Conseil 20063129 Séance du 28/09/2006
- caractère communicable des documents suivants, relatifs au livre foncier d'Alsace et de Moselle dans le cadre des réformes en cours:
1)
a) la base de donnée en cours d'élaboration depuis 1994 par le GILFAM constitue-t-elle un document administratif au sens de la loi du 17 juillet 1978?
b) l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 30 décembre 2004 aura t-elle une incidence au regard de l'applicabilité du chapitre I de la loi du 17 juillet 1978?
2)
a) dans quelle mesure les dispositions du chapitre I de la loi du 17 juillet 1978 s'appliquent-elles aux informations détenues par le GILFAM?
b) qu'en sera-t-il lorsque ces informations seront detenues par l'établissement public qui succèdera au GIFLAM et que les dispositions de la loi du 30 décembre 2004 seront entrées en vigueur?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 28 septembre 2006 votre demande de conseil relative à l’applicabilité des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 aux documents de publicité foncière d’Alsace et de Moselle sur support électronique détenus par le groupement d’intérêt public pour l’informatisation du Livre foncier d’Alsace et de Moselle (GILFAM).
En premier lieu, la commission rappelle que la publicité foncière en Alsace et en Moselle, régie par des dispositions du droit local issues de la loi du 1er juin 1924 et des décrets du 18 novembre 1924 et du 14 janvier 1927, s’effectue au moyen de plusieurs registres : en premier lieu, le Livre foncier, qui regroupe l’ensemble des registres de publicité des droits réels immobiliers pour chaque circonscription foncière auxquels la loi attache des effets juridiques ; en deuxième lieu, le registre des dépôts qui regroupe, par ordre de présentation, les requêtes à fins d’inscription dans le Livre foncier ; en troisième et dernier lieu, les registres auxiliaires que sont le registre des propriétaires, le registre parcellaire, le registre des annexes, le registre de la liquidation et des frais et le registre des commandes de copie et des consultations.
Le Livre foncier est lui-même décomposé en feuillets, ouverts pour chaque propriétaire, qui comportent un titre récapitulant leur nom, prénom, date de naissance, profession et domicile ; une première section « Propriété » retraçant notamment la désignation des propriétés immobilières et l’inscription des droits réels immobiliers autres que le droit de propriété lorsqu’ils sont grevés d’un droit réel ; une deuxième section « Charges et restrictions au droit de disposer » ; et une troisième section « Privilèges, hypothèques et séparation des patrimoines ». Depuis la loi n°94-342 du 29 avril 1994, le GILFAM procède à la numérisation de ces documents, afin de constituer une base de données informatisée et gérée par le biais du système AMALFI (Alsace et Moselle Application pour un Livre Foncier Informatisé).
Les documents ainsi transférés sur support électronique sont destinés à être communiqués à distance ou consultés dans les bureaux fonciers et sur Internet, sur le fondement de l’article 37 de la loi du 1er juin 1924 dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi n°2002-306 du 4 mars 2002, à compter du 1er janvier 2008, date de l’entrée en vigueur de ces dernières dispositions.
Jusqu’à cette date, l’accès à la publicité foncière en Alsace et Moselle demeure régi par l’article 37 de la loi du 1er juin 1924 dans sa version antérieure et par les articles 50 et 51 du décret du 18 novembre 1924 pris pour son application, modifié en dernier lieu par le décret n°2005-563 du 20 mai 2005. Il ressort de ces dispositions que la consultation des documents de publicité foncière détenus par les bureaux fonciers sur support papier s’effectue gratuitement, soit directement au bureau foncier, soit par correspondance sur demande écrite adressée au bureau foncier. A l’exception des demandes formulées par les administrations publiques, les fonctionnaires d’Etat dans l’intérêt du service, les notaires, les avocats et les avoués, la communication des documents de publicité foncière est subordonnée à la justification, par le demandeur, d’un intérêt légitime.
En deuxième lieu, la commission estime que l’article 37 de la loi du 1er juin 1924 institue un régime spécial d’accès aux documents de publicité foncière en Alsace et Moselle, qui déroge, tant en raison de la spécificité de son objet que de son champ d’application géographique, aux dispositions générales du chapitre Ier du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978. Ces dernières sont donc inapplicables à la communication des documents composant le Livre foncier, tant dans sa version électronique que dans sa version papier. Il en sera de même à compter de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, des dispositions de la loi du 4 mars 2002. En particulier, la mise en place de l’établissement public prévu à l’article 2 de la loi du 4 mars 2002 modifiée et se substituant au GILFAM, sera dépourvue d’incidence à cet égard.
En troisième et dernier lieu, la commission rappelle que le chapitre II du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 institue et encadre l’exercice du droit à la réutilisation d’informations publiques à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été élaborés ou sont détenus. Elle considère toutefois, eu égard aux spécificités de la publicité foncière en Alsace et Moselle, dont le régime, notamment, réserve le droit à communication à des personnes justifiant d’un intérêt légitime, et dont les supports comportent, à la différence de la publicité foncière sur le reste du territoire, de nombreuses mentions étrangères à cet objet, que les dispositions du droit local font là encore obstacle à l’application de la loi de 1978. La commission précise que l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, des modifications introduites par la loi du 4 mars 2002, ne saurait avoir pour effet de rendre applicables les dispositions du chapitre II du Titre Ier de la loi du 17 juillet 1978.
La commission a déduit de tout ce qui précède que, dans le cadre juridique actuel, la loi du 17 juillet 1978 ne s’applique pas aux documents de publicité foncière en Alsace et Moselle pour ce qui regarde, tant le droit d’accès à ces documents et les modalités de leur communication, que le droit à la réutilisation des informations qui y figurent. La commission s’est par conséquent estimée incompétente pour se prononcer sur la communication de ces documents aussi bien que sur la réutilisation des informations dont ils sont le support. La commission a également estimé qu’il en irait de même après le 1er janvier 2008, sauf intervention du législateur destinée à harmoniser, sur l’ensemble du territoire, l’exercice du droit d’accès aux documents administratifs et du droit de réutilisation des informations publiques.