Avis 20181315 Séance du 28/06/2018

Communication des documents suivants concernant son client : 1) l'intégralité des pièces contenues dans son dossier administratif qui ont participé à la décision de lui retirer son habilitation d'accès à la zone d'accès réglementé de l'aéroport Bâle-Mulhouse ; 2) l'intégralité des pièces relatives à la perquisition qui a été menée à son domicile le 25 novembre 2015, à savoir l'ordre, la notification, le procès-verbal, ainsi que l'ensemble des éléments sur lesquels le préfet s'est basé pour décider cette mesure.
Maître X, conseil de X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 13 mars 2018, à la suite du refus opposé par le préfet du Haut-Rhin à sa demande de communication des documents suivants concernant son client : 1) l'intégralité des pièces contenues dans son dossier administratif qui ont participé à la décision de lui retirer son habilitation d'accès à la zone d'accès réglementé de l'aéroport Bâle-Mulhouse ; 2) l'intégralité des pièces relatives à la perquisition qui a été menée à son domicile le 25 novembre 2015, à savoir l'ordre, la notification, le procès-verbal, ainsi que l'ensemble des éléments sur lesquels le préfet s'est basé pour décider cette mesure. S’agissant des documents sollicités au point 1), la commission comprend que le préfet du Haut-Rhin a retiré l’habilitation permettant à X d’accéder à la zone réservée de l’aéroport Bâle-Mulhouse. Elle observe qu’aux termes de l’article L6342-3 du code des transports: « Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes (...) doivent être habilitées par l’autorité administrative compétente. / La délivrance de cette habilitation est précédée d’une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, (...) ». Par ailleurs, aux termes de l’article R213-3-1 du code de l’aviation civile : « (…) II. L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes (...) ». En l’absence de réponse du préfet du Haut-Rhin à la date de sa séance, la commission estime que ces documents administratifs sont communicables au demandeur, ou à son représentant, qui a la qualité d'intéressé au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte à l'un des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du même code, en particulier la sécurité publique et la sécurité des personnes, ainsi que la recherche et la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature, conformément aux d) et g) du 2° de l'article L311-5. S’agissant des documents sollicités au point 2), la commission, après avoir constaté que la perquisition a eu lieu le 25 novembre 2015, relève que le I de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, publiée au Journal officiel du 21 novembre 2015 et entrée en vigueur immédiatement, dispose que le ministre de l’intérieur et les préfets peuvent, si le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence le prévoient, « ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit (…), lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. / La décision ordonnant une perquisition précise le lieu et le moment de la perquisition. Le procureur de la République territorialement compétent est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent. Elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins (…) / La perquisition donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République. / Lorsqu'une infraction est constatée, l'officier de police judiciaire en dresse procès-verbal, procède à toute saisie utile et en informe sans délai le procureur de la République ». La commission estime qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 20 novembre 2015, en particulier l'avis du Conseil d’État sur le projet de loi, rendu public, et les débats de la commission des lois de l'Assemblée nationale à propos de l'amendement présenté par le Gouvernement, dont est issue la dernière phrase des dispositions citées ci-dessus, que les perquisitions menées dans le cadre de l’état d’urgence sont des opérations de police administrative, qui peuvent déboucher sur des opérations de police judiciaire lorsqu’une infraction est constatée ou qu’une personne est soupçonnée d’en avoir commis une. La commission en déduit que le procès-verbal dressé par l'officier de police judiciaire lorsqu'une infraction est constatée ne revêt pas le caractère d'un document administratif, mais celui d'une pièce de la procédure judiciaire, dont la communication est régie par les règles propres à la procédure pénale. La commission n'est pas compétente pour se prononcer sur cette communication. La commission en déduit également que le compte rendu de la perquisition, établi en tout état de cause à destination du préfet ou du ministre de l'intérieur, avec copie au procureur de la République, présente au contraire le caractère d'un document administratif, dont la communication est régie par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En application de l’article L311-6, ce document n’est communicable qu'à la personne directement concernée. Il s'agit de l'occupant des lieux faisant l'objet de la perquisition, ainsi que du propriétaire du local, lorsqu'il diffère de l'occupant et que les lieux ont pu subir une dégradation du fait des conditions de la perquisition. Aucune des mentions relatives à l'un ne doit toutefois être communiquée à l'autre. En effet, cette communication porterait atteinte à la protection de la vie privée et, dans certains cas, ferait apparaître de la part de la personne concernée un comportement dont la divulgation lui porterait préjudice. L'autorité administrative est en outre fondée, avant toute communication, en application de l’article L311-5 du même code, à occulter les mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, au secret de la défense nationale, à la conduite des relations extérieures de la France ou à la recherche des infractions fiscales et douanières. Dans le cas où la perquisition révèle une infraction donnant lieu à la rédaction d'un procès-verbal transmis au procureur de la République ou à d'autres actes de police judiciaire, le compte rendu conserve le caractère d'un document administratif. Sa communication est cependant susceptible, dans ce cas, de porter atteinte au déroulement d'opérations préliminaires à une procédure ouverte ou devant s'ouvrir devant la juridiction pénale. Dans ce cas, conformément au f) du 2° de l’article 311-5 du code des relations entre le public et l’administration, sa communication ne peut être autorisée que par le procureur de la République ou, le cas échéant, le juge d'instruction saisi. La commission précise enfin que lorsque, compte tenu des mentions devant être occultées en application des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, la communication du compte rendu en dénaturerait le sens ou perdrait tout intérêt, celle-ci peut être refusée. La commission émet donc, sous les réserves mentionnées plus haut, un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 2).