Conseil 20155079 Séance du 19/11/2015

Avis sur le projet de loi pour une République Numérique.
En réponse à votre saisine reçue le 6 octobre 2015, la commission d’accès aux documents administratifs a examiné au cours de sa séance du 19 novembre 2015 le projet de loi pour une République numérique, dans la version qui lui a été transmise le 6 novembre 2015 et dans la limite des domaines qui relèvent de sa compétence. La commission approuve les orientations générales du projet, qui tendent à faciliter l’accès aux informations du secteur public. Elle émet les observations et recommandations suivantes. 1. Demandes de communication entre administrations (article 1er) L’article 1er tend à étendre aux personnes morales de droit public ou privé chargées d’une mission de service public la liberté d’accès aux documents administratifs garantie par le chapitre 1er du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 (titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration), dont la commission estimait jusqu’alors que le bénéfice n’en était ouvert qu’aux seuls administrés. Cette disposition met en œuvre, dans le sens que le Gouvernement a choisi, la recommandation émise par la CADA dans son rapport d’activité 2012 afin « que soit examinée l’opportunité éventuelle d’une disposition législative étendant aux relations entre personnes publiques le champ d’application des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 au-delà des documents comportant des informations environnementales », pour lesquels les personnes publiques peuvent déjà se prévaloir d’un tel droit d’accès, conformément à l’interprétation des dispositions du code de l’environnement retenue par la CADA à la lumière de la directive communautaire dont elles assurent la transposition. La commission constate que les dispositions du nouvel article L311-1-1 du code des relations entre le public et l’administration poursuivent une finalité qui va au-delà de celle de l’article L114-8 du même code (art. 16 A de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations), dans la mesure où l’exercice du droit d’accès qu’elles instituent n’est pas limité aux informations ou données strictement nécessaires pour traiter une demande présentée par le public ou une déclaration transmise par celui-ci en application d'un texte législatif ou réglementaire. Conférer expressément aux personnes chargées d’une mission de service public un droit d’accès aux documents administratifs « pour l’accomplissement de leurs missions de service public » aboutira à leur donner un droit d’accès à ces documents aussi large que celui qui est ouvert à toute autre personne, puisqu’elles peuvent déjà se prévaloir des dispositions générales sur l’accès aux documents administratifs lorsqu’elles agissent à un autre titre qu’une mission de service public – par exemple en tant que candidates à l’attribution d’un marché public. La commission note par ailleurs que les mots « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6 » garantissent que les limites au droit d’accès opposables aux particuliers en vue de protéger les intérêts publics et privés garantis par ces articles du code des relations entre le public et l’administration (I et II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978) seront également opposables aux demandes de communication présentées par une autorité administrative et rendront obligatoire, le cas échéant, l’occultation, avant communication, des mentions concernées. La commission approuve cette limite qui lui semble indispensable tant à la sauvegarde d’intérêts publics tels que le secret des délibérations du Gouvernement, la conduite des relations extérieures de la France, le secret de la défense nationale, la sécurité publique et la sécurité des personnes, conformément aux dispositions de l’article L311-5 (I de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978), qu’à la protection de la vie privée et de la réputation des personnes ou à celle du secret en matière commerciale et industrielle, conformément aux dispositions de l’article L311-6 (II du même article) et, au moins pour une partie de ces intérêts, à des principes garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France. La commission estime que seront également applicables les dispositions de l’article L311-2, qui font échapper au droit d’accès les documents inachevés ou qui présentent un caractère préparatoire à une décision administrative tant que celle-ci est en cours d’élaboration, ainsi que les documents faisant l’objet d’une diffusion publique. La commission observe enfin que les dispositions de l’article L342-1 (troisième alinéa de l’article 20 de la loi du 17 juillet 1978) la conduiront à s’estimer dorénavant compétente pour se prononcer, dans les mêmes conditions que lorsqu’elle est saisie par un administré, sur les refus de communication opposés à une administration, que celle-ci agisse, ou non, dans le cadre de sa mission de service public. 