Avis 20180080 Séance du 03/05/2018

Communication, de préférence par courriel au format PDF ou à défaut sur support papier par envoi postal, des documents suivants portant sur la période 2015 à 2017 : 1) les registres de contrôle des locaux de garde à vue et d’infirmerie du commissariat de police d’Épinal ; 2) les rapports sur l’état et les délais d’exécution des peines ; 3) les rapports annuels de politique pénale sur l’application de la loi et sur la gestion du parquet.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 8 janvier 2018, à la suite du refus opposé par la garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication, de préférence par courriel au format PDF ou à défaut sur support papier par envoi postal, des documents suivants portant sur la période 2015 à 2017 : 1) les registres de contrôle des locaux de garde à vue et d’infirmerie du commissariat de police d’Épinal ; 2) les rapports sur l’état et les délais d’exécution des peines ; 3) les rapports annuels de politique pénale sur l’application de la loi et sur la gestion du parquet. Après avoir pris connaissance des observations de la ministre de la justice, garde des sceaux, la commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application de du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment, des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, des dossiers de demande d'aide juridictionnelle (CE, 5 juin 1991, n° 102627), des décisions du Parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties – c'est-à-dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites – mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, n° 117480). La commission souligne qu’il en va de même des documents qui, bien qu'élaborés par des autorités administratives, ne sont pas détachables d'une procédure juridictionnelle tels que les mémoires en défense d'une administration (CE, 28 avril 1993, n° 117480) ou encore les notes et études destinées à la rédaction de ces mémoires (CE, 12 octobre 1994, n° 123584). S’agissant des documents mentionnés au point 3 de la demande, la commission rappelle, d’une part, qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 39-1 du code de procédure pénale : « Outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet ». Elle déduit de cet article ainsi que de la circulaire du 31 janvier 2014 de présentation et d’application de la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l'action publique que les rapports particuliers ainsi mentionnés sont produits à l’occasion d’une procédure juridictionnelle particulière et que le procureur de la République y synthétise les éléments d’information concernant le déroulement de cette procédure ainsi que les actions envisagées par le ministère public. La commission estime par conséquent que ces documents, qui sont au demeurant protégés par le secret de l’instruction défini par l’article 11 du code de procédure pénale au terme duquel la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète et que toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel, doivent être regardés comme des actes indissociables des décisions du ministère public dans une procédure juridictionnelle et qu’ils ne sauraient, dès lors, revêtir un caractère administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. La commission rappelle, d’autre part, qu’aux termes de l’article 35 du code de procédure pénale : « Outre les rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du ministre de la justice, le procureur général adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort » et qu’aux termes de l’article 36 de ce même code, le procureur général dispose de la faculté d’« enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes ». La commission précise que, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans une décision en date du 31 mars 2017, garde des sceaux, ministre de la justice, n° 408348, 408354, les rapports particuliers mentionnés à cet article ont pour objet l’information du ministre de la justice par les procureurs généraux au sujet des procédures les plus significatives en cours dans le ressort de leur cour d’appel. Les procureurs généraux y précisent s’ils partagent l’analyse et les orientations du procureur de la République et prennent position sur la conduite des dossiers en indiquant, le cas échéant, les instructions, générales ou individuelles, qu’ils ont été amenés à adresser sur le fondement des articles 35 et 36 du code de procédure pénale. Dans ces conditions, ces rapports ne revêtent pas, alors même qu’ils ont pour vocation d’être transmis au ministre de la justice, le caractère de documents administratifs pour l’application du droit de communication des documents mentionnés à l’article L. 300-2 précité. La commission se déclare en conséquence incompétente pour connaître de la présente demande d’avis présentée au point 3. S’agissant des documents visés au point 1, la commission relève qu'aux termes de l'article 41 du code de procédure pénale : «  (...) Le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue. Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an ; il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans ces différents locaux. Il adresse au procureur général un rapport concernant les mesures de garde à vue et l'état des locaux de garde à vue de son ressort ; ce rapport est transmis au garde des sceaux. Le garde des sceaux rend compte de l'ensemble des informations ainsi recueillies dans un rapport annuel qui est rendu public  ». La commission considère que ces registres qui se rattachent à la garde à vue dont a fait l'objet le demandeur, ont été établis pour les besoins et au cours d'une procédure judiciaire et ne revêtent donc pas le caractère de documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code précité. La commission se déclare en conséquence incompétente pour connaître de la présente demande d’avis présentée au point 1. En ce qui concerne les documents mentionnés au point 2, la commission relève qu'aux termes de l'article 709-2 du code de procédure pénale « Le procureur de la République établit un rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines qui comprend, notamment, un rapport établi par le directeur départemental des finances publiques relatif au recouvrement des amendes dans le ressort du tribunal. Le directeur départemental des finances publiques communique son rapport au procureur de la République au plus tard le premier jour ouvrable du mois de mars. Le rapport du procureur de la République est rendu public avant le dernier jour ouvrable du mois de juin selon des modalités fixées par un arrêté du ministre de la justice ». Ce rapport peut, en application de l'article A 38-2 de ce même code, « être librement consulté par toute personne qui en fait la demande. Avant le dernier jour ouvrable du mois de juin, une affiche est apposée dans une salle ouverte au public du tribunal de grande instance afin d'indiquer les modalités pratiques de cette consultation ». La commission considère que les dispositions de l'article A 38-2 précitées ne s'oppose pas à la communication du rapport annuel sur l'état et les délais d'exécution des peines sur le fondement de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet, par suite, un avis favorable à la communication des documents mentionnés au point 2.