Avis 20142112 Séance du 24/07/2014

Communication de la « database non nominative » relative aux 1 500 dossiers d'aide judiciaire qui ont été enregistrés en 2013 auprès du bureau d'aide juridique de Nouméa et qui ont fait l'objet de rétributions ou de rémunérations par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Nouvelle-Calédonie
Monsieur XXX XXX, pour le collectif antisioniste pour la promotion des droits du peuple calédonien (CAPDPC), a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 mai 2014, à la suite du refus opposé par le président de la Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats de Nouvelle-Calédonie à sa demande de communication de la « database non nominative » relative aux 1 500 dossiers d'aide judiciaire qui ont été enregistrés en 2013 auprès du bureau d'aide juridique de Nouméa et qui ont fait l'objet de rétributions ou de rémunérations par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats de Nouvelle-Calédonie. La commission rappelle, d'une part, hors le cas où un texte prévoit expressément qu’un document n’est communicable qu’aux personnes justifiant d’une qualité ou d’un intérêt particulier, tel que le II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, que l’administration ne saurait légalement se fonder sur les motivations réelles ou supposées du demandeur, notamment quant à la réutilisation qu’il envisage d’en faire, sur l’absence d’indication de ses motifs dans la demande ou sur son identité, pour refuser de procéder à la communication de documents communicables. La commission rappelle, d'autre part, qu’aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 : « Sont considérés comme documents administratifs (...), quel que soit le support utilisé pour la saisie, le stockage ou la transmission des informations qui en composent le contenu, les documents élaborés ou détenus par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public ». Selon le premier alinéa de l'article 2 de la même loi, « Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». La commission indique que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Toutefois, même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission. En l’espèce, la commission relève que les caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), dont la création a été rendue obligatoire par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social, sont des organismes, généralement des associations de droit privé, chargés de recueillir les fonds, effets et valeurs destinés à effectuer les règlements directement liés à l’activité professionnelle des avocats. En vertu de l’article 236 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, ces caisses sont créées par délibération du conseil de l’ordre de chaque barreau, ou, lorsque la caisse est commune à plusieurs barreaux, par une délibération conjointe des conseils de l’ordre des barreaux intéressés. La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique a par ailleurs prévu que l’État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d’aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau. L’article 29 de cette loi dispose que cette dotation est versée sur un compte spécial de la caisse des règlements pécuniaires, qui est alors chargée de tenir la comptabilité annuelle des opérations effectuées sur ce compte conformément à l’article 117 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1991. Selon l’article 30 de la loi, la CARPA doit désigner un commissaire aux comptes chargé de vérifier que la dotation de l’État a bien été versée sur un compte spécial et qu’elle a été utilisée conformément à la loi. A la fin de chaque année, le commissaire aux comptes doit porter à la connaissance du président de la CARPA les contrôles et vérifications auxquels il a procédé ainsi que ses observations. Ce rapport est présenté à une assemblée générale annuelle. Afin d’assurer une plus grande sécurité des fonds confiés aux caisses, le décret n° 91-160 du 5 juillet 1996 modifiant le décret du 27 novembre 1991 a par ailleurs procédé à l’unification des règles de fonctionnement des CARPA, à l’encadrement des opérations financières des avocats et enfin au renforcement des contrôles exercés sur les caisses. Dans ce cadre, une commission de contrôle des règlements pécuniaires a été mise en place. S’il ne ressort pas du régime juridique applicable aux CARPA que celles-ci disposeraient de prérogatives de puissance publique, et bien que leur fonction principale consiste à assurer les transactions financières entre les avocats et leurs clients, la commission considère, conformément à sa position adoptée dans l'avis n° 20072695 du 26 juillet 2007, que les CARPA doivent être regardées comme des organismes privés chargés d’une mission de service public lorsqu’elles procèdent au règlement des sommes allouées au titre de l’aide juridictionnelle. La commission souligne toutefois que les documents élaborés ou détenus par les CARPA ne revêtent un caractère administratif que pour autant qu’ils se rapportent directement à cette mission de service public. La commission rappelle par ailleurs que sont regardés comme des documents administratifs existants, les informations qui sont contenues dans des fichiers informatiques et peuvent en être extraites par un traitement automatisé d’usage courant. Il n’en va autrement que lorsque les informations sollicitées doivent, pour être extraites d'un fichier informatique, faire l'objet de requêtes informatiques complexes ou d'une succession de requêtes particulières qui diffèrent de l'usage courant pour lequel ce fichier a été créé (conseil n° 20133264 du 10 octobre 2013). Elle constate, en l'espèce, que les données dont le demandeur sollicite la communication concernent, outre les règlements des sommes allouées au titre de l'aide juridictionnelle, les dossiers de demandes d'aide juridictionnelle déposées au bureau d'aide juridictionnelle (BAJ), telles que les décisions par lesquelles le BAJ statue sur ces demandes, qui constituent des pièces de procédure juridictionnelle et ne sont donc pas des documents administratifs au sens de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 (CE, 5 juin 1991, Delannay n° 102627, mentionné aux tables du recueil Lebon, p. 948). De plus, le collectif sollicite la communication d'un certain nombre de renseignements (date de dépôt des demandes d'aide juridictionnelle, ordres de juridiction concernés, nature des litiges, niveaux de rémunération des avocats désignés et résultats obtenus), sur laquelle la commission n'est, en tout état de cause, pas compétente pour se prononcer. En revanche la commission estime que le récapitulatif des versements effectués au profit des avocats de Nouvelle Calédonie au titre de l'aide judiciaire, produit par le président de la CARPANC à l'appui de sa réponse, a été élaboré par la Caisse dans le cadre de sa mission de service public et qu'il est communicable à toute personne qui en fait la demande, en vertu de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978. Elle émet donc un avis favorable à sa communication et se déclare incompétente pour connaître du surplus de la demande.