2. Accès aux algorithmes (article 2) Eu égard à la généralité des termes de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 (art. L300-2 du code), les logiciels et leurs codes sources constituent, selon la doctrine de la CADA, que le juge administratif n’a pas encore eu l’occasion de confirmer, et comme tout autre support d’informations produit ou reçu par une personne chargée d’une mission de service public dans le cadre de cette mission, des documents administratifs communicables à toute personne qui le demande, sous les réserves prévues à l’article 6 (art. L311-5 et L311-6). Ces dernières doivent conduire à refuser la communication d’un code source dont la divulgation porterait atteinte, par exemple, à la sécurité publique, à la recherche des infractions fiscales ou douanières ou au secret en matière commerciale et industrielle, notamment le secret des procédés. Sous ces réserves, les algorithmes utilisés par l’administration sont d’ores et déjà communicables à toute personne qui le demande, notamment aux personnes faisant l’objet d’une décision individuelle faisant intervenir la mise en œuvre d’un traitement algorithmique de données. La commission estime donc que, pour présenter un effet utile, les dispositions du nouvel alinéa ajouté à l’article L311-3 (art. 3 de la loi du 17 juillet 1978) doivent être comprises comme ouvrant en outre à ces personnes le droit d’obtenir de l’administration, en complément de la communication éventuelle du code source, dont la compréhension nécessite des compétences techniques en codage informatique, des explications complémentaires, explicitant les règles de traitement mises en œuvre et les principales caractéristiques de celle-ci. Ces dispositions complètent ainsi, notamment en faveur des personnes morales, le droit que toute personne physique tient de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés d’obtenir du responsable d’un traitement de données à caractère personnel « les informations permettant de connaître et de contester la logique qui sous-tend le traitement automatisé en cas de décision prise sur le fondement de celui-ci et produisant des effets juridiques à l’égard de l’intéressé ». La commission signale qu’un autre apport de ces nouvelles dispositions pourrait consister à lever également, en faveur des intéressés, les obstacles à la communication du code source que peuvent présenter, dans certains, cas les dispositions des articles L311-5 et L311-6 (art. 6 de la loi du 17 juillet 1978). Une telle avancée nécessiterait une disposition expresse en ce sens, dans la mesure où la jurisprudence interprète le silence, sur ce point, des dispositions de l’article L311-3 (art. 3 de la loi du 17 juillet 1978) comme ne faisant pas exception à ces articles (Conseil d’État, 21 septembre 2015, M. X, n° 369808, décision publiée au recueil Lebon). La commission estime en revanche que les dispositions ajoutées à l’article L311-3, dans la rédaction prévue par l’article 2 du projet, ne devraient pas être interprétées en l’état comme restreignant l’accès aux logiciels et codes sources présentant le caractère de documents administratifs, en l’absence d’exception apportée expressément en ce sens aux articles L300-2 et L311-1 (art. 1er de la loi du 17 juillet 1978). Le risque d’une telle interprétation, qui restreindrait la portée actuelle du droit d’accès aux documents administratifs, n’est cependant pas nul. 3. Obligation de diffusion publique (article 3) La commission approuve l’orientation tendant à une plus large diffusion publique des documents administratifs et des informations publiques. La commission constate néanmoins que les dispositions du I de l’article 3 (art. 7 de la loi du 17 juillet 1978 ; art. L312-1 du code des relations entre le public et l’administration), qui organisent la diffusion publique, par défaut, des données publiques, ont un champ d’application considérable qui lui semble pour partie excessif. En effet, si l’obligation de publier le contenu des bases de données paraît utile et proportionnée, ces dispositions prévoient aussi que les administrations devront en outre publier tous les documents communiqués, même ceux qui ne présentent qu’un intérêt limité, voire nul, pour le public ou ceux qui ne sont communicables qu’à l’intéressé au sens des dispositions de l’article L311-6 (II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978). La commission estime que ces dispositions risquent d’engendrer, pour les administrations concernées, une charge de travail et des coûts disproportionnés au regard des objectifs poursuivis, notamment lorsque les documents devront être rendus anonymes avant diffusion publique ou lorsque devront être occultées les mentions protégées par l’un des secrets visés à l’article L311-5. La commission s’interroge par ailleurs sur l’éventuelle nécessité d’encadrer la diffusion de documents administratifs dans des délais et l’opportunité d’introduire dans le texte de loi la notion de péremption des informations diffusées, en l'articulant avec le droit des archives publiques. L’immense majorité des documents administratifs est en effet vouée à l’élimination à l'issue de leur durée d'utilité administrative : de très nombreux documents qui auront été diffusés sur internet en application des nouvelles dispositions seront donc détruits à plus ou moins long terme, avec l’autorisation de l'administration des archives. La commission attire par ailleurs l’attention du Gouvernement sur le fait qu’à l’inverse, ces dispositions maintiennent un régime d’interdiction absolue de publication des données personnelles, alors que certaines de ces données, qui n’intéressent ni la vie privée ni la réputation des personnes concernées, ne sont pas exclues du droit à communication, et peuvent, par ailleurs, être utilement diffusées, ce qui est par exemple le cas des organigrammes administratifs ou des documents rendant compte des activités de nombreuses instances administratives qui, dès lors qu’ils mentionnent le nom des personnes qui y interviennent ou permettent de les identifier, comportent des données à caractère personnel. Le maintien de cette interdiction, par contraste avec l’abrogation du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 17 juillet 1978, prévue par le II de l’article 5 du projet de loi, aboutit aussi à soumettre à des régimes différents, s’agissant de la protection des données personnelles, la diffusion publique des documents administratifs, à l’initiative des administrations, et la réutilisation des informations publiques qu’ils comportent, alors que la réutilisation des informations publiques par des tiers à l’administration prend souvent la forme d’une mise à disposition du public des données concernées. La commission note, certes, que le projet de loi prévoit d’exclure les collectivités territoriales du champ d’application des dispositions de l’article L312-1, le régime de diffusion publique des documents qu’elles détiennent ou reçoivent étant fixé à l’article L1112-23 du code général des collectivités territoriales. Elle rappelle cependant que ces dernières dispositions imposent la diffusion, par les collectivités concernées, des informations publiques visées à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, lesquelles incluent non seulement les informations contenues dans les documents administratifs déjà communiqués mais également dans tous documents communicables à tous dès lors qu’ils sont disponibles sous forme électronique – ce qui couvre par exemple, en principe, l’ensemble des courriers électroniques échangés entre leurs agents ou avec l’extérieur. Le projet de loi, dans sa version actuelle, prévoit donc deux régimes distincts de diffusion publique, le régime applicable aux collectivités territoriales étant plus contraignant. Par exemple, une collectivité territoriale sera dans l’obligation de mettre en ligne tous les permis de construire qu’elle a délivrés, alors qu’une autre administration détenant des documents identiques ne sera tenue de procéder qu’à la mise en ligne des seuls permis de construire effectivement communiqués à des personnes en ayant fait la demande. La commission estime que cette dualité de régimes pourrait être source d’incompréhensions et d’erreurs et s’interroge sur sa pertinence, alors que les dispositions de la loi du 17 juillet 1978 ont vocation, en vertu de son article 1er (désormais codifié à l’article L311-1) à s’appliquer uniformément à toutes les administrations. Aussi la commission estime-t-elle, en premier lieu, qu’il est nécessaire d’excepter expressément du champ de l'obligation de diffusion publique les documents couverts par le II de l'article 6 de la loi (art. L311-6) en restreignant le champ de cette obligation aux documents communicables « à toute personne ». La mention expresse de la même restriction pourrait être insérée à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, conformément à l’interprétation constante que fait la CADA de cet article, ainsi qu’il sera rappelé plus