Sanction 20131544 Séance du 05/12/2013
Demande de sanction à l'encontre de Monsieur XXX XXX, conseiller municipal de Vaujours, qui aurait réutilisé dans un tract diffusé les 23 et 24 février 2013 des informations provenant des grands livres de comptes de la SAIEM, dont il avait obtenu communication le 19 février, en dénaturant et en altérant ces informations et en ne mentionnant ni la source, ni la date de mise à jour des documents qui les contiennent.
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, notamment ses articles 10, 12, 18 et 22 ;
Vu le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu la lettre en date du 4 mars 2013, adressée par le président directeur général de la société anonyme immobilière d’économie mixte (SAIEM) à la commission d’accès aux documents administratifs ;
Vu la lettre en date du 28 octobre 2013 adressée par le rapporteur à M. XXX XXX et lui indiquant qu’il n’a retenu aucun grief à son encontre ;
Vu le rapport établi en application du dernier alinéa de l’article 22 du décret du 30 décembre 2005 ;
Vu la convocation à la séance du 5 décembre 2013 remise à M. XXX XXX ;
Après avoir entendu, au cours de la séance du 5 décembre 2013, le rapport de M. Blanc, rapporteur général adjoint de la commission d’accès aux documents administratifs, rapporteur ;
M. XXX XXX n’étant ni présent, ni représenté, et le commissaire du Gouvernement, mis à même de présenter des observations, n’étant pas présent ;
Statuant hors la présence du rapporteur,
MOTIFS
1. La Commission a été saisie, par courrier du 4 mars 2013 du président directeur général de la société anonyme immobilière d’économie mixte (SAIEM), d’une demande de sanction à l’encontre de M. XXX XXX XXX, conseiller municipal de la commune de Vaujours (Seine-Saint-Denis), sur le fondement des articles 18 et 22 de la loi du 17 juillet 1978. La SAIEM reproche à M. XXX XXX d’avoir réutilisé, dans un tract dont il est l’auteur, des informations issues de documents comptables de cette société, dans des conditions ne respectant pas les exigences prescrites par l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978.
2. Il est constant que M. XXX XXX a distribué aux habitants de Vaujours, les 23 et 24 février 2013, un tract intitulé : « La SAIEM, un employeur très généreux ! », aux termes duquel l’intéressé, se prévalant de sa qualité de conseiller municipal, a entendu dénoncer le montant, qu’il estime excessif, d’une partie des dépenses exposées par cette société au cours de l’exercice 2011.
3. Les informations à partir desquelles ce tract a été établi sont issues de documents administratifs dont la commission a estimé, dans son avis n° 20122075 du 10 janvier 2013, qu’ils étaient communicables à M. XXX XXX sur le fondement de l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978. Celui-ci n’ayant pas recueilli l’accord préalable de la commune de Vaujours qui lui a communiqué ces documents, ni celui de la SAIEM qui les a produits, la réutilisation des informations publiques en cause ne pouvait avoir lieu qu’en respectant les conditions énoncées par l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978, sous peine d’encourir les sanctions prévues à l’article 18 de cette même loi.
4. Il est prévu, aux termes de l’article 12 de la loi que : « Sauf accord de l’administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas être altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées ».
5. La SAIEM fait valoir, en premier lieu, que les déclarations faites par M. XXX XXX dans le tract en cause au sujet des frais de mission et de réception de la société auraient altéré les éléments comptables qui avaient été communiqués à l’intéressé et en auraient dénaturé le sens.
6. La commission observe, toutefois, que l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978 n’impose pas à la personne qui souhaite réutiliser des informations publiques figurant dans des documents administratifs de procéder à la reproduction intégrale de ces documents. La réutilisation d’extraits n’est donc pas, en soi, contraire à l’article 12 de la loi. Il n’est pas établi non plus que M. XXX XXX aurait, en l’espèce, modifié les données comptables de la société ou indiqué des montants de frais autres que ceux résultant des écritures de cette société.
7. Par ailleurs, les appréciations portées par M. XXX XXX sur ces données, qui s’inscrivent dans le cadre d’un débat relatif aux conditions de gestion d’une société d’économie mixte locale et qui émanent d’un élu d’opposition, ne sauraient, eu égard à la liberté d’expression garantie tant par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et malgré leur caractère critique, être regardées comme une altération voire comme une dénaturation du sens des informations publiques utilisées, au sens de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978.
8. La SAIEM fait valoir, en deuxième lieu, que le tract en cause comporte, en bas de page, une mention qui ne constituerait ni une indication de la source des informations ni une indication de la date de leur dernière mise à jour.
9. La commission relève sur ce point que les dispositions de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978, si elles subordonnent la réutilisation des informations publiques à la condition notamment que leurs sources et la date de leur mise à jour soient mentionnées, n’imposent pas, toutefois, lorsque la réutilisation est faite dans un document, que cette mention figure en bas de page.
10. En l’espèce, il ressort des termes du tract rédigé par M. XXX XXX que celui-ci a fait référence aux données comptables de la SAIEM en précisant, soit la nature des dépenses citées, soit l’intitulé de l’écriture correspondante dans les comptes de la société. Par ailleurs, il est précisé que les charges de la société figurant dans ce tract se rapportent à l’exercice 2010, que celles relatives aux salaires perçus par les employés ayant les fonctions de secrétaire ou de chargé de mission sont comparées avec les données comptables de l’exercice 2008, et que le déficit cumulé dont il est fait mention correspond à celui se rapportant à la période entre « 2008 et 2011 ».
11. En donnant ces indications, M. XXX XXX doit être regardé comme ayant mentionné de manière suffisante les sources et la date de mise à jour des éléments comptables auxquels il se réfère, dès lors que celles-ci peuvent être aisément identifiées par un lecteur du tract.
12. Il résulte de ce qui précède que la diffusion, les 23 et 24 février 2013, dans la commune de Vaujours, du tract établi par M. XXX XXX n’a pas méconnu les exigences auxquelles la réutilisation des informations publiques est subordonnée en application de l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978.
DISPOSITIF
Article 1er : La commission d’accès aux documents administratifs décide qu’il n’y a pas lieu de prononcer une sanction à l’encontre de M. XXX XXX pour les faits énoncés dans la lettre de la SAEIM en date du 4 mars 2013.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. XXX XXX XXX Une copie en sera adressée, pour information, à la société anonyme immobilière d’économie mixte (SAIEM).
Décision délibérée au cours de la séance du 5 décembre 2013, où siégeaient, sous la présidence de M. Edmond HONORAT, conseiller d’Etat, Mme Stéphanie GARGOULLAUD, conseillère référendaire à la Cour de cassation, M. Philippe LIMOUZIN-LAMOTHE, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, M. Jean MASSOT, président de section honoraire au Conseil d’Etat, et Mme Irène LUC, conseillère à la cour d’appel de Paris.