Conseil 20175492 Séance du 11/01/2018

Caractère communicable, à une personne dont la filiation est contestée en justice par son demi-frère, du spermogramme de son père décédé, afin de faire valoir ses droits sur le fondement de l'article L1110-4 du code de la santé publique, à savoir apporter la preuve que celui-ci n'était pas stérile au moment de sa conception.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 11 janvier 2018 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à une personne dont la filiation est contestée en justice par son demi-frère, du spermogramme de son père décédé, afin de faire valoir ses droits sur le fondement de l'article L1110-4 du code de la santé publique, à savoir apporter la preuve que celui-ci n'était pas stérile au moment de sa conception. La commission rappelle, d'une part, qu'en application des dispositions combinées des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, telles que le Conseil d'État les a interprétées, les informations médicales concernant une personne décédée sont communicables à ses ayants droit sous réserve que cette demande se réfère à l'un des trois motifs prévus à l'article L1110-4 - à savoir connaître les causes du décès, faire valoir leurs droits ou défendre la mémoire du défunt, dans la mesure strictement nécessaire au regard du ou des objectifs poursuivis et à condition que le patient ne s'y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions n'instaurent donc au profit des ayants droit d'une personne décédée qu'un droit d'accès limité à certaines informations médicales, et non à l’entier dossier médical. En vertu de l'article L1111-7 du code de la santé publique, sont considérées comme médicales les informations concernant la santé d'une personne « détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ». La commission rappelle, d'autre part, que l’article L2141-1 du code de la santé publique définit l'assistance médicale à la procréation comme l'ensemble des « pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l'efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître (…) ». Il résulte de l’article L2141-2 du même code que « L'assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l'infertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Le caractère pathologique de l'infertilité doit être médicalement diagnostiqué. (…) » La commission considère ainsi que les informations détenues par les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humains, qui ont pour mission de permettre, d'une part, à des couples ayant des problèmes de stérilité de fonder une famille avec l’aide d’une procréation par don, et d'autre part, la préservation de la fertilité pour des hommes, des femmes, des enfants, qui vont subir un traitement ou une circonstance présentant un risque pour la fertilité future, revêtent un caractère médical, dès lors qu'elles sont élaborées ou recueillies par des professionnels de santé, et qu’elles concourent à l’élaboration et au suivi d'un diagnostic ou d'un traitement. La communication de ces informations médicales est donc régie par les dispositions des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique. La commission a eu l’occasion de se prononcer à, au moins, deux reprises sur les conditions de communication des dossiers détenus par les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humains dans le cas de don de gamètes. Par un avis n° 20102395 du 27 juillet 2010 et un avis n° 20155678 du 3 mars 2016, la commission a estimé qu’en vue de préserver l’anonymat du don, qui constitue, avec le principe de gratuité, l’une des règles fondamentales du don de gamètes en France, des conditions très restrictives d’accès au dossier, définies par le législateur, étaient applicables y compris au donneur lui-même et par suite à ses ayant droits. La commission relève toutefois qu'en l'espèce, la question de l’anonymat du donneur ne se pose pas, dès lors qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’attestation signée par le père du demandeur qu'il a déposé son sperme dans le cadre d'une autoconservation et non d’un don de gamètes. Elle souligne, en outre, qu'il n'existe aucune restriction susceptible de faire obstacle à la communication au demandeur du spermogramme sollicité au motif qu'il comporterait des informations ayant trait au patrimoine génétique de son père. La commission en déduit que le document sollicité est communicable à l'intéressée en application des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, dès lors que celle-ci établit, par la production de son acte de naissance, sa qualité d'ayant droit du défunt, et que sa demande vise à faire valoir ses droits dans le cadre du contentieux judiciaire de contestation de paternité engagé par son demi-frère.