Avis 20090682 Séance du 16/04/2009

- communication par consultation ou copie de ses dossiers administratifs d'accueillants familiaux à l'issue du classement sans suite de la procédure engagée à son encontre par le procureur de la République du parquet de Montargis.
Madame D. a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 février 2009, à la suite du refus opposé par le président du conseil général du Loiret à sa demande de communication par consultation ou copie de son dossier administratif d'accueillante familiale, après que le procureur de la République de Montargis a classé sans suite une procédure faisant état de mauvais traitements subis par les enfants accueillis. La commission constate que le dossier administratif demandé comporte, outre les documents nécessaires à l’agrément dont bénéficie Mme D. en sa qualité d’accueillante familiale, des pièces issues de deux procédures distinctes : - D’une part, plusieurs documents relatifs à l’accueil d’enfants qui lui ont été confiés par le service d’aide sociale à l’enfance, sur décision du juge des enfants ; - D’autre part, le courrier par lequel le président du conseil général du Loiret a avisé le procureur de la République de Montargis d’agissements de Mme D., mise en cause dans plusieurs documents établis à l’occasion des placements judiciaires. Il y a lieu de rappeler les règles d’accès applicables aux documents élaborés dans le cadre de chacune de ces procédures et de déterminer si leur versement dans le dossier administratif de Mme D. peut avoir une incidence sur le droit à communication de celle-ci. I. Sur le caractère communicable des dossiers d’aide sociale à l’enfance La commission rappelle qu’aux termes des articles L. 222-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles (CASF), le président du conseil général (PCG) peut, « sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire », attribuer des prestations d’aide sociale à l’enfance, en particulier l’aide à domicile (article L. 222-2 CASF) et le « placement administratif » (art. L. 222-4-2 et 222-4-3 CASF), ce dernier ne pouvant être réalisé qu’avec l’accord des parents. Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents est placé sous la protection du président du conseil général. Lorsqu’un mineur est en danger et que les mesures administratives n’ont pas permis de remédier à la situation, ou que les parents s’opposent à ces mesures (en particulier au placement), le président du conseil général doit, en vertu de l’article L. 226-4 CASF, en aviser sans délai le procureur de la République. Ce dernier peut, en cas d’urgence, ordonner le placement provisoire de l’enfant et doit alors saisir le juge des enfants dans un délai de huit jours (dernier alinéa de l’article 375-5 du code civil). Parallèlement, le juge des enfants peut être saisi par les parents ou les services d’aide sociale à l’enfance, voire se saisir d’office à titre exceptionnel, et ordonner des mesures d’assistante éducative (article 375 du code civil). La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. L’article 375-6 du code civil permet au juge des enfants, à tout moment, de modifier ou de rapporter ses décisions d’office ou à la requête d’un tiers intéressé. Durant toute la durée du placement judiciaire, le mineur est placé sous la protection conjointe du président du conseil général et du juge des enfants (article L. 227-2 CASF). La commission considère que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : - L’ensemble des pièces qui composent le dossier détenu par les services d’aide sociale à l’enfance avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé en application des dispositions mentionnées ci-dessus revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. - Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application de la loi du 17 juillet 1978. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. - En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, les autres documents élaborés par les autorités administratives (en particulier les services d’aide sociale à l’enfance) dans le cadre du placement judiciaire du mineur revêtent un caractère administratif et le conservent alors même qu’ils auraient été transmis au juge pour information. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux… Les documents qui, en application de ces règles, revêtent un caractère administratif sont communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi du 17 juillet 1978. Doivent ainsi être soustraits à la communication ou occultés les documents et mentions faisant apparaître le comportement de tierces personnes (en particulier le ou les mineurs concernés) et dont la divulgation pourrait leur porter préjudice (plaintes, dénonciations…), en application du II de l’article 6 de cette loi. II. Sur les pièces relatives aux procédures engagées auprès du procureur de la République La commission considère de manière générale que l’ensemble des documents élaborés pour les besoins et dans le cadre d’une telle procédure, y compris le courrier par lequel l’administration dénonce, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, constituent des pièces relevant de l’autorité judiciaire et sont, comme tels, soustraits au droit d’accès prévu par la loi du 17 juillet 1978. III. Sur le caractère communicable des dossiers administratifs des accueillants familiaux La commission considère que ces dossiers, qui comportent des pièces nécessaires à la gestion de l’agrément dont les accueillants familiaux doivent bénéficier pour prendre en charge des mineurs, contiennent en principe des documents administratifs communicables aux intéressés dans les conditions et sous les réserves prévues par la loi du 17 juillet 1978. Cependant, dans le cas où des pièces de nature judiciaire, telles que celles qui ont été précédemment citées, sont versées dans le dossier administratif des accueillants familiaux, la commission estime qu’elles n’acquièrent pas de ce seul fait un caractère administratif, par dérogation au principe de l’unité du dossier administratif. Ce principe, qui conduit à regarder des pièces normalement exclues du champ de la loi du 17 juillet 1978 comme des documents administratifs, n’a en effet vocation à jouer que lorsque ces pièces servent ou ont servi de support à une décision administrative déterminée. La commission précise enfin que, si l’accueillant familial à l’encontre duquel une procédure de retrait d’agrément est engagée est en droit de consulter son dossier administratif en vertu de l’article R. 421-23 du code de l’action sociale et des familles, aucune disposition de la loi du 17 juillet 1978 ou de ce code ne lui a conféré compétence pour interpréter ce texte. IV. Application au cas d’espèce La commission prend note, en premier lieu, que l’intéressée a pu avoir accès à certaines pièces de son dossier. Elle ne peut que déclarer, dans cette mesure, la demande sans objet. La commission estime, en second lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que le président du conseil général se serait fondé sur les documents de nature judiciaire versés dans le dossier administratif de Mme D. pour prendre à son égard une décision administrative portant sur l’agrément dont elle bénéficie. La dénonciation adressée au procureur de la République de Montargis ne saurait, en particulier, être regardée comme une décision administrative, dès lors qu’elle est indétachable d’une procédure pénale (CE, 21 décembre 1976, Association des concubins et concubines de France et Lefer, Rec. Leb. p. 519). La commission émet un avis favorable à la communication des documents non communiqués qui, en application des règles rappelées au I ci-dessus, revêtent un caractère administratif, après occultation des mentions faisant apparaître le comportement des mineurs concernés dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice. Elle rappelle à cet égard qu’il ne lui appartient pas d’indiquer, au sein d’un volume important de documents, celles des mentions qui doivent être occultées en vertu des dispositions de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, mais seulement, à la demande de l’administration, de se prononcer sur le caractère communicable de documents ou de passages soulevant des difficultés particulières d’appréciation. Dans le cas où de telles occultations priveraient un document de son sens ou la communication de son intérêt pour le demandeur, la commission émet un avis défavorable à sa communication. Pour le surplus des documents, qui revêtent un caractère judiciaire, la commission ne peut en revanche que se déclarer incompétente.