Avis 20164722 Séance du 12/01/2017
Communication à sa cliente, compagne de Monsieur X, ancien substitut du procureur au Tribunal de Grande Instance de Nanterre qui s'est suicidé dans la nuit du 6 au 7 mars 2012, en sa qualité d'ayant-droit après avoir été désignée comme unique héritière, des documents suivants concernant son compagnon :
1) le dossier administratif individuel à compter de son entrée dans la magistrature ;
2) le dossier médical détenu par le service de la médecine du travail du ministère ;
3) l'ensemble des enquêtes internes menées par le ministère suite à ce suicide, et en particulier toute enquête qui aurait été ordonnée par le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions du Travail (CHSCT), ou tout document remis au CHSCT suite à cet évènement ;
4) le rapport définitif de l'Inspection générale des services judiciaires portant sur le « contrôle du fonctionnement et des conditions de travail du service pénal du tribunal de grande instance de Nanterre », (seul le rapport provisoire n° 23-13 de mai 2013 ayant été remis à sa cliente) ;
4) tout document relatif aux conditions de travail ou au suicide de Monsieur X qui serait en possession du ministère.
Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 octobre 2016, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication à sa cliente, compagne de Monsieur X, en sa qualité d'ayant-droit après avoir été désignée comme unique héritière, d'une copie des documents suivants concernant son compagnon :
1) le dossier administratif individuel à compter de son entrée dans la magistrature ;
2) le dossier médical détenu par le service de la médecine du travail du ministère ;
3) l'ensemble des enquêtes internes menées par le ministère suite à ce suicide, et en particulier toute enquête qui aurait été ordonnée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions du travail (CHSCT), ou tout document remis au CHSCT suite à cet événement ;
4) le rapport définitif de l'Inspection générale des services judiciaires portant sur le « contrôle du fonctionnement et des conditions de travail du service pénal du tribunal de grande instance de Nanterre » (seul le rapport provisoire n° 23-13 de mai 2013 ayant été remis à sa cliente) ;
5) tout document relatif aux conditions de travail ou au suicide de Monsieur X qui serait en possession du ministère.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le garde des sceaux a informé la commission que le document visé au point 1) avait été communiqué au demandeur par courrier du 2 décembre 2016.
La commission ne peut donc que déclarer sans objet la demande sur ce point.
Le garde des sceaux a également indiqué à la commission, concernant le dossier médical visé au point 2), qu'il estimait que celui-ci pouvait être communiqué au demandeur dans ses seuls éléments susceptibles de répondre à l’objectif poursuivi, en application de l'article L1110-4 du code de la santé publique.
La commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué.
En l'espèce, la qualité d'ayant-droit du demandeur, légataire universelle du défunt, ne fait pas de doute. En outre, il ressort des termes de sa demande que celle-ci souhaite connaître les causes du décès de son concubin et faire valoir ses droits, dès lors qu'elle a porté plainte et formé une demande d'indemnisation auprès de l'autorité judiciaire.
La commission émet donc un avis favorable à la communication des éléments contenus au sein du document visé au point 2) qui se rapportent à ces deux objectifs.
Le garde des sceaux a ensuite informé la commission qu'il estimait la demande trop imprécise pour permettre à l’administration d’identifier les documents souhaités au point 3).
La commission estime au contraire que la demande, qui porte sur les enquêtes internes menées par le ministère à la suite du suicide de Monsieur X, et en particulier toute enquête qui aurait été ordonnée par le comité d'hygiène, sécurité et des conditions du travail (CHSCT), ou tout document remis à celui-ci à la suite à cet événement, est suffisamment précise pour être recevable.
Elle estime que ces documents administratifs sont communicables au demandeur, y compris dans les développements concernant le décès de Monsieur X, sous réserve de l'occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique tierce, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d'un tiers, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.
Elle émet donc, sous ces réserves, un avis favorable.
Le garde des sceaux a également indiqué à la commission que le document sollicité au point 4) comportait des informations ne regardant pas directement la situation de Monsieur X, qui devraient être occultées en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, dans la mesure où elles portent une appréciation ou un jugement de valeur sur des personnes physiques nommément désignées autres que le défunt, font apparaître des comportements dont la divulgation porterait préjudice à leurs auteurs ou relèvent du secret de la vie privée de tiers.
La commission, qui n'a pas pu prendre connaissance de ce rapport dès lors qu'il ne lui a pas été transmis par le garde des sceaux, relève que ce document a été élaboré et est détenu par l'inspection générale des services judiciaires et qu'il ne se rattache pas directement à la fonction de juger. Elle en déduit qu'il constitue un document administratif soumis au droit d'accès garanti par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Elle estime donc que ce document est communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 de ce code, sous réserve qu'il ne présente pas un caractère préparatoire ou inachevé, et après que les occultations requises, le cas échéant, auront été effectuées, en application de l'article L311-6 du même code.
En l'espèce, il ressort des termes mêmes de la réponse du garde des sceaux que ce rapport est achevé. La commission estime dès lors qu'il est communicable au demandeur sous réserve, d'une part, de ne pas avoir de caractère préparatoire à une décision administrative, sauf à ce que celle-ci soit intervenue, et, d'autre part, de l'occultation des mentions protégées par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, en particulier les mentions relevant de la vie privée des personnes autres que le demandeur et son défunt concubin, portant sur ces personnes une appréciation ou un jugement de valeur ou faisant apparaître, de la part de ces personnes, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice.
Elle émet donc sous ces deux réserves un avis favorable à la communication du document sollicité au point 4).
Enfin, concernant les documents visés au point 5), le garde des sceaux a informé la commission que la demande était trop imprécise pour permettre à l’administration d’identifier les documents souhaités sur ce point.
La commission, qui relève que ce point de la demande porte sur tout document relatif aux conditions de travail ou au suicide de Monsieur X qui serait en possession du ministère, est de nature trop imprécise par son étendue pour permettre au garde des sceaux d’identifier les documents sollicités.
Elle ne peut donc que déclarer la demande irrecevable sur ce point et inviter Maître X, s’il le souhaite, à préciser auprès de l'administration la nature et l’objet de ces documents.