loin à propos de l’article 5 du projet. En deuxième lieu, sous réserve de cette restriction du champ d’application, la commission estime qu’il n’est pas utile de maintenir l’interdiction de publier toute donnée à caractère personnel mais seulement de rappeler l’obligation de se conformer, le cas échéant, à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La commission juge en troisième lieu nécessaire d’unifier les régimes de diffusion publique applicables aux collectivités territoriales, d’une part, et à l’ensemble des autres administrations, d’autre part. Cette unification pourrait résulter d’une modification en ce sens de l’article L1112-23 du code général des collectivités territoriales. En quatrième lieu, la commission estime que l’obligation de mise en ligne serait mieux proportionnée et ainsi mieux assurée d’une mise en œuvre effective si l’obligation de publier les documents communiqués, prévue au 1° de l’article L300-2, ne s’appliquait pas à ceux qui ne présentent pas pour le public un intérêt suffisant, et si le critère de l’intérêt économique, social ou environnemental prévu au 4° devenait également celui d’un intérêt économique, social ou environnemental suffisant. 4. Extension de la définition des informations publiques (article 4) La commission approuve l’orientation retenue par les dispositions de l’article 4. La réécriture de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 à laquelle elles procèdent fait entrer dans la catégorie des informations publiques sur laquelle peut s’exercer le droit de réutilisation les informations que comportent les documents produits ou reçus dans le cadre d’une mission de service public à caractère industriel ou commercial, à l’exception de celles dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou au secret en matière commerciale et industrielle, ou à un autre intérêt protégé par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (art. L311-5 et L311-6). Ainsi qu’elle l’a indiqué à propos de l’article 3, la réécriture de l’article 10 pourrait s’accompagner utilement de l’insertion, au a) de la mention expresse, conforme à l’interprétation de la loi retenue par la commission, selon laquelle le droit d’accès qui constitue le critère d’identification des informations publiques est un droit valant « pour toute personne », et non pour la seule personne intéressée ou pour une catégorie déterminée, même large, de personnes. 5. Réutilisation des informations publiques (article 5) 5.1. Réutilisation des bases de données L'article 10 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction actuelle comme dans celle que le projet prévoit de lui donner, exclut de la définition des informations publiques, et donc du droit de les réutiliser, les informations contenues dans des documents sur lesquels des tiers à l’administration détiennent des droits de propriété intellectuelle, mais pas les informations contenues dans les documents sur lesquels seule l’administration détient de tels droits, y compris le cas échéant en tant que producteur d’une base de données. La commission a déjà affirmé à plusieurs reprises par ses avis que le droit sui generis que les administrations détiennent sur leurs bases de données ne pouvait donc s'opposer par lui-même à leur réutilisation. Certes, une cour administrative d’appel, par un arrêt frappé d’un pourvoi en cassation actuellement pendant devant le Conseil d’État, en a jugé différemment à propos de la base de données constituée par un service d’archives départementales, mais seulement sur le fondement des dispositions particulières de l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978, applicables aux services culturels, dont l’abrogation est prévue par le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public en cours d’examen par le Parlement. Par ailleurs, les intérêts protégés par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (art. L311-5 et L311-6) peuvent s’opposer à la communication et à la réutilisation d’une base de données comme de tout autre document administratif – par exemple, le secret en matière commerciale et industrielle, qui couvre le secret des procédés et peut donc s’opposer à la divulgation d’éléments couverts par un brevet. Mais ces exceptions ne couvrent pas toutes les situations. Or, le I de l’article 5 du projet se borne à rappeler l’absence d’incidence, sur le droit à réutilisation, du droit sui generis du producteur d’une base de données détenu par l’administration, seulement pour ce type de droits de propriété intellectuelle, et seulement pour le cas où l’administration sera désormais tenue de publier le contenu de la base de données. La commission