Avis 20082898 Séance du 31/07/2008
- délivrance d'une licence pour la réutilisation du Bulletin Officiel des impôts au format numérique.
Monsieur B., pour le compte de la société Lexis Nexis S.A., a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 juin 2008, à la suite du refus opposé par le directeur général des finances publiques à sa demande de communication du bulletin officiel des impôts en format numérique et de délivrance d'une licence en vue de sa réutilisation.
Au mois de mai 2006, la société Lexis Nexis S.A. s’est rapprochée du ministère de l’économie et des finances afin d’acquérir une licence portant sur la réutilisation de la documentation de base de la direction générale des impôts mise en ligne sur internet, à savoir le code général des impôts, le livre des procédures fiscales et les bulletins officiels des impôts. Après avoir effectué des essais techniques destinés à s’assurer du caractère exploitable des fichiers de la direction générale des impôts, la société Lexis Nexis S.A. a souhaité, en février 2007, prendre connaissance du projet de contrat de licence ainsi que des conditions tarifaires de l’opération. Ceux-ci lui ont été transmis en mai 2007 par la direction générale des impôts, qui a saisi le comité du service public de la diffusion du droit par l’internet pour avis, conformément à l’article 4 du décret n° 2002-1064 du 7 août 2002, qui prévoit que l'autorité responsable de l'exploitation du site sur lequel sont diffusées les données objet de la licence doit, avant de prendre sa décision, consulter le comité pour avis. Après avoir sursis à statuer lors de sa séance du 7 décembre 2007, le comité a finalement émis un avis négatif au projet de contrat de licence le 18 mars 2008. Par un courrier du 10 juillet 2008, le directeur général des finances publiques a indiqué à la commission qu’il a, depuis lors, saisi l’agence du patrimoine immatériel de l’Etat afin qu’elle l’éclaire sur le dispositif juridique encadrant le droit à la réutilisation des documents administratifs dématérialisés communicables et qu’elle l’assiste dans la rédaction d’un nouveau projet de licence, et que, pour l’heure, l’instruction de la demande de la société Lexis Nexis S.A. se poursuivait.
Le premier alinéa de l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005, prévoit que : « Les informations figurant dans des documents élaborés ou détenus par les administrations mentionnées à l'article 1er, quel que soit le support, peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été élaborés ou sont détenus ». L’alinéa 2 du même article exclut toutefois du champ d’application du droit à la réutilisation ainsi défini les informations contenues dans des documents : « a) Dont la communication ne constitue pas un droit en application du chapitre Ier ou d'autres dispositions législatives, sauf si ces informations font l'objet d'une diffusion publique ; b) Ou élaborés ou détenus par les administrations mentionnées à l'article 1er dans l'exercice d'une mission de service public à caractère industriel ou commercial ; c) Ou sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle ». Il résulte de ces dispositions que la circonstance que des informations visées par l’article 10 de la loi du 17 juillet 1978 fassent l’objet d’une diffusion publique au sens de l’article 2 de cette loi, loin de faire obstacle à l’exercice, par toute personne qui le souhaite, du droit à réutilisation, a précisément pour effet de faire entrer dans le champ d’application de ce droit de telles informations.
La commission considère que la documentation générale de base de la direction générale des impôts constitue un ensemble d’informations publiques au sens de l’article 10 de la loi, soumises au droit à réutilisation prévu par le premier alinéa de cet article. La commission estime également que leur mise à disposition du public à des fins commerciales par la société Lexis Nexis S.A. constitue une réutilisation au sens de ces dispositions.
La commission émet donc un avis favorable à la réutilisation des informations visées par la demande d’avis qui lui est soumise. Elle constate en outre qu’une telle réutilisation suppose la communication, conformément aux termes de cette demande, d’une copie du support électronique utilisé par l’administration. En effet, si ces données font l’objet d’une diffusion publique et sont donc librement accessibles à toute personne intéressée, leur réutilisation commerciale par la société Lexis Nexis S.A. suppose néanmoins l’accès aux fichiers eux-mêmes. Elle émet donc également un avis favorable à leur communication.
La commission rappelle ensuite que selon l’article 15 de la loi, la réutilisation d'informations publiques peut donner lieu au versement de redevances. Cet article laisse à chaque autorité compétente le soin de décider si la réutilisation des informations qu’elle détient donnera lieu ou non à la perception d’une telle redevance. La loi encadre la fixation de son montant, tout en laissant une marge d’appréciation importante. Il est notamment prévu que l’administration saisie d’une demande en vue de la réutilisation d’informations publiques ne peut intégrer dans la fixation de la redevance un paramètre permettant de tenir compte des recettes que dégagera la réutilisation des informations ; qu’elle ne peut traiter différemment des réutilisateurs placés dans une même situation ; qu’elle est tenue d’établir une comptabilité analytique pour permettre de justifier que les redevances ont été déterminées dans le respect des lignes directrices posées par la loi de 1978 et le décret de 2005. Enfin, l’article 16 de la loi prévoit que lorsqu’elle est soumise au paiement d'une redevance, la réutilisation d'informations publiques donne lieu à la délivrance d'une licence, qui fixe les conditions de la réutilisation des informations publiques. Il dispose également que les administrations qui élaborent ou détiennent des documents contenant des informations publiques pouvant être réutilisées « sont tenues de mettre préalablement des licences types, le cas échéant par voie électronique, à la disposition des personnes intéressées par la réutilisation de ces informations ». En outre, l’article 38 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 prévoit que les conditions de réutilisation des informations publiques, ainsi que le montant des redevances liées aux licences types, sont fixées à l'avance par l’administration.
En l’espèce, la commission relève que si l’administration a élaboré un projet de licence type et a fixé à l'avance le montant de la redevance susceptible d’être exigée des personnes intéressées par la réutilisation de ces informations, elle a, à la suite de l’avis négatif rendu par le comité du service public de la diffusion du droit par l’internet, souhaité rediger un nouveau contrat de licence. La commission estime que ces circonstances ne sont, en tout état de cause, pas susceptibles d’être invoquées par l’administration comme faisant obstacle à l’exercice du droit à réutilisation dans les conditions précisées plus haut. La société Lexis Nexis SA, qui est en droit d’obtenir sans délai ces documents, peut donc légalement les réutiliser immédiatement en-dehors de toute licence, aussi longtemps que l’administration n’aura pas élaboré une telle licence.
La commission tient enfin à rappeler que le droit à réutilisation s’exerce dans les conditions prévues aux articles 12 et suivants de la loi et au titre III du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005. Notamment, sauf accord de l'administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées (article 12 de la loi). Elle insiste par ailleurs sur le fait que, selon l’article 14 de la loi, la réutilisation d'informations publiques ne peut faire l'objet d'un droit d'exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l'exercice d'une mission de service public - ce qui n’est pas le cas en l’espèce.