Avis 20154178 Séance du 22/10/2015

Communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des documents suivants, conservés aux archives nationales sous les cotes : 1) n° 19930005/18, Cabinet du directeur général de la police nationale, « enquêtes diverses dont Paul Touvier (1945-1981) » ; 2) n° 20030513/10, Cabinet du directeur général de la police nationale, « dossiers ayant eu un fort retentissement - dossier Touvier (1974-1994) » ; 3) n° 19950454/3 à 8, Cabinet du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, copie partielle du « dossier d'instruction de Paul Touvier ».
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 24 août 2015, à la suite du refus tacite opposé par le directeur chargé des Archives de France à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, des documents suivants, conservés aux archives nationales sous les cotes : 1) n° 19930005/18, Cabinet du directeur général de la police nationale, « enquêtes diverses dont X (1945-1981) » ; 2) n° 20030513/10, Cabinet du directeur général de la police nationale, « dossiers ayant eu un fort retentissement - dossier X (1974-1994) » ; 3) n° 19950454/3 à 8, Cabinet du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, inventaire et copie partielle du « dossier d'instruction de X ». La commission constate que : - en application du c) du 4° du I de l'article L213-2 du code du patrimoine, les dossiers émanant du Cabinet du Ministre de la Justice contenant l'inventaire et une copie partielle du dossier d'instruction de X ne seront librement communicables qu'à l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier ou d'un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref. X étant décédé en 1996, les dossiers n° 19950454/3 à 8 qui couvrent les années 1991 à 1994 ne seront librement communicables qu'en 2021 ; - le sous-dossier 19930005/18, X, qui émane du cabinet du directeur de la police judiciaire, porte sur les années 1972-1978, époque à laquelle X était en fuite et se cachait en France grâce à des complicités. Il comprend un rapport de la direction centrale de la police judiciaire, des notes de la direction centrale des renseignements généraux, des correspondances et notes au ministre de l'Intérieur et à son cabinet. En application du b) et du c) du 4° du I de l'article L213-2 du code du patrimoine, il sera librement communicable à l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document le plus récent inclus dans le dossier ou d'un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref, soit en 2021, sous réserve toutefois des documents concernant la vie privée de tiers ou susceptibles de leur porter préjudice, communicables à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter de la date des documents en application du 3° du I du même article du code du patrimoine, soit en 2028 ; - les mêmes délais de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé et de cinquante ans à compter de la date des documents s'appliquent au dossier 20030513/10 qui porte sur les années 1982 à 1994, période où X se cache toujours en France jusqu'à son arrestation en 1989, le procès devant la Cour d'assises des Yvelines s'ouvrant en 1994. Le dossier qui comporte des notes de la direction centrale de la Police judiciaire et de la direction centrale des renseignements généraux, des documents concernant l'organisation du procès X et l'arrêt de placement sous contrôle judiciaire de X, un compte rendu du Raid avec une documentation photographique sur les abords de la maison d'arrêt, des notes de la direction régionale de la police judiciaire de Versailles, sera donc librement communicable en 2044. La commission note que le demandeur est une universitaire, docteur en histoire, spécialiste reconnue de l'histoire de la seconde guerre mondiale en France et de la collaboration. Elle a longtemps travaillé avec Monsieur X, notamment sur la biographie de Jean MOULIN, et a déjà publié plusieurs ouvrages dont « Le docteur Ménétrel, éminence grise et confident du maréchal Pétain », « Les Vichysto-résistants de 1940 à nos jours », « Histoire de l'épuration », « Vichy en prison: les épurés de Fresnes après la Libération », « Les secrets de Vichy ». Son dernier ouvrage « Pétain » paru en 2014, a obtenu le Grand prix de la biographie politique et le Prix de la biographie du Point. En réponse à la demande qui lui a été adressée, l'administration a informé la commission que le ministère de l'Intérieur avait, après la saisine de la commission, donné un avis favorable à la communication à Madame X du dossier 19930005/18 (X), à l'exception toutefois d'une lettre de son avocat de 1974 et d'un rapport de la sous-direction des affaires criminelles de la direction de la Police nationale en réponse à une demande d'enquête du Procureur général en 1970. En revanche, le ministère de l'Intérieur a refusé de donner une autorisation de communication pour le dossier 20030513/10 considérant qu'il est constitué de « pièces d'archives sensibles, pour certaines judiciaires, couvertes par les délais de protection juridique, dont la communication pourrait porter atteinte à la vie privée de personnes nommément désignées susceptibles d'être encore en vie, ainsi qu'à leurs ayants droits ». L'intéressée a d'ores et déjà été avertie de ces décisions. De son côté, la Garde des Sceaux n'a pas encore fait connaître, à la date de la séance de la commission, sa position quant à la communication à Madame X des dossiers 19950454/3 à 8. Le ministère a cependant fait savoir qu'il ne considérait pas les dossiers comme des dossiers de cabinet dans la mesure où les documents n'avaient pas été produits par le Cabinet et qu'il renvoyait l'instruction de la dérogation à la direction des affaires criminelles et des grâces. En l'absence de réponse sur ces dossiers du Ministère de la Justice 19950454/3 à 8 portant sur des faits commis pendant la seconde guerre mondiale et en raison des garanties présentées par le chercheur, eu égard à ses titres universitaires et à sa notoriété scientifique, la commission donne un avis favorable à leur communication par dérogation à Madame X. Elle donne également un avis favorable à la communication du sous-dossier 19930005/18, à l'exclusion des deux documents mentionnés par le ministère de l'intérieur en tenant compte des indications données par ce dernier. Pour la même raison, elle donne un avis défavorable à la communication du dossier 20030513/10.