craint que ces nouvelles dispositions, en cet état du projet, ne donnent, a contrario, l’indication que d'autres droits de propriété intellectuelle détenus par les administrations pourraient désormais faire obstacle à la réutilisation de documents administratifs, en particulier en ce qui concerne les bases de données dont la publication restera facultative. La commission recommande donc d’adopter plutôt une rédaction générale, indiquant que les droits de propriété intellectuelle que l’administration détient sur un document, y compris le cas échéant sur une base de données en tant que producteur de cette base de données, ne peuvent par eux-mêmes s’opposer à la réutilisation des informations publiques que comporte ce document ou de la base de données en cause. Cette rédaction serait redondante avec les dispositions du c), devenu b), de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 mais en conforterait la portée sans paraître la contrecarrer. 5. 2 Réutilisation des données à caractère personnel La suppression du premier alinéa de l’article 13 de la loi du 17 juillet 1978, que prévoit le II de l’article 5 du projet, paraît utile à la commission. Cette modification n’affectera pas la portée de la protection de la vie privée assurée par les dispositions en vigueur : - l’article 9 du code civil, qui assure d’une manière générale la protection de l’intimité de la vie privée ; - le II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (art. L311-6), qui prohibe la communication des documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou de la réputation des personnes et donc la réutilisation des informations qu’ils comportent ; - la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à laquelle renvoie le deuxième alinéa de l’article 13 de la loi du 17 juillet 1978, qui n’est pas affecté par le projet, notamment l’article 8 de cette loi, lequel subordonne tout traitement de données à caractère personnel, au sens de la loi, c'est-à-dire tout traitement automatisé de données à caractère personnel et tout traitement, même non automatisé, de telles données lorsqu’elles sont contenues ou appelées à figurer dans un fichier, au consentement de la personne concernée, à moins que le traitement assure la réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire et sous réserve, dans ce cas, de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. Cette modification permettra en revanche la libre réutilisation des informations publiques comportant des données à caractère personnel qui ne contreviendrait à aucune de ces garanties. Il conviendrait cependant, ainsi qu’il a été indiqué à propos de l’article 3 du projet, d’adopter une rédaction de l’article L312-1 (art. 7 de la loi du 17 juillet 1978) cohérente avec celle qu’il est ainsi prévu de donner à l’article 13 de la loi du 17 juillet 1978. 6. Compétence et composition de la commission et procédure (articles 6, 11, 12, 13) 6.1. Compétence de la commission (article 6, II à IV) La commission considère que les ajouts prévus au II et au III de l’article 6 du projet, qui la rendent compétente en matière de refus de publication, sont opportuns. Les dispositions du IV prévoyant un pouvoir de mise en demeure d’une administration n’appellent pas d’opposition de principe de la commission, bien qu’elles soient susceptibles de faire évoluer le positionnement qui est actuellement le sien vis-à-vis des administrations, qu’elle cherche davantage à conseiller, en leur apportant une aide leur permettant de se conformer à leurs obligations en matière de communication. Ces dispositions présentent en revanche plusieurs inconvénients matériels. La commission détient en effet, dans un certain nombre de cas, peu d’informations sur les suites données, par les administrations qui en sont destinataires, de ses avis, le premier alinéa de l’article 19 du décret n° 2005-1755, qui prévoit que les administrations tiennent la CADA informée des suites qu’elles entendent donner à un avis dans le délai d’un mois, étant parfois mal appliqué par celles-ci. Cette situation est de nature à restreindre la portée pratique d’un tel pouvoir de mise en demeure. La commission, par ailleurs, a toujours estimé que, outre les problèmes matériels liés à la mise en œuvre d’une telle mission, eu égard à ses moyens, il n’était pas conforme à son office consultatif d’être partie à une instance juridictionnelle. Elle est donc très réservée à l’égard du pouvoir qu’il est proposé de lui donner pour saisir la justice administrative, dont elle ne pourrait, en tout état de cause, faire usage que de façon exceptionnelle, ce qui peut être mal compris. 