à la personne directement concernée, ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, de la disjonction des pièces ou de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée d’autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent.
En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause.
Après avoir pris connaissance des documents sollicités, la commission considère que l'information préoccupante du 25 mai 2018 est communicable à l'intéressée dans son intégralité. L'information préoccupante du 24 mai 2018 n'est communicable, pour sa part, qu'après occultation des mentions relatives aux tiers autres que les agents agissant dans l'exercice de leurs compétences.
La commission émet donc un avis favorable sous ces réserves.