Avis 20180275 Séance du 19/04/2018

Publication en ligne des documents suivants concernant les modèles Mésange, Mélèze, Omphale 2010 et Destinie 2 : 1) les codes sources ; 2) tous les documents y afférents, comprenant les pièces suivantes : a) les documentations ; b) les calibrations ; c) les scénarios prospectifs simulés ; d) les évaluations de réformes ex ante et ex post.
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 janvier 2018, à la suite du refus opposé par le directeur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à sa demande de publication en ligne des documents suivants concernant les modèles Mésange, Mélèze, Omphale 2010 et Destinie 2 : 1) les codes sources ; 2) tous les documents y afférents, comprenant les pièces suivantes : a) les documentations ; b) les calibrations ; c) les scénarios prospectifs simulés ; d) les évaluations de réformes ex ante et ex post. A titre liminaire, la commission relève que le modèle « Mésange » est un modèle macro-économétrique développé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et la direction générale du trésor afin de réaliser des évaluations ex ante de l’impact de différentes mesures de politique économique sur l’emploi, le produit intérieur brut ou les prix. Il permet en outre de modéliser les conséquences de chocs externes, comme les variations du taux de change ou du prix du pétrole. Ce modèle est écrit dans le langage de programmation « Troll » dont l’utilisation nécessite le programme du même nom, soumis à l’acquisition d’une licence payante. La commission constate également que le modèle « Mélèze » est un modèle macroéconomique dit « d’équilibre général dynamique stochastique », développé par l’INSEE, et représentant la France au sein de la zone euro. Il s’appuie sur le logiciel payant Matlab et sur la plateforme logicielle libre Dynare. La commission prend également note de ce que le modèle « Omphale 2010 » permet la réalisation de projections démographiques à moyen/long terme sur tout territoire et utilise les langages Java et SQL pour les modules de calcul. Enfin, le modèle « Destinie 2 » est un modèle de microsimulation dynamique utilisé pour prévoir les montants de pensions, écrit dans le langage de programmation C++, avec une interface d’utilisation en R. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur de l'INSEE a informé la commission de son intention : - s'agissant du modèle Mésange, de publier, en lien avec la direction générale du trésor, le code source correspondant aux programmes d’importations de données et de construction de la base de travail, de recension des équations du modèle, de projection de son état de référence et de simulation des chocs présentés dans le document de travail. Le directeur de l'INSEE a en outre précisé qu'un document de travail (dont la dernière version a été publiée en mai 2017) est disponible sur le site internet de l'INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2848300. - s'agissant du modèle Mélèze, de publier le code source correspondant aux programmes recensant les équations du modèle, résolvant son équilibre et simulant sa réponse aux chocs présentés dans le document de travail. Concernant la documentation de ce modèle, elle est déjà disponible sur le site internet de l'INSEE depuis juillet 2016 : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2022155. - s'agissant du modèle « Destinie 2 », de publier le code source du modèle correspondant à l’importation/construction des données et aux équations du modèle de microsimulation. Le directeur de l'INSEE a en outre précisé qu'une documentation sous forme de plusieurs documents de travail est déjà disponible en ligne sur le site internet de l'institut, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1380833, et que le modèle n’est pas utilisé à ce stade dans le cadre de l’élaboration de scénarios prospectifs. - s'agissant enfin, du modèle Omphale 2010, de ne pas publier le code source compte tenu de sa particularité et des risques qu’engendrerait, pour l’intérêt public, une mauvaise utilisation de ce modèle, développé pour une mise en œuvre par des experts de l’Institut, en raison tout particulièrement de la finesse des résultats produits. Le directeur de l'INSEE a indiqué qu'un document descriptif détaillé était accessible en ligne : https://www.insee.fr/fr/information/2571308. Le directeur de l'INSEE a également indiqué à la commission qu'en raison de contraintes techniques, liées en particulier à la gestion des licences, la préparation des codes et des vérifications de sécurité, les documents sollicités au point 1) seraient publiés avant l'automne 2018. La commission rappelle que dans son avis n° 20144578 du 8 janvier 2015, relatif au code source du logiciel simulant le calcul de l'impôt sur les revenus des personnes physiques développé par la direction générale des impôts, elle a estimé, après avoir rappelé qu’un code source est un programme informatique contenant les instructions devant être exécutées par un micro-processeur, que les fichiers informatiques constituant les modèles sollicités en l’espèce, produits par l’administration dans le cadre de sa mission de service public, revêtaient le caractère de documents administratifs au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. L’avis de la commission a été validé sur ce point par le tribunal administratif de Paris (TA de Paris, 10 mars 2016, M. Fabre, n°1508951, C+). La commission souligne qu’elle a également considéré, dans son avis n° 20161990 du 23 juin 2016 relatif à l’algorithme développé par le ministère de l’éducation nationale connu sous le nom d’admission post bac dit « APB », qu’un algorithme constituait de même un document administratif au sens de ces dispositions. Elle rappelle par ailleurs qu'aux termes de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l'administration : « L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : (...) 4° Par publication des informations en ligne, à moins que les documents ne soient communicables qu'à l'intéressé en application de l'article L311-6 ». La commission considère que la publication en ligne des documents que produisent ou reçoivent les autorités administratives est aujourd’hui régie par les dispositions de l’article L312-1-2 du code des relations entre le public et l’administration. Aux termes de ce dernier article : « Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données (...) comportent des mentions entrant dans le champ d'application des articles L311-5 ou L311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu'après avoir fait l'objet d'un traitement permettant d'occulter ces mentions ». Enfin, en vertu de l'article L321-1 relatif à la réutilisation des informations publiques, et à moins que des tiers à l'administration détiennent des droits de propriété intellectuelle sur ces codes, ils peuvent être utilisés par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public de l'administration. La commission considère ainsi, que l'appréciation de l'Institut selon laquelle la réutilisation envisagée se heurterait à des risques de mauvaise manipulation, ne saurait fonder le refus de publier le code source sollicité. Cette publication ne fait toutefois pas obstacle à ce que les règles qui encadrent la production et diffusion de données statistiques soient également rappelées. Par suite, la commission considère que les documents sollicités au point 1) sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, et peuvent être publiés en ligne, en application de l'article L311-9 du même code. Elle émet donc un avis favorable sur ce point, tout en précisant que l'administration est en l'espèce fondée, eu égard à ses contraintes techniques, à étaler dans le temps la publication. A ce titre, il lui appartient de convenir avec le demandeur d’un échéancier compatible avec le bon fonctionnement des services. S'agissant des documents sollicités aux points 2 a) et 2 b), la commission considère que ceux-ci font l'objet d'une diffusion publique. En conséquence, elle ne peut que déclarer irrecevable la demande sur ces points. Enfin, s'agissant des documents sollicités aux points 2 c) et 2 d), la commission rappelle qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. Elle considère par conséquent que ces documents, lorsqu'ils sont élaborés par une administration agissant dans le cadre de ses missions, qui sont administratives, sont communicables même s’ils s’inscrivent dans un processus décisionnel, sous réserve qu'ils aient perdu leur caractère préparatoire et qu'ils n'aient pas déjà fait l'objet d'une diffusion publique. Ils ne sont couverts par le secret des délibérations du a) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration que dans la mesure où ils s’inscrivent dans un processus décisionnel, procèdent d’une initiative politique du Gouvernement et sont indissociables de celle-ci. Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable sur ces points.