Conseil 20112924 Séance du 26/07/2011

- dans le cadre de la mise au point de licences de réutilisation des informations publiques, notamment en partenariat avec le service régional de l'inventaire qui détient nombre de documents et photographies qu'il a produits (versés en quasi-totalité sur la base de données du Ministère de la Culture), le conseil général souhaite savoir si l'article 11 de la loi du 17 juillet 1978 s'applique à ce service ; et si tel est le cas, quelle est la portée de la dérogation notamment pour les modalités de délivrance des informations publiques.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 26 juillet 2011 votre demande de conseil relative à la réutilisation des informations contenues dans les documents produits ou reçus par le service régional de l’inventaire. Vous avez exposé à la commission que la région Bourgogne, en application des dispositions du chapitre II de la loi du 17 juillet 1978, prépare actuellement des licences pour la réutilisation des données publiques détenues par ses services. Dans ce contexte, vous souhaitez savoir si les documents produits ou reçus par le service régional de l’inventaire entrent dans le champ de l’exception prévue par l’article 11 de la loi. Si tel était le cas, vous vous interrogez sur la portée de cette exception. 1. Sur le champ d’application de l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978 : La commission rappelle tout d’abord que l’article 1er de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public exclut notamment de son champ d’application les documents détenus par des établissements d'enseignement et de recherche ainsi que ceux détenus par des établissements culturels, par exemple des musées, des bibliothèques ou des archives. En transposant cette directive, le législateur français, s’il a entendu quant à lui consacrer à l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 le principe de la liberté de réutilisation de toutes les informations publiques, a néanmoins confié aux « établissements, organismes ou services culturels », par l’article 11 de la même loi, le soin d’encadrer eux-mêmes l’exercice de cette liberté. L’article 95 de la loi du 13 août 2004 prévoit que l’inventaire général du patrimoine culturel, dont sont chargées depuis le 1er janvier 2007 les régions et la collectivité territoriale de Corse, « recense, étudie et fait connaître les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique ». La commission constate qu’à ce titre, les services régionaux d’inventaire ont pour activité principale de produire une documentation à caractère scientifique sur le patrimoine immobilier et mobilier de leur région, en vue notamment d'alimenter des bases de données sur l'histoire de l'art et des techniques ainsi que de fournir une aide à la décision pour les opérations d'aménagement du territoire. Les données recueillies sont archivées et, souvent, numérisées. Elles ont pour vocation d’être mises à la disposition des chercheurs, des universitaires, des gestionnaires du patrimoine mais aussi du grand public. Dès lors, eu égard aux finalités pédagogiques et scientifiques ainsi poursuivies, la commission considère que les services régionaux d’inventaire sont au nombre des services culturels mentionnés par l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978, tout comme les services départementaux d’archives et les services d’archives à vocation patrimoniale des autres collectivités territoriales et de leurs groupements (avis n°20082643 du 31 juillet 2008). 2. Sur les modalités de réutilisation : Aux termes de l’article 11 de la loi du 17 juillet 1978 : « Par dérogation au présent chapitre, les conditions dans lesquelles les informations peuvent être réutilisées sont fixées, le cas échéant, par les administrations mentionnées aux a et b du présent article lorsqu'elles figurent dans des documents produits ou reçus par : a) Des établissements et institutions d'enseignement et de recherche ; b) Des établissements, organismes ou services culturels ». Il résulte tout d’abord de ces dispositions que les articles 12 à 18 de la loi du 17 juillet 1978 ne s’appliquent pas à la réutilisation des informations publiques détenues par les services régionaux d’inventaire. L’article 10 de la loi, qui pose principe de la liberté de réutilisation de toutes les informations publiques, demeure en revanche applicable. Les services régionaux d’inventaire ne disposent donc pas d’un pouvoir discrétionnaire leur permettant d’apprécier l’opportunité de faire droit ou non à une demande de réutilisation. Une interdiction de réutilisation des informations publiques qu’ils détiennent ne peut donc être légalement fondée que si elle repose sur une autre disposition législative en vigueur, ou si elle est justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants et qu’elle est proportionnée à la sensibilité des données en cause ainsi qu’à la nature de l’usage envisagé. Il résulte également de ces dispositions qu’il appartient aux services régionaux d’inventaire de définir leurs propres règles de réutilisation. Ces règles, qui pourront s’inspirer du chapitre II du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978, devront être élaborées dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, notamment la loi du 6 janvier 1978, en ce qui concerne les données à caractère personnel, et le code de la propriété intellectuelle, ainsi que des principes généraux du droit, en particulier le principe d’égalité devant le service public, et des règles dégagées par le juge, notamment en matière de fixation des redevances de réutilisation. Ces règles peuvent être formalisées dans un règlement élaboré par l’administration ou figurer dans une licence que les intéressés devront souscrire pour réutiliser les informations publiques qui leur sont transmises. Cette réutilisation pourra donner lieu, le cas échéant, au versement de redevances, lesquelles devront être fixées de manière non discriminatoire. En l’absence de licence type ou de règlement portant sur la réutilisation de ces informations publiques, l’administration peut interdire, au cas par cas, la réutilisation envisagée, en se fondant sur des dispositions législatives en vigueur ou sur des motifs d’intérêt général qu’il lui appartient de préciser dans la décision individuelle qu’elle prend à cette fin. La commission rappelle à cet égard les inconvénients qui s’attachent à l’absence de définition au préalable des règles de réutilisation. Cette situation, par l’imprévisibilité qu’elle entretient, est préjudiciable aux réutilisateurs, qui peuvent de surcroît douter du respect, dans ces conditions, du principe d’égalité de traitement. L’administration ne saurait toutefois s’opposer à la réutilisation d’informations publiques au seul motif qu’elle n’aurait pas encore établi de règlement ou de licence pour encadrer l’usage que le demandeur entend faire de ces données.