Conseil 20174658 Séance du 30/11/2017

Caractère communicable aux concubins, sous réserve qu'ils justifient de leur qualité d'ayant droit (certificat de concubinage...), telle que la loi du 26 janvier 2016 leur a ouvert le droit à l'accès au dossier médical d'un patient décédé, s'il y a par ailleurs une épouse ou un époux légitime non divorcé ? Si tel n'est pas le cas, l'enfant naturel du patient décédé et de la concubine ou du concubin étant lui-même un ayant droit (héritier), le droit d'accès auquel il peut prétendre peut-il être exercé en son nom par le parent concubin, titulaire de l'autorité parentale ?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 30 novembre 2017 votre demande de conseil relative au caractère communicable du dossier médical d'un patient décédé à sa concubine, dans l'hypothèse de l'existence d'une épouse légitime dont il n'était pas divorcé, et d'un enfant naturel né de son union avec sa concubine. La commission rappelle qu'aux termes du V de l’article L1110-4 du code de la santé publique, dans sa version issue de l’article 96 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 : « (…) Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (…) ». La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayants droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. 1. Il s’agit, dès lors, en premier lieu, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. A cet égard, la commision rappelle que l'article 734 de ce code prévoit : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et soeurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». L’article 744 précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé, la séparation de fait ne faisant pas perdre, à elle seule, le bénéfice des droits successoraux légaux à ce dernier. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers. 2. Il s’agit également, en second lieu, des légataires universels ou à titre universel du patient décédé, désignés par testament. En effet, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’institution de ces derniers n’exclut pas par principe les héritiers légaux de la succession. En outre, dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de prédécès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. Pour les successions ouvertes conformément à l’état actuel des règles du code civil, c’est le conjoint survivant non divorcé qui, à défaut de descendants du défunt, bénéficie de la qualité d’héritier réservataire, en vertu de l’article 914-1 du code civil. Par conséquent, le conjoint survivant non divorcé présente lui aussi toujours la qualité d’ayant droit, sauf s’il en a été privé par testament (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2008, n° 07-13438 bull. 2008, I, n° 186), ce que la loi ne permet qu’en présence de descendants du défunt. La commission relève que vous vous interrogez sur l’existence d’une hiérarchie à retenir entre les ayants droit ainsi définis et le concubin d'un patient décédé pour la communication d’informations médicales concernant ce dernier. La commission rappelle qu'elle a considéré, dans son conseil n° 20160797 du 14 avril 2016, que si l’article 734 du code civil prévoit un ordre de succession entre les différentes catégories de parents, par degré d’intimité, ces dispositions n’impliquent pas l’existence d’un tel ordre pour la communication des éléments du dossier médical du patient décédé, qui peut être effectuée simultanément à l’ensemble des personnes visées à l’article L1110-4 du code de la santé publique. En d'autres termes, le dossier médical du patient décédé peut donc être communiqué aussi bien à sa concubine, d'une part, qu'à son épouse légitime, dont il n'était pas divorcé, et à son enfant naturel, en leur qualité d'ayant droit, d'autre part. Le droit d'accès de ce dernier peut être exercé, en son nom, par le parent concubin titulaire de l'autorité parentale.