Conseil 20130250 Séance du 20/06/2013

Caractère communicable de l'intégralité du dossier médical et administratif d'un patient décédé en 1991, à son arrière-petite-fille afin que celle-ci défende ses droits dans le cadre d'une succession.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 20 juin 2013 votre demande de conseil relative au caractère communicable de l'intégralité du dossier médical et administratif d'un patient, Monsieur XXX XXX, décédé en 1991, à son arrière-petite-fille, Mademoiselle XXX XXX, afin que celle-ci puisse défendre ses droits dans le cadre d'une succession. 1. S'agissant des éléments médicaux du dossier de M. XXX, la commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L. 1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. La commission précise que le Conseil d'Etat, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. En outre, la commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayants droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. 1.1. Il s’agit, dès lors, en premier lieu, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. A cet égard, la commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». L’article 744 précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers. 1.2. Il s’agit également, en second lieu, des légataires universels ou à titre universel du patient décédé, désignés par testament. En effet, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’institution de ces derniers n’exclut pas par principe les héritiers légaux de la succession. En outre, dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de prédécès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. Pour les successions ouvertes conformément à l’état actuel des règles du code civil, c’est le conjoint survivant non divorcé qui, à défaut de descendants du défunt, bénéficie de la qualité d’héritier réservataire, en vertu de l’article 914-1 du code civil. Par conséquent, le conjoint survivant non divorcé présente lui aussi toujours la qualité d’ayant droit, sauf s’il en a été privé par testament (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2008, n° 07-13438 bull. 2008, I, n° 186), ce que la loi ne permet qu’en présence de descendants du défunt. 1.3. La commission estime qu’en revanche, les bénéficiaires d’une assurance sur la vie ou d’une d’assurance- décès qui ne seraient pas par ailleurs héritiers légaux ou testamentaires, universels ou à titre universel, du patient décédé ne présentent pas la qualité d’ayant droit au sens de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. En effet, leur désignation par les contrats souscrits par le défunt leur donne seulement une créance sur l’établissement avec lequel celui-ci a contracté, sans leur ouvrir aucun droit à sa succession. Ces personnes ne sont donc pas au nombre de celles en faveur desquelles le législateur a levé le secret médical. La commission rappelle que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L. 1110-4 du code civil. S’agissant des enfants du patient décédé, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante. En ce qui concerne les autres ayants droit, il revient à l’autorité qui détient le dossier du patient d’apprécier la nécessité de pièces complémentaires. Dans les situations les plus complexes ou les plus incertaines, un acte de notoriété établi par notaire conformément aux articles 730-1 à 730-5 du code civil lui permettra de s’assurer de la qualité du demandeur. En l'espèce, la commission relève que Mlle ROLAND, arrière-petite-fille de M. XXX Forget, tient sa qualité d'ayant droit de l'intéressé suite au décès de son fils, XXX XXX en 1979 et de sa petite-fille, XXX XXX en 1993. Elle estime par conséquent que Mlle ROLAND a qualité pour accéder à certaines informations médicales contenues dans le dossier de son arrière grand-père. La commission note que la demande de Mlle XXX est motivée par son souhait de faire valoir ses droits dans le cadre d'une succession. La commission estime, en conséquence, que les éléments médicaux du dossier de Monsieur XXX XXX se rapportant à cet objectif sont communicables à Mlle ROLAND. 2. S'agissant des éléments administratifs du dossier de M. XXX, la commission rappelle que les dispositions du II de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 réservent le droit d'accès à certains documents aux seuls intéressés, c'est-à-dire aux seules personnes directement concernées par le document en cause (CE 17 avril 2013, n° 337194). Elle estime que Mlle ROLAND, en tant qu'arrière-petite-fille de M. XXX, ne justifie pas en ce seul titre de la qualité de personne intéressée lui permettant d'obtenir communication du dossier administratif sollicité, en dépit des éléments relatifs à la vie privée de M. XXX que ce dossier pourrait contenir. Elle émet, donc, sur ce point, un avis défavorable.