6.2 Rapprochement entre la CNIL et la CADA (articles 11, 12 et 13) Deux objectifs complémentaires fondés sur des principes constitutionnels inspirent les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et de la loi du 17 juillet 1978 : la protection de la vie privée et des libertés individuelles et la transparence de l’action publique. La CNIL et la CADA, que le législateur a chargées de contribuer à la réalisation de ces objectifs, chacune dans son domaine de compétence, veillent au quotidien à la cohérence de leur doctrine et de leurs interventions pour les questions relevant de leurs attributions communes, essentiellement en matière d’anonymisation et de protection des données personnelles lors de la diffusion publique ou de la réutilisation de documents administratifs. La commission estime que le projet renforce à cet égard les instruments de coordination des deux institutions, tout en préservant les compétences et la spécificité du fonctionnement quasi-juridictionnel de la CADA – le recours devant la commission étant un recours administratif préalable obligatoire. La commission approuve donc ces dispositions du projet de loi. 6.3 Incidences sur les procédures engagées devant la commission (V de l’article 6): Dans la mesure où les personnes intéressées par un document administratif tendent, selon l’expérience de la commission, à privilégier leur accès personnel à ce document par rapport à sa diffusion publique, l’ensemble des recours motivés par un refus de diffusion publique devraient rester en nombre limité par rapport à celui des recours dirigés contre un refus de communication. En revanche, on peut s’attendre à ce que le nombre de saisines de la commission augmente fortement pour des demandes, adressées par les administrations, de conseils relatifs à l’anonymisation de documents avant diffusion, certaines des questions les plus sensibles et les plus générales étant tranchées par des conseils rendus à la demande d’une administration. Dans ce contexte, la commission souligne l’intérêt de la modification d’ordre procédural prévue au V de l’article 6 du projet. Toutes les demandes d’avis adressées en nombre croissant à la commission n’appellent pas nécessairement de délibération approfondie de ses membres, en particulier lorsque la demande ne présente aucun caractère inédit et que la réponse à donner relève d’une doctrine bien établie de la commission, ou que l’administration a procédé d’elle-même entre-temps à la communication du document sollicité. La modification de l’article L341-1 (art. 23 de la loi du 17 juillet 1978) proposée permettrait à la commission de déléguer à son président le soin de répondre à de telles demandes d’avis, sans attendre la plus proche de ses séances bimensuelles, et contribuerait ainsi à la réduction des délais de réponse effectifs de la commission. 7. Critères d’accès aux documents détenus par l’administration Le projet de loi étend significativement le champ des données qui doivent être diffusées par les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public. Dans ce cadre, la commission souligne que le choix, par le Gouvernement, d’une plus grande transparence du fonctionnement des administrations pourrait également rendre opportun une révision du périmètre des documents administratifs (et, par conséquent, des archives publiques) afin d’y intégrer des documents qui ne se rattachent pas à une mission de service public mais qui, revêtant un fort intérêt pour le public, pourraient être utilement communiqués et, le cas échéant, diffusés. A cette fin, pourrait être ajoutée au projet une modification de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration et de l'article L211-4 du code du patrimoine, qui étendrait le droit d'accès (et le régime des archives publiques) à des documents qui en sont aujourd'hui exclus, comme les documents relatifs à la gestion du domaine privé de l'État et des collectivités territoriales, et pour la communication desquels la commission se déclare incompétente lorsqu’elle est saisie d’un refus de communication. La commission a ainsi rappelé, dans son avis n° 20153280 du 22 octobre 2015, qui concernait des documents détenus par la Société de valorisation financière et immobilière (SOVAFIM), régie par le droit privé, que « malgré l’intérêt général qui s’attacherait à ce que, sous réserve des intérêts protégés par l’article 6 de cette loi, les documents relatifs à une telle opération soient accessibles au public, de même que les documents relatifs à la gestion de leur domaine privé par les personnes publiques, la commission ne peut, en l’état du droit, que se déclarer incompétente pour se prononcer sur leur